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Un million par an pour Blender : quelles conséquences pour son avenir ?

Il y a quelques jours, l’équipe Blender annonçait que Unity rejoignait le fonds de développement de Blender avec le statut de « Patron », qui implique un don annuel de 120 000€ ou plus.
Avec ce soutien, ainsi que les donateurs les plus récents, Blender passe des caps symboliques :

  • celui des 100 000€ par mois, avec 106 260€ de contribution à l’heure où nous publions ces lignes ;
  • Blender a aussi passé le million annuel, avec 1,275 million au rythme mensuel actuel.

Ces caps permettent de financer 20 développeurs, une puissance de feu importante pour l’avancée du produit.

Une équipe de développement professionnalisée

On assiste donc, grâce au fonds de développement, à une professionnalisation de l’équipe au coeur du produit.

En termes de développement, cela implique évidemment qu’un nombre réduit de personnes sera responsable de l’immense majorité du développement, mais cela n’a rien de nouveau. Certes, il est théoriquement possible pour n’importe qui de contribuer, mais en pratique ces contributions sont rares : ce top 20 des plus gros développeurs publié en 2013 le montre, les 5 premiers étant responsables de près des 3/4 des « commit » sur toute l’année. Ce type de situation est d’ailleurs classique dans le secteur du logiciel libre.

Les entreprises, élément clé de l’avenir de Blender

Autre point intéressant : l’essor du Blender Development Fund provient essentiellement d’entreprises et non d’artistes indépendants ou d’amateurs.

44 entreprises, 4760 personnes individuelles participent au Blender Development Fund

Il sera intéressant de suivre l’évolution de ce pactole, mais aussi ses conséquences en termes de développement : ces soutiens ne sont pas totalement désintéressés. Les motivations sont multiples : autopromotion et retours indirects pour des groupes comme NVIDIA et AMD, studios cherchant à financer un produit qu’ils ont désormais adopté et qui ont des attentes sur son avenir, etc. Tout ceci implique que les dons ne sont pas inconditionnels : un studio continuera-t-il à financer Blender si le produit évolue dans une direction qui ne lui convient pas ? Les soutiens publicitaires cesseront-ils si les budgets marketing sont rognés ?
Blender arrive pour le moment à contenter l’ensemble de sa communauté, qu’il s’agisse d’amateurs éclairés, de freelances ou de studios : mais cet équilibre sera-t-il conservé au fil des ans ?

Difficile, évidemment, de prédire l’avenir. Mais les intérêts des uns et des autres, pas forcément concordants, pourraient représenter à terme un défi pour l’équipe Blender.

Un modèle pour le logiciel libre

Reste toutefois une évidence : à ce stade, Blender est clairement une réussite d’un point de vue libriste. Le projet a su sécuriser des sommes conséquentes et régulières.
Par ailleurs, Blender a réussi à devenir une alternative viable à certains outils professionnels, là où d’autres solutions libres peinent encore, après des années d’efforts, à se faire une place dans le monde de l’image.

14 commentaires

corentin3d 1 septembre 2020 at 11 h 25 min

Faut vraiment pas que Blender prenne la grosse tête… J’ai un peu peur de ça… Qu’on perde un peu l’essence de Blender…. A voir.

Shadows 1 septembre 2020 at 11 h 27 min

[USER=39401]@corentin3d[/USER] : comment tu définirais « l’essence de Blender », du coup ?

Je suis curieux d’avoir l’avis des autres blenderiens et fans de longue date sur l’évolution du financement : est-ce que vous voyez ça comme quelque chose de 100% positif ? Avez-vous peur que l’outil ne finisse par vous « échapper », avec les entreprises sponsor qui décideraient de la stratégie globale ? Voyez-vous la situation comme du gagnant-gagnant, ou un compromis nécessaire ? Quid de la possibilité du vent qui tourne et du Blender Development Fund qui pourrait un jour cesser de grimper, et au contraire chuter ?
Pour les gens en studio qui utilisent Blender, voire qui font aussi du soutien financier au produit, quelle est votre vision de l’avenir du produit ? Les décisions stratégiques peuvent-elles/doivent-elles impliquer davantage les « clients » qui financent ?

stilobique 1 septembre 2020 at 11 h 47 min

L’essence du logiciel -de mon point de vue en tout cas- c’est pouvoir gérer tout le pipe de prod dans le logiciel. C’est un défi compliqué et qui n’aboutira jamais ; en revanche quand on voit l’évolution des brushs pour le sculpt il faut -je pense- rester enthousiaste. On reste dans un secteur assez novateur et dynamique, a quand plus d’IA dans les productions ciné et jeux video ?

