Spider-Man : New generation
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Rencontre avec Peter Ramsey, du storyboarding à la réalisation de Spider-Man : New Generation

A l’occasion de la View Conference 2019, qui se tenait récemment en Italie, 3DVF a mis en place un partenariat avec Thomas Martin alias Gorkab, dont nous avons souvent eu l’occasion de partager les vidéos sur l’histoire des images de synthèse.
Le résultat : une série d’interviews en compagnie de nombreux invités de l’évènement, que nous avons déjà commencé à vous partager.

Au programme aujourd’hui, une rencontre avec Peter Ramsay, réalisateur de Spider-Man : New Generation. Il évoque pour nous son parcours, dont Spider-Man et les choix mis en place sur ce long-métrage. Il a également accepté de nous donner quelques indices sur ses futurs projets.

Comme toujours, des sous-titres français sont disponibles (à activer via l’interface Youtube). Vous pouvez également consulter plus bas une version retranscrite de l’interview.

Débuts et plongée dans l’industrie

Thomas Martin / Gorkab : Au début de votre carrière, vous travailliez comme storyboarder / illustrateur sur énormément de films. Comment êtes vous entrés dans l’industrie ? Et qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir un storyboarder / illustrateur ?

Peter Ramsay : De base, j’avais dessiné toute ma vie. Et pendant longtemps… je pensais que je serai peut-être dessinateur de comics ou un illustrateur, ce genre de chose.
Pendant mes années fac, j’ai commencé à vraiment m’intéresser à la réalisation. Ca a commencé à devenir comme une passion mais je n’avais aucune connexion avec l’industrie du film, ne connaissais personne qui y travaillait. Pendant longtemps, je pensais qu’il serait impossible pour quelqu’un comme moi d’avoir un job dans l’industrie du film. Mais je me suis renseigné sur le storyboarding et ça convenait plutôt bien à mes aptitudes, je l’ai vu comme une façon de rentrer dans l’industrie. Mon but était de devenir réalisateur, un jour, avec de la chance. Et en travaillant avec des réalisateurs, je me suis dit que je pourrais apprendre plus. Je me suis dit que je pourrais gagner ma vie dans ce business.

J’ai eu la chance de signer chez une agence qui représentait les artistes storyboard dans la publicité. J’ai fait ça pendant un an, et ça m’a donné du travail dans les films.
J’ai vraiment eu de la chance à partir de là, ça a fait effet boule de neige.

L’ascension

Thomas Martin / Gorkab : Et est-ce que vous avez de vraiment bons souvenirs de ces premières années en tant que storyboarder / illustrateur ?

Peter Ramsay : Énormément de bons souvenirs, oui, car c’était vraiment le tout début de ma vie professionnelle, et je rencontrais beaucoup de camarades artistes, mais aussi de réalisateurs, avec qui je travaillais et dont j’étais un grand fan. Des gens comme Francis Ford Coppola, j’ai travaillé sur Dracula pour lui. C’était incroyable, il était comme… un dieu pour moi !

Et il y en a eu bien d’autres, comme Steven Spielberg, Ang Lee, David Fincher… Beaucoup de réalisateurs que j’appréciais réellement, en tant que spectateur. On me donnait la possibilité de travailler avec eux dans l’industrie, donc c’était une période très excitante pour moi.

Tomas Martin / Gorkab : Après cette expérience d’illustrateur / storyboarder vous avez été engagé sur le Godzilla de Roland Emmerich sorti en 1998. Sacrée avancée, de passer réalisateur deuxième équipe !

Peter Ramsay : Oui, et vous savez, j’avais déjà fait de la seconde équipe avant Godzilla. J’avais pas mal travaillé avec John Singleton, de Boyz ‘n the Hood. Sur ses trois films après Boyz ‘n the Hood. J’ai eu à faire de la seconde équipe pour lui, donc quand est arrivé Godzilla

Vous savez, j’avais bossé sur Independence Day pour Roland, qui avait apprécié mon storyboarding. Il m’a donc donné quelques plans à faire sur Godzilla, des trucs qui se passaient à New York, avec plein de soldats courant partout, des camions, ce genre de choses.

Et, en fait, j’ai eu à faire de la seconde équipe bien plus intense sur un film appelé Tank Girl, C’était vraiment une grosse seconde équipe, avec des explosions, des cascades, plein de choses.

Thomas Martin / Gorkab : Oui, avec Lori Petty !

Peter Ramsay : Lori Petty, exactement !

Hair Love

Thomas Martin / Gorkab : Récemment, vous avez produit Hair Love ?

Peter Ramsay : Oui, « Hair Love » avait commencé comme l’idée d’un mec qui s’appelle Matthew A. Cherry, un réalisateur talentueux. Il a fait quelques films à petit budget en plus de pas mal bosser en TV.

C’est un mec brillant, et en fait, on s’est rencontrés sur Twitter. Il est rentré en contact avec moi, et m’a dit qu’il avait une idée pour un film mais il ne savait pas si ça pourrait être un film d’animation.
Il m’a envoyé le script, je l’ai lu et je lui ai dit : « ouais, voilà un sujet fantastique pour un petit film d’animation ».

