Nexus VI

Interview: Nexus VI, les coulisses d’un épisode grandiose

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Romain Toumi : J’ai du coup rajouté une traînée lumineuse bleue derrière les réacteurs pour que le vaisseau reste visible. Uniquement sur le petit modèle, le gros n’ayant évidemment pas ce problème.

Ajouter cet élément n’a pas été anodin, en pleine étape de lighting : comme c’est une trainée plate, un simple sprite façon jeu vidéo, il a fallu faire des ajustements pour que ça fonctionne sur tous les plans, quel que soit l’angle.

3DVF : Et pour les autres personnes ayant travaillé sur le projet ?

Il y a notamment eu Alexandre Labedade évoqué plus haut, Lezly Prager qui est artiste 3D sur Paris et m’a beaucoup aidé sur la R&D pour le bouclier du vaisseau du Nexus VI, avec l’effet quand une particule entre en collision avec ce bouclier : quel modifiers utiliser, comment tricher sur tel ou tel point, etc.

Cyril Muller, un autre artiste qui a fait tous les intérieurs du sas des capsules de sauvetage. J’ai juste fait quelques rajouts, modifié les shaders et fait le lighting.

Les capsules (designées par Arthur Chamerois, au passage) sont d’ailleurs un élément particulier, elles existaient sur le tournage, mais seulement la moitié supérieure ! Il a fallu modéliser ces capsules en 3D, à la fois pour les plans extérieurs qui la montrent en entier et car les côtés de la capsule réelle avaient des problèmes de lumière sur certains plans (seule la face avant est donc réelle, au final).

On a donc un vrai mélange d’images réelles et de CGI, lors de l’avant-première l’équipe de tournage a eu une jolie surprise !

3DVF : A propos de réactions, d’ailleurs, tu as sans doute regardé les retours, notamment venant de personnes abonnées à la chaîne ?

Beaucoup de retours, de nombreuses personnes étaient impressionnées par la qualité pour un projet Youtube. Il faut dire que j’ai mis 2 ans et demi de ma vie dessus, avec de très longues journées de travail !

De nombreuses personnes m’ont contactées pour en savoir plus, notamment l’organisation du PIDS 2022 où je donnerai des conférences et masterclasses où j’expliquerai plus en détail mon travail, et j’ai aussi eu des retours lors d’évènements : aux Intergalactiques de Lyon ou au festival Frames à Avignon notamment.

J’ai aussi eu droit à un relais du projet par Ton Roosendaal, créateur de Blender, et j’ai pu échanger avec des gens de la Blender Foundation et aussi avec des gens très impliqués dans la communauté, comme Ian Hubert.

Je suis ