Unruly Heroes : retour sur un jeu d’action-aventure à l’univers graphique soigné

3DVF : Sur le plan technique, l’équipe s’est appuyée sur Unity, mais aussi sur Spine 2D. Qu’est-ce qui a motivé le choix de cet outil d’animation et quel est votre retour global sur ce produit ?

Le choix de Spine 2D a été fait pour la facilité de prise en main, et les possibilités techniques :

-pouvoir importer des séquences d’images pour de l’animation « tradi » ;
-maillage et déformations pour un simili 3D ;
-mise en place d’un setup/rig très facile et souple ;
-compatibilité depuis Photoshop (export très pratique en conservant les calques, le placement des assets).

Vidéo de présentation officielle de Spine

Et puis surtout en raison des années de pratique sur le soft d’animation 2D interne utilisé chez Ubisoft qui était très proche de celui-ci. Nous étions donc très familiers avec cette approche, et Spine a parfaitement rempli son rôle : un super outil 2D, aux nombreuses possibilités, avec une grande souplesse de travail et une prise en main très rapide.

Ci-dessus : recherches d’animation

3DVF : Unity facilite évidemment le déploiement multiplateformes, mais avez-vous rencontré quelques difficultés à ce niveau, par exemple en termes d’optimisation ? Si oui, comment avez-vous réussi à résoudre ces problèmes ?

Effectivement, nous avons choisi entre autres Unity pour le portage sur les consoles. Bien entendu, nous avons rencontré quelques difficultés d’optimisation. Nous souhaitions garder 60 FPS sur toutes les plateformes, et c’est plus dur à avoir sur console que sur PC (notamment la Nintendo Switch). Nous avons fait quelques optimisations globales sur le rendu et sur le code global du jeu, puis nous sommes passé niveau par niveau pour vérifier les zones qui posaient problèmes (chutes de FPS ou freeze) . Des changements de level design ou code ont alors amélioré tout cela.

3DVF : Toujours sur le plan technique, pouvez-vous nous donner quelques détails sur les stations de travail qui équipent le studio (en particulier celles des artistes travaillant sur la partie graphismes/animation/etc) ?

Nous sommes tous équipés d’ordinateurs de type gamer (typiquement, Core i7 7700K, 16Go de Ram, SSD 250Go, GTX 970 à 1070) pour faire tourner le moteur et de 2 ou 3 écrans. Nous avons un poste pour générer régulièrement des builds. Les artistes travaillent avec des tablettes graphiques ou Cintiq.

3DVF : A l’occasion d’IndieCade Europe, Laura Dilloway du studio Inkle proposait une conférence sur la manière dont elle a pu adapter dans un studio indépendant les méthodes qu’elle a apprises en travaillant sur des jeux AAA.
Etant donné qu’une partie de l’équipe vient d’Ubisoft, avez-vous aussi eu ce type de réflexion ? Plus globalement, faire travailler ensemble des personnes issues à la fois d’un gros studio et du milieu indé pose-t-il des défis spécifiques ?

Il a été nécessaire de modifier notre manière de concevoir des jeux tout en préservant l’exigence qualité que l’on avait à Ubisoft. Auparavant, nous avions l’habitude de gros projets composés de très nombreuses facttes et gameplay. Lorsque l’on est indé, il est nécessaire de concentrer notre effort sur un point précis. Cette exigence d’économie, donne une saveur unique aux jeux indépendants. Il s’agit d’un aspect apprécié par les joueurs à la recherche d’une expérience plus originale, reposant davantage sur la force des idées que de coûteuses réalisations techniques, qui n’ont pas nécessairement un grand impact sur le plaisir de jeu. Etre un studio indépendant signifie une équipe à taille humaine où chaque personne peut avoir un impact sur la réussite du projet. On est plus libre, mais chaque décision à des conséquences importantes. Heureusement, on en tire une meilleure mobilité. On peut rapidement s’organiser pour tester de nouveaux concepts et décider par nous même la direction que l’on va prendre, sans passer par un lourd processus de validation. En contrepartie d’une équipe plus réduite, il n’est pas possible de produire plusieurs jeux simultanément alors que ce serait nécessaire pour assurer une certaine stabilité et sécurité sur nos revenus. Dans le jeu vidéo, la rentabilité n’est garanti que sur la base d’un grand nombre de jeux, ce que les éditeurs ont moins de mal à réaliser. Hors, rester indépendant consiste d’abord à l’être financièrement, il est donc effectivement difficile de rester indépendant sur le long terme, pour une question purement statistique, rencontrer un gros succès est une quasi nécessité.

