Cet été, une déferlante de témoignages et enquêtes ont mis au jour des éléments peu reluisants sur le groupe Ubisoft. De nouvelles enquêtes sont sorties depuis : malheureusement, elles dressent un tableau tout aussi sombre, confirmant les informations sorties et en apportant de nouvelles dans d’autres studios.
Rappel des faits
Nous vous en avions proposé un résumé début juillet : Libération, Numerama, Mediapart, Gamasutra, La Presse, Kotaku avaient pu accumuler et recouper des témoignages sur différents studios du groupe, mettant en avant des faits très graves. Il s’agissait notamment de harcèlement sexuel et tentatives d’agressions sexuelles, mais aussi et surtout d’une couverture des agresseurs par les ressources humaines, à la fois de façon passive (inaction) et active (y compris avec de l’intimidation pour étouffer les affaires). D’autres éléments concernant de la drogue et des notes de frais improbables avaient aussi été mis en avant.
Par la suite, plusieurs départs avaient été annoncés, et Ubisoft affichait publiquement une volonté de changement, tout en évitant d’évoquer le sujet dans sa conférence Ubisoft Forward.
L’attitude du groupe avait engendré un certain scepticisme chez une part des victimes et syndicats.
De nouvelles révélations
De nouvelles enquêtes ont depuis eu lieu. Les voici :
- le 21 juillet, Stephanie Harvey témoignait auprès de l’AFP avoir subi du harcèlement sexuel et sexiste durant ses 8 années chez Ubisoft Montréal ;
- quelques jours plus tard, Business Insider proposait un article avec là encore des témoignages et la mise en lumière de ressources humaines ayant failli à leur mission ; France et Canada sont évoqués ;
- Début août, on apprenait que Tommy François, ouvertement mis en cause dans les témoignages et pour lequel Ubisoft avait annoncé le « départ », avait en fait été licencié (par opposition à une démission) ;
- Gamasutra, mi août, est revenu sur les problèmes du groupe dans ses studios de Québec, Singapour, Montréal. Le tableau mis en lumière mêle sexisme, harcèlement, avec des problèmes qui ne sont pas isolés mais relève d’un véritable système interne.
(nous en profitons pour remercier au passage Sébastien Delahaye, qui tient depuis le début de l’affaire un long fil Twitter qui recense l’ensemble des articles sur l’affaire)
Le cas Nadeo
Enfin, aujourd’hui, c’est le studio parisien Nadeo d’Ubisoft (connu pour son travail sur la licence Trackmania) qui est au coeur d’un article de Numerama. L’article met en avant des troubles graves : « hurlements, pression insoutenable, injonction aux heures supplémentaires, impossibilité de se plaindre auprès de la RH ou des représentants du CSE ». En revanche pas de harcèlement sexuel ou sexiste dans les éléments de l’article.
Florent Castelnérac, un des fondateurs de Nadeo mais également dirigeant du studio, est cité à de nombreuses reprises dans ce dernier article. Il est accusé par les témoignages recueillis de pousser le personnel à l’extrême. Numerama rapporte ainsi que certaines personnes avaient peur dès qu’il apparaissait des les bureaux, les démoralisait par ses demandes de changements réguliers et radicaux qui nécessitaient de repartir à zéro, hurlait sur des employés durant 20, 30 minutes ou plus en public. Des réunions en face à face de plusieurs heures (3, 4, 5h selon l’article) sont aussi évoquées, avec des employés qui en sortent lessivés ou en larmes.
Numerama souligne aussi que le statut du studio empêche les employés d’avoir accès aux RH du groupe Ubisoft, tendis que la responsable interne, elle, n’inspire pas confiance aux personnes ayant témoigné, qui disent avoir eu peur que leurs propos remonteraient auprès de Florent Castelnérac.
