Stained Club

The Stained Club : retour sur le court-métrage primé au SIGGRAPH 2019

3DVF : Quelques mots également sur les décors et props, ainsi que sur le choix d’un terrain vague assez épuré comme lieu principal ?

Le “junkyard” avait besoin d’être un endroit abandonné où les enfants pourraient se réfugier. Pas trop chaotique afin qu’ils puissent y faire leur place, et en avoir une dans les compositions des plans, mais aussi pouvoir le customiser à leur guise afin de se sentir chez eux. Les props ont été très longs à créer parce qu’il y en a plein de petits partout durant tout le film, mais on s’est quand-même bien amusés à essayer de se souvenir quel genre de trucs nous avions dans nos chambres étant enfants. On a aussi caché quelques références aux films de nos amis de promos, mais il faut vraiment le savoir pour les trouver!

3DVF : Le court-métrage, tout en étant douloureusement ancré dans le réel, propose une tonalité fantastique avec les taches de Finn et la séquence où il tente de communiquer avec sa mère. Pourquoi ce choix, et comment avez-vous géré techniquement cet aspect du film ?

C’est un choix qui a été fait en cohérence avec le fait que la souffrance psychologique peut paraître “fantastique” (pas dans un bon sens évidemment, dans le sens magique) quand on se rend compte ce qu’elle peut nous faire à nous et notre corps, sans réellement montrer qu’elle est là. Réalistiquement, on ne peut pas directement la voir sur nous, simplement les conséquences de celle-ci, et l’animation nous a aidés à lui donner une forme physique, inspirée des taches de sang des photos d’Angela Strassheim. On voulait aussi montrer l’innocence de l’enfant quand Finn explique qu’il les voit comme de la “poussière d’étoiles”. Quand les enfants sont confrontés à des choses dures, souvent, ils ne le réalisent pas et vont les faire paraître plus jolies qu’elles ne le sont. C’est un peu un superpouvoir qu’ils ont…
Dans la séquence surréaliste avec sa mère, son monde s’effondre et la poussière des meubles qui a le même aspect que les taches remonte submerger Finn. Techniquement, Beatrice a fait une première version de la scène, mais elle était devenue trop compliquée et plus pertinente avec l’effet voulu de base. Une deuxième version a été faite. Avec les intentions remises au clair et des connaissances techniques en plus, cette nouvelle version était la bonne.

Lookdev sur les taches

3DVF : Quels ont été les principaux obstacles (techniques, artistiques ou encore organisationnels) rencontrés durant la production, et comment les avez-vous surpassés ?

Nous voulions un style qui marche entre des personnages simples et des textures complexes. Au bout de plusieurs mois de travail, nous avons décidé de se rapprocher d’un style proche de Gumball avec certains objets réalistes et d’autres avec des textures très simplifiées.
La question qui est restée le plus longtemps sans réponse était l’apparence des taches. Est-ce qu’elles devaient sortir de la peau? Au contraire voir l’intérieur? Est-ce qu’elles n’étaient pas trop proches de bleus physiques? Finalement nous avons adopté une des premières recherches, celles de tâches pailletées.
Après, il y a eu plusieurs autres challenges: rigger cinq personnages, faire du lipsync (premier projet à l’école avec du dialogue!) , les effets spéciaux dans le salon… Mais en s’organisant et en ajustant le planning tout le long de l’année, nous y sommes arrivés.

3DVF : La réception du court a été très positive : 150 sélections dans les festivals, une trentaine de prix dont un Jury’s Choice Award au SIGGRAPH 2019, une sélection en demi-finale pour les Student Academy Awards. Comment avez-vous vécu ce parcours en festival ?