Je l’ai encouragé, il a soulevé pas mal de fonds. Quand il a commencé à le faire, il m’a demandé d’être producteur exécutif, j’ai dit « bien sûr ! ». Mais je n’ai pas fait beaucoup. Il travaillait déjà avec des gens excellents, Bruce W. Smith et Everett Downing Jr, qui sont des amis en commun. Mais je lui ai donné des notes, fait quelques suggestions, j’ai un peu travaillé sur le storyboard avec lui…

Mais c’est vraiment Matthew, Everett et Bruce qui ont dirigé le film.

Thomas Martin / Gorkab : Était-ce le premier court sur lequel vous étiez impliqué ? Rien avant ?

Peter Ramsay : On peut dire ça, à ce niveau !

Les Cinq Légendes

Thomas Martin / Gorkab : Et avant… Entre « Godzilla ’98 » et « Hair Love »… Vous avez été le réalisateur des « Cinq Légendes » pour Dreamworks ! Pouvez-vous nous en parler un peu ?

Peter Ramsay : Ouais, wow, c’était un énorme projet pour moi. C’était ma première direction de long-métrage animé et c’était génial, je travaillais avec des gens fantastiques.
Dreamworks avait vraiment un groupe de gens et techniciens au talent incroyable et l’histoire était épique. Ça nous a vraiment permis de penser en grand, ambitieux dans nos images, avec un casting incroyable, que j’ai pu diriger. On peut dire que ça a été une expérience formidable

Spider-Man : New generation ( Spider-Man: Into the Spider-Verse en VO)

Thomas Martin / Gorkab : Après ça, vous n’avez plus travaillé à Dreamworks, vous avez été recruté pour travailler sur « Spider-Verse ». Comment ça s’est passé ?

Peter Ramsay : J’ai été à Dreamworks, après « Les Cinq Légendes », je crois pendant un an et demi. Le planning des films était plein pour les années qui venaient, il n’y avait donc pas de place pour que je dirige là-bas.
Alors je suis parti, et je me suis retrouvé à réaliser un autre projet pour une autre compagnie, quand « Spider-Verse » est arrivé. Et le projet que je dirigeais à cette autre compagnie a fini par capoter, par manque de finances.

Et donc, je suis parti travailler avec mon ami Bob Persichetti qui réalisait déjà « Spider-Verse ». Quelques mois après, alors que je faisais du storyboarding pour lui, le studio a décidé qu’il fallait un autre réalisateur en plus car le film grossissait de jour en jour. Ils m’ont donc demandé de venir l’épauler.

Thomas Martin / Gorkab : Il y a donc eu un partage entre vous deux, et le troisième réalisateur est arrivé après ?

Peter Ramsay : Oui, Rodney [Rothman] est arrivé après, car il avait travaillé sur des brouillons du script. Ils voulaient qu’il reste dans le coin, ils l’ont passé réalisateur, et il est resté !

Thomas Martin / Gorkab : Et comment avez-vous partagé entre vous trois ? Avez-vous dirigé des bouts de film ? Ou était-ce plus une réflexion commune ?

Peter Ramsay : C’était plus ça, en effet. Nous avons partagé certaines responsabilités comme diriger les acteurs de doublage, nous l’avons tous fait. Nous étions tous sur le montage du film, on a tous pris des décisions sur le design, ce genre de choses.

Et puis, lorsque certaines choses faisaient appel à nos spécialités individuelles, comme le storyboarding, l’animation, ou autre chose, alors nous nous séparions, pour mettre en pratique les talents de chacun.

Mais c’était très organique, nous avons plus travaillé ensemble qu’en solo, je pense.

Thomas Martin / Gorkab : Et les différentes directions artistiques était-elles réfléchies depuis le début ?

Peter Ramsay : Oui, c’est quelque chose qui a évolué. On savait qu’on voulait le rendre vraiment différent des autres films d’animation, on cherchait vraiment un regard neuf et on a tous été très à l’aide avec l’idée que ça serait basé sur l’aspect et l’ambiance des comics

D’autres idées ont commencé à venir à partir de là. Je crois que lorsqu’on a réalisé pour la première
fois que l’on faisait un film sur le multivers, nous devions rendre ça le plus clair possible pour les gens. Et l’une des façons de faire, c’était vraiment d’avoir différents looks et ambiances dans le design des personnages des différents univers. Ainsi, nous pouvions souligner les différences entre ces univers.

Animation, relief, design : retour sur des choix artistiques

Thomas Martin / Gorkab : Et y avait-il quelque chose, sur l’animation ? On voit d’abord des personnages animés à 12 images par seconde et, progressivement, ça augmente ?

Peter Ramsay : J’ai entendu des gens dire ça, mais ça n’est pas vrai. Ça n’est pas vrai, ils sont tous animés à 12, une image sur deux. Il peut y en avoir quelques-uns, pour des raisons techniques, quelques rares moments, où nous avons dû animer chaque image. Mais presque jamais.