3DVF : Le marketing est un élément essentiel dans le milieu indépendant, étant donné la concurrence féroce liée au grand nombre de titres qui sortent. Quelle a été votre stratégie pour mettre en avant Unruly Heroes ?

Oui, le marketing, bien que ce mot puisse en faire fuir certain(e)s, est essentiel à la création d’un jeu vidéo, que ce soit en pré-prod, en production et post launch. A partir du moment où il est commercialisé, le jeu vidéo est un produit. Et il faut le penser tel quel (quel est sa
place sur le marché, quelle est sa cible, comment se différencier de tout ce qui existe déjà etc.). Il faut faire un jeu qui soit cohérent et pertinent dans son univers, son gameplay

Unruly Heroes se démarque premièrement de part sa qualité visuelle (qui permet d’appeler la curiosité du joueur). Ensuite le côté co-op a été essentiel car nous étions nostalgiques des premiers jeux auxquels on jouait ensemble avec les copains ou la famille dans le salon.

La production a pris rapidement d’ampleur, laissant peu de place au marketing. Cependant, nous avons réussi à nous forger une communauté et nous avons bénéficié de l’aide d’Xbox et de Nintendo pour être mis en avant sur les salons et autres évènements press/développeurs pendant 2 ans, mais aussi Jeux Made In France à la Paris Games Week et l’IndieCade cette année.

3DVF : En pratique, quelle a été la réception du titre ? Avez-vous quelques chiffres à nous donner, et êtes-vous satisfaits de vos résultats ?

Nous avons eu de très bonnes critiques de la presse spécialisée, généraliste et du public. Cela ne se reflète pas encore sur les ventes actuelles. Il y a toujours un facteur chance qu’on ne pourra jamais contrôler, peu importe le jeu. Mais c’est notre premier jeu, notre première expérience en tant que toute nouvelle équipe indépendante.

Nous savons que le marché actuel du jeu vidéo est très très compliqué. Y avoir un succès critique ET commercial n’est pas chose aisé.

3DVF : Comme évoqué plus haut, vous avez récemment participé à IndieCade Europe et à la Paris Games Week : quel est l’impact concret de ce type d’évènement en termes de notoriété et ventes, pour un studio indépendant comme le vôtre ?

On ne peut pas parler vraiment de réel impact direct sur les ventes.

Généralement, les joueurs gardent le jeu en tête, le prennent en photo, récupèrent des goodies et l’ajoutent à leur wishlist. Cependant, le jeu gagne toujours en notoriété, même à cette échelle nationale. Il est important de participer à ce genre d’évènement pour rencontrer d’autres professionnels (et optimiser notre business development) mais également les joueurs, qui eux même sont ravis de pouvoir discuter avec les développeurs du jeu. Il y a un côté beaucoup plus accessible et chaleureux que les jeux AAA ne pourront jamais vraiment offrir.

3DVF : Enfin, avez-vous d’autres titres en préparation ?

Nous restons curieux. Actuellement, nous “brainstormons” avec l’équipe sur plusieurs idées. Nous espérons donner rapidement des nouvelles !

Pour plus d’informations

– Le site de Magic Design Studios ;
– Le site du jeu Unruly Heroes, et la page d’achat qui vous renverra sur votre plateforme favorite (Nintendo Switch, PS4, Xbox One, Gog/Microsoft Store/Steam). Le jeu coûte environ 20€.

1 commentaire

Mr Ombre 14 novembre 2019 at 17 h 26 min
Avec ce niveau de fou en dessin et animation ils devraient faire un jeu de cartes à la Slay the Spire qui est excellent mais hélas très laid..

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