Pour moi le seul « soucis » au final, est de voir toujours favoriser les outils pour les productions d’animation/cine et pas forcément pour le jeux video -j’ai en tete les UV packing/lightmap qui sont vraiment médiocre. Mais ça demande un dév qui souhaite s’occuper de cette aspect, et malgré l’argent qui coule à flot maintenant, il n’y a pas de programmeur pour se mettre sur se segment.

corentin3d 1 septembre 2020 at 13 h 19 min

J’ai peur qu’on perde le côté un peu roots, indé… Avec tous ses financements (Epic, Unity et d’autres) ça leur sorte les yeux de la tête et qu’il commence à prendre une route qui personnellement me déplairait. Blender se démocratise de plus en plus… Je vois les différentes agences (petites équipes) qui bossent qu’avec Blender maintenant (y compris celles pour lesquelles je bosse). J’ai vu aussi le nombre de demande de formation sur Blender explosé ; Casi que ça. Donc oui, Blender est bien présent, partout. Du financement arrive de partout et c’est tant mieux pour la foundation. A voir comment les choses évoluent. ++

tmaes 1 septembre 2020 at 20 h 12 min

Je ne sais pas trop pour l’influence de l’argent, par contre en parler dans l’article en terme de ‘produit’ me fait saigner les yeux (je pense que c’est voulu du fait du big money qui entre en jeu).

Shadows 1 septembre 2020 at 20 h 20 min

[USER=4877]@tmaes[/USER] C’est vrai que le terme entre un peu en collision avec l’esprit libriste et l’image de Blender. D’un autre côté, vu les finances de l’outil et l’usage en studio, le mot est sans doute adapté, je pense.

Shadows 1 septembre 2020 at 20 h 26 min

En direct des conférences RenderMan, une info : un nouveau pont Blender-RenderMan est annoncé ! Disponibilité d’ici quelques jours, j’en reparlerai dans les news quand ce sera en ligne.

Po4112 2 septembre 2020 at 3 h 49 min

Bonjour,
Maintenant à la retraite, j’ai arrêté Lightwave pour Blender, Photoshop pour Gimp etc… J’ai toujours « surveillé » Blender et maintenant je me régale car depuis que la « Blender Foundation » reçoit de fonds, le développement va plus vite. Bien sûr il y a des risques mais le Chairman Ton veille aux grains donc crois pas que dans un avenir proche qu’il y ait trop de souci à se faire.
Je reste confiant.

corentin3d 2 septembre 2020 at 7 h 58 min

Top, Merci Benoit pour la dernière new sur Renderman.

Maxiriton 2 septembre 2020 at 21 h 05 min

Pour moi le plus gros risque pour Blender, c’est de perdre Ton Ronsendaal, le créateur du soft et qui chapeaute la fondation. il est l’élément central du succès actuel de Blender, et il est vraiment indispensable au développement stratégique du logiciel.

Après, il est très conscient que beaucoup de choses dépendent de lui et il mets en place depuis quelques années une organisation pour que le projet continue, même quand il sera à la retraite… N’empêche, il ne faut pas oublier que c’est vraiment lui qui personnifie le projet et qui a su le garder cohérent au fil des années. (Un peu comme Linus Torvalds pour Linux )

Un autre truc important, et la fondation est assez claire la dessus, filer des sous au dev fund, ne permet pas d’acheter des features. La roadmap est définie par la fondation et si une grosse boite a besoin de nouvelles features, la fondation les incite fortement à engager des dev en interne pour le faire. Du coup, ca permet de garder une certaine stabilité sur la roadmap et clairement, ils s’y tiennent plutot pas mal, sans trop d’interférences par les gros du marché qui font juste leur com’ en filant des sous à Blender et qui defiscalisent au passage, comme ça tout le monde est content !

Globalement, quels autres soft du marché offrent une visibilité de plusieurs années sur leur roadmap à tout les users ?

Aussi, le fait d’être une fondation permet d’assurer un bon usage des sous, on sait que l’argent donné ne va pas repartir dans les poches d’actionnaires. Et surtout, on sait qu’il n’y a pas d’actionnaires qui vont s’emparer du produit dans quelques années, une fois qu’il sera bien implanté, et vouloir augmenter la rentabilité de façon stratosphérique (à la Nuke…). Là encore les utilisateurs (et les donateurs) sont protégés.

Bref, c’est cool tout ça.

zeauro 3 septembre 2020 at 15 h 09 min

Personnellement, j’avais plus peur pour l’avenir de Blender quand les soutiens financiers n’étaient pas si francs et que le travail à abattre semblait gigantesque.

Honnêtement, ça a beau être une somme importante pour un individu. Là, on parle d’une fondation qui souhaite juste embaucher une vingtaine de personnes à temps plein.
C’est pas assez d’argent pour que l’ambiance à la Blender Foundation parte en vrille. On reste dans le cadre d’un chiffre d’affaire de PME pour un projet qui a toujours été international.