Thomas Martin / Gorkab : Il n’y a donc pas de « progression ».

Peter Ramsay : Non, la seule progression réside dans la performances des personnages.

Beaucoup ont cru que « Miles était animé à 12, puis à 24 images par seconde ! » Et non, il est à 12 tout du long ! Mais, à mesure qu’il prend de l’assurance sa propre gestuelle devient plus assurée.

En effet, c’est habile ! C’est super que vous démystifiez ce genre de chose ! Car j’avais lu tant de choses sur cette « progression de 12 à 24 »

Et oui, c’est un mythe !

Thomas Martin / Gorkab : Certaines personnes se sont plaintes du look du film. Sans la 3D, les gens pensaient qu’ils voyaient double, de la 3D sans lunettes, alors que c’est c’est l’aspect voulu ! Car le flou, les rouges et bleus bien distincts, font penser à des comics mal imprimés….

Peter Ramsay : Exactement !

Thomas Martin / Gorkab : Mais certains s’en sont plaint, avez-vous vu leur remarques ?

Peter Ramsay : Je peux comprendre les gens, commençant le film, sans savoir ce qu’ils vont voir, je vois pourquoi ils pourraient penser ça, au début du film. Mais pour la majorité des gens, même ceux qui ont ressenti ça au début m’ont aussi dit « Oh, mais je m’y suis habitué et j’ai plutôt bien compris ce que ça signifiait, après un certain temps ».

Et c’était une idée nouvelle, les gens ont dû apprendre à regarder le film et le voir pour ce qu’il était.

Thomas Martin / Gorkab : La stéréoscopie est vraiment hallucinante. Je veux dire, la première fois que j’ai vu le film, j’ai dû attendre pour la 3D, car je voulais le voir en anglais, mais en France c’était seulement visible en français. Je ne voulais pas le voir en Français, mais en Anglais, donc j’ai attendu, j’ai pris le Blu-ray 3D, je l’ai regardé et wow…. Je suis un vrai fan de 3D bien réfléchie.
Est-ce quelque chose que vous avez pris le temps de bien peaufiner ? Pour faire une vraie bonne 3D ?

Peter Ramsay : Je crois qu’au studio, à Sony Imageworks, ils ont vraiment bien réfléchi à la version stéréoscopique du film. Ils y ont pensé tout du long, pendant le développement. Et puis, les processus et la technique ont tellement bien avancé, ils ont fait des ajustements de profondeur image par image.

Leur réflexion, et la façon d’appliquer la stéréoscopie, est très détaillée : est-ce qu’on met de la profondeur ou non ? Quels plans avec, sans ?

Et je crois que le look de notre film, les éléments qui font 2D, quelque part, rajoutent un ressenti dans la stéréoscopie. Quelque part, c’est presque plus impressionnant, lorsque vous regardez en 3D !

Thomas Martin / Gorkab : J’approuve totalement ! Je ne pouvais pas le voir en 2D, c’était 3D ou rien. C’est le cas sur quasiment tous les films qui ont été pensés en 3D, je ne peux plus jamais les voir en 2D après, Je DOIS les voir en 3D.

Concernant la direction artistique, Kingpin est super exagéré, il est vraiment massif. Comment avez-vous décidé de son design, avec cette petite tête et ce corps immense ?

Peter Ramsay : Il était presque une expérience. Nous voulions voir jusqu’à où nous pouvions pousser la stylisation des personnages et son look provient de comics qui ont été faits, je crois, dans les années 80, début des années 90, par Bill Sienkiewicz qui est un dessinateur de comics très célèbre. Son travail est super stylisé et très expressionniste, très éxagéré.

Il a fait quelques histoires très célèbres avec le Kingpin et son Kingpin est hyper exagéré, avec sa taille gigantesque. Il lui a donné cette petite tête et ce gigantesque corps, simplement pour montrer à quel point il était dominant dans ses comics.

Et nous voulions voir si l’on pouvait s’en tirer avec ça dans le film.

Thomas Martin / Gorkab : Vous vous en êtes vraiment bien tirés ! Il est menaçant ! L’acteur choisi, Liev Schreiber, est excellent dans ce rôle, d’ailleurs.

Peter Ramsay : Sa performance était fantastique !

L’avenir

Thomas Martin / Gorkab : À présent, bien évidemment, vos projets futurs ! Pouvez-vous partager des choses avec nous ? Où êtes-vous sous clause, et ne pouvez nous parler d’absolument rien ?

Peter Ramsay : Je ne peux rentrer dans les détails, mais je suis producteur exécutif sur deux films d’animation.
L’un est à Netflix, l’autre chez Sony.

Et je dirai juste… J’espère une suite à « Spider-Verse », comme tout le monde.

Thomas Martin / Gorkab : Ce serait super d’explorer plus l’histoire de Miles car le premier était vraiment un succès surprise !

Peter Ramsay : Oui, on peut dire ça ! J’en suis convaincu, il a pris les gens par surprise. Il a clairement fait assez pour garantir une suite.

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