Mélanie Lopez : On pouvait difficilement y croire! Je dis souvent qu’on est juste des “bébés de l’animation”, et si un jour je devais vivre ce qu’on a vécu, je pensais que ce serait dans plusieurs années. On est aujourd’hui à 200 festivals… C’est un peu incroyable pour un film de fin d’études. La chose la plus incroyable, c’est quand des inconnus nous envoient des mots très personnels qui racontent leur histoire, et comme le film les a émus ou fait se sentir moins seuls. Quelqu’un m’a dit “Aujourd’hui, j’essaye d’être fier de mes taches!”, c’était très émouvant à entendre. Maintenant, le court fait son propre chemin, sans nous, et on en est très contents.
Et si vous m’aviez dit que j’allais serrer la main de Dean Deblois à Annecy alors qu’il faisait partie du jury des films étudiants où l’on serait sélectionnés, 1 an après la fin de nos études, je ne vous aurais pas cru!

3DVF : Toujours en termes de réception, votre film a été utilisé comme support auprès de CE2 pour évoquer la maltraitance : vous attendiez-vous à ce type de retombée ?

Mélanie Lopez : Pas du tout! Les gens nous avaient même dit que le film serait trop dur pour les enfants: nous, on ne pensait pas. La métaphore aide. Je ne pense pas que la souffrance psychologique soit quelque chose dont on parle beaucoup aux enfants, alors qu’ils peuvent aussi en ressentir; simplement, c’est plus dur pour eux de mettre des mots dessus. Je pense que c’est important pour eux de comprendre qu’ils ne sont pas “bizarres” parce qu’ils peuvent se sentir en colère ou tristes à l’intérieur suite à un événement. C’est génial aussi de penser que quelque chose que l’on a créé de nos petites mains puisse être un outil pédagogique… Plus qu’avoir créé un film étudiant que nous aimions, on s’est sentis utiles; qu’on pouvait aider d’une certaine manière.

3DVF : Auriez-vous quelques conseils pour des élèves, encore en école, qui envisagent comme vous de traiter un sujet difficile ?

Connaître son sujet: l’avoir expérimenté, ou bien prendre le temps d’entendre et écouter les personnes concernées. Si tu ne sais pas de quoi tu parles, les gens vont le sentir, parce que le film ne sera pas composé de toutes les petites choses subtiles qui le rendront réel. Être prêt à en parler aussi si l’on est concerné, parce que vous allez devoir défendre vos idées devant plein de gens un million de fois, et ça peut être dur mentalement. Et surtout ne pas avoir peur de faire des choses parce qu’on “ne fait pas ça dans un film étudiant normalement”. Si votre histoire en a besoin, faites-le!

3DVF : Le court ayant été réalisé en 2018, l’équipe a poursuivi son chemin depuis… Où en sont vos carrières respectives ? Quels sont vos projets en cours ?

Mélanie: Aujourd’hui, je travaille en visual development et pré-production pour des studios français, plus particulièrement sur du storyboard en ce moment. Mais à côté, j’écris et développe plusieurs histoires, en attendant qu’elles soient prêtes à être produites. J’aimerais vraiment réaliser encore!

Béatrice: Après avoir travaillé comme généraliste 3D à Ramdom42 pour un peu plus d’un an, je m’en vais à Los Angeles travailler pour Buck.tv!

Alice: Je travaille maintenant en tant que concept artist et 3D chara artist pour un studio de jeu vidéo basé à Bordeaux en France.

Simon: Après avoir travaillé en tant qu’animateur sur plusieurs projets en France et Belgique, je suis maintenant professeur en animation de personnage et réalisation de films dans une école française (Pôle3D). En attendant, j’essaye de développer mes compétences d’animateur pour avoir une chance de rejoindre les gros studios aux Etats-Unis.

Stéphie: J’ai travaillé en tant qu’animatrice pour Studio100 pendant 6 mois et je travaille maintenant à Illumination MacGuff comme layout artist et animateur de foule.

Marie : J’ai travaillé pendant un an sur mes projets de livre et d’illustrations, tout en cherchant un poste en modélisation 3D. J’ai encore des projets futurs : livre d’enfants, bandes dessinées et j’essaie d’écrire un long-métrage.

Pour en savoir plus

Le site du court-métrage.

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