Si un dev prend la grosse tête, aujourd’hui ; ça tiendra plus de la portée du logiciel que d’un salaire mirobolant.
En 2013, le droit de commit avait beau être limité à quelques devs comme aujourd’hui. A l’époque, les auteurs originaux ayant fournis les patches pour ces commits n’étaient pas toujours crédités. Ce n’est plus le cas, aujourd’hui. L’ auteur du travail original est crédité en même temps que le développeur qui a le droit de commit.
Et quand les commits en question correspondent à un commit introduisant un bug, un revert et une correction du même dev ; il n’y a pas de quoi être fier d’avoir faire monter son compteur de la sorte.
N’importe qui peut toujours remonter l’historique de développement et dire lequel d’entre eux à foirer.
C’est vrai que sur les forums, les développeurs peuvent être encensé comme des sauveurs, mais ils s’y font aussi critiquer.
Voir sa pile de rapports de bugs augmenter doit aussi les faire redescendre.

Ton a fait le pari que l’ampleur du redesign de Blender convaincrait les gros soutiens financiers d’affluer. Et il faut bien reconnaître que ça a marché.
Mais ça aurait pu lamentablement foiré. Ma plus grosse peur était que le temps nécessaire au redesign s’éternise et que ça lasse les utilisateurs et les développeurs.
On serait rentré dans un cercle vicieux que connaissent beaucoup de projet de logiciels libres. Moins il y a de contributeurs, moins le projet avance.
Moins le projet avance, moins il intéresse de gens.
Et il finit par se retrouver au point mort. Jusqu’à ce qu’une nouvelle génération de libristes motivés décide de reprendre le flambeau ou de repartir à zéro.

Grosso modo, Blender aurait pu être éclipsé par une kyrielle de freeware. Mais parce qu’il est là, depuis plus longtemps que les freeware en question, les fournisseurs de freeware 3D peuvent sponsoriser autant de youtubers qu’ils veulent ; il y a des milliers de membres enthousiastes de la communauté Blender, prêts à le citer en commentaires.
Malgré mes réticences de vieux rabat-joie , la série 2.80 a suscité un très large engouement.

Je pense que ces financements sont une reconnaissance de ce statut de référence incontournable. Bien sûr, l’intérêt derrière les motivations évoquées dans l’article est manifeste.
Quelque soit la taille de la banque d’assets qu’Unity offre à ses utilisateurs, une partie d’entre eux préférera toujours travailler sur leurs propres créations.
Et si Nvidia poste des vidéos consacrées à Blender sur sa chaine youtube, c’est pour promouvoir Optix.

Mais je suis très serein quant à la direction du développement et la pérennité du financement à court et moyen terme.
Le décollage du nombre de soutiens Corporate est arrivé après le lancement de la 2.80 ou le choix d’opter pour la création d’une LTS.
Des années de réflexion et de dialogues avec la communauté ont débouché dans la tête de Ton sur une vision, soutenue par un engouement populaire.
Cette vision largement partagée est la raison du soutien financier de gros acteurs, généralement frileux. Par définition, ils y adhèrent.

La communauté a couché sur le papier ses desiderata. Toutes les tâches à accomplir par les devs sont accessibles sur leur site.
La roadmap pour les 3 prochaines versions de Blender a été annoncée. Et il y a des projets entamés qui iront de toute façon, bien au-delà.
La route est donc tracée pour un bon moment. Et la moitié du trajet a déjà été parcourue.
Les coordinateurs du développement bossent ensemble dans le même bâtiment.
Et ils ont instauré des meetings en ligne, réguliers, plus nombreux qu’auparavant.
Chaque compte rendu de meeting est accessible et est passé au crible par la communauté des utilisateurs sur les différents forum de discussion.
Le développement étant transparent, la surprise des utilisateurs ne dépend que de leur niveau d’implication dans le suivi du développement.

Donc si, une fois que l’objectif actuel fixé sera atteint, la direction change.
Si cela ne plaît pas à un studio ; il aura des mois d’opportunités de débat afin de l’infléchir, avant de retirer son soutien.
Comme il y a eu des mois de discussions de la part de tous les acteurs avant, pendant et après la codequest.

Si un soutien peut être retiré pour d’autre motif ; il est peu probable que tous les soutiens se désistent, en même temps.
Le nombre de gros contributeurs Corporate (Patrons) est bien de 4.
Mais au total, des contributeurs Corporate, il y en a quand même 45 différents.

La route est vraiment dégagée jusqu’à la version 3. Une fois que ces promesses auront été remplies, on pourra se poser la question de la suite.
Mais, pour l’instant, le bateau n’a jamais été aussi solide ; et il n’y a pas de raison pour qu’il change de cap.