Enfin, partir du studio posait aussi problème : un ex employé explique qu’après une rupture conventionnelle, et durant les deux derniers mois dans le studio, son bureau avait été déplacé dans l’entrée. Une autre qu’après avoir postulé pour un autre poste chez Ubisoft, la RH avait fait remonté l’information, donnant lieu à une séance de culpabilisation de plusieurs heures avec le dirigeant.
En bref : le tableau mis en avant par l’article est celui d’un management écrasant, avec des faits de type harcèlement moral. Il semble montrer qu’Ubisoft a encore bien du travail à accomplir en interne.
Nous vous invitons évidemment à lire les articles cités, dont celui de Numerama, pour avoir l’ensemble des informations.
8 commentaires
https://twitter.com/i/web/status/1304354364157554688
Pour ce qui est des cas où le patron en demandait trop, je prend ça avec un énromément gros grain de sel. Si tu n’aime pas la patron change de job! J’ai fais ça souvent et maintenant je suis freelance alors je choisi mes patrons à chaque contrat.
Et quant à "…démoralisait par ses demandes de changements réguliers et radicaux qui nécessitaient de repartir à zéro", wow bienvenue en 3D mes amis, désolé, mais la job est ainsi faite!
J’ai moi-même travaillé chez Ubisoft pendant 2 ans et jamais je n’ai entendu parlé de rien de la sorte. Par contre j’ai été témoin de bien des plaignards qui se plaignaient sans raisons. Mais l’entreprise est grande et c’est possible que plusieurs se plaignent cette fois avec raison. Mais il y a toujours 2 côtés à une médaille.
Cela dit quand tout sera prouvé en cours, on connaitra les vrais coupables et on pourra prendre le tout très sérieusement.
Des signalements, il y en a eu, et ça fait partie du problème : les RH ont eu connaissance des problèmes, n’ont pas agi alors qu’il est de leur devoir légal d’agir sans tarder si on leur rapporte des éléments de type harcèlement moral ou sexuel (quel que soit leur avis sur la crédibilité des fait. Du point de vue judiciaire, le fait que les RH n’aient pas agi est en soit une faute de l’entreprise. Faute, là encore, admise par Ubisoft.
Après, on peut évidemment espérer une action judiciaire qui permettra d’éclairer davantage l’affaire et de prendre les sanctions appropriées.
Sur la question de la dénonciation, c’est un sujet complexe, le harcèlement étant souvent progressif, insidieux, avec des difficultés si la personne est manifestement protégée et intouchable (c’était le cas ici pour plusieurs des personnes citées), si la personne a le pouvoir de te blacklister dans l’industrie, etc.
Et les enregistrements faits à l’insu de la personne enregistrée peuvent, selon le pays, ne pas être recevables devant un tribunal.
J’ai connu un patron au comprtement abusif, menace de licenciement, moqueries, harcelement sur mon heure d’arrive au taff avec tout un groupe de collegue, et il ne s’en prenait qu’a moi. Forcement il ne disait rien si je restais 3 heures de plus, il m’a meme dis qu’il s’en foutait et que ce n’etait pas son probleme.
J’ai fini par reagir et a lui gueuler dessus encore plus fort. Il a fini par se calmer. Etant dans une environement toxique, j’ai fini par voir ailleurs.
Je pense aussi que c’est facile à dire quand on est rendu dans une position qui nous permet effectivement de changer de boulot facilement parce qu’on a de l’expérience ou des compétences suffisantes.
Il ne faut pas oublier que beaucoup de gens aussi travaillent dans les VFX sans forcément avoir envie d’y passer leur nuit. On est quand même une des seules industrie qui laisse passer beaucoup de choses sous couvert de la passion et on devrait pouvoir travailler dans de bonnes conditions sans avoir besoin de démissionner ou de mettre les bouchées doubles pour faire plaisir au patron.
Tant mieux !
Pour Weta… Les éléments décrits sont assez terribles.
Le studio semble admettre les faits et dire que ça a changé en interne, mais la réaction est terriblement floue et imprécise… Merci pour l’info en tous cas, j’étais passé à côté.