Shadows 4 septembre 2020 at 15 h 02 min

[QUOTE] Après, il est très conscient que beaucoup de choses dépendent de lui et il mets en place depuis quelques années une organisation pour que le projet continue, même quand il sera à la retraite… N’empêche, il ne faut pas oublier que c’est vraiment lui qui personnifie le projet et qui a su le garder cohérent au fil des années. (Un peu comme Linus Torvalds pour Linux ) [/QUOTE]
C’est vrai que ça joue énormément. Dans le même esprit, j’ai vu passer un extrait de reportage sur Carlos Ghosn qui me semblait pertinent(même si les personnages et entités n’ont rien à voir) : des hauts placés du groupe expliquaient qu’un de leur jobs réguliers était de faire de l’analyse de risque, du type « on est en 2040, Renault est mort et enterré, pourquoi, qu’est-ce qui a pu causer ça » pour mettre en lumière les failles de l’entreprise. Et dans leur cas, la faille, c’était Ghosn, qui était tellement impliqué partout que sa disparition était vue comme un coup potentiellement mortel.
Même si ça a un côté morbide, prévoir l’imprévisible et mettre en place de quoi être remplacé est malheureusement utile.
(au passage, pour les personnes qui se poseraient la question : Ton Roosendaal a 60 ans)

[QUOTE]Ton a fait le pari que l’ampleur du redesign de Blender convaincrait les gros soutiens financiers d’affluer. Et il faut bien reconnaître que ça a marché.
Mais ça aurait pu lamentablement foiré. Ma plus grosse peur était que le temps nécessaire au redesign s’éternise et que ça lasse les utilisateurs et les développeurs. [/QUOTE]
Et il faut rappeler aussi qu’il y a eu plusieurs modèles économiques mis en avant successivement pour le logiciel. Même s’il y a une certaine réputation de résistance (dont le fameux comportement du clic), il faut bien admettre que Ton et le coeur de l’équipe ont su se remettre en question, aller de l’avant.

[QUOTE] Globalement, quels autres soft du marché offrent une visibilité de plusieurs années sur leur roadmap à tout les users ? [/QUOTE]Sur ce point, le libre a un avantage. Un responsable Autodesk m’avait expliqué il y a quelques années que la raison pour laquelle ils ne disaient rien à l’avance, c’était essentiellement pour des raisons boursières : si tu dis « dans 6 mois on ajoute ça », ça devient une promesse et a des implications très concrètes sur la façon de comptabiliser les rentrées financières (décalage au semestre suivant, etc). D’où les vidéos de nouveautés présentées en avance mais avec des warnings « on ne promet rien, ptet que ça n’arrivera pas, ne basez pas vos achats là-dessus ».
Plus récemment Autodesk se met à être un peu plus transparent sur sa roadmap, je me demande si ça ne vient pas de la même raison, mais avec le passage à l’abonnement qui permet peut-être plus de souplesse sur les promesses, par rapport aux licences perpétuelles.

zeauro 4 septembre 2020 at 19 h 09 min

Il est vrai que l’ouverture et la gratuité du libre inverse le comportement des utilisateurs.

Le schema ancien du soft, demandant de l’argent pour l’upgrade sur la nouvelle version contre la promesse de nouvelles features, instaurait une exigence des utilisateurs.
L’ attente étant qu’elle fonctionnent comme sur des roulettes dès le premier jet. Elles devaient justifier le prix de l’upgrade.

Tandis qu’avec Blender, les utilisateurs sont plus indulgents et s’accommodent d’un workflow qui peut être fragmentaire.
Ils peuvent tester la feature avec les alpha et beta, et se rendre compte par eux-même si elle est plus ou moins aboutie.
Et souvent, ils vont plutôt pousser les devs à mettre dans la prochaine version, un nouvel outil qui remplit à moitié ses objectifs.
Parce qu’une partie des objectifs représente déjà un mieux par rapport à la version précédente.

Pour un soft propriétaire, l’abonnement change aussi l’attente des utilisateurs.
La promesse justifiant le coût n’étant plus l’upgrade, ils sont obligés de communiquer sur ce qu’ils font avec l’argent de leurs abonnés.
Donc leurs clients sont soit des inconditionnels du soft, sensibles à cette communication sur le temps long ; soit des occasionnels sautant le pas pour une feature précise pour une prod précise. Et les derniers attendront d’avoir le retour des premiers pour s’intéresser aux nouveautés.

johan26 4 septembre 2020 at 21 h 06 min

Tant que Ton Ronsendaal et Tim Sweeney restent sur leurs trônes respectifs, le monde sera en paix
Mais oui, le jour où les deux partiront on pourra commencer à oublier leurs compagnies, on sera surement avec des outils différents de tt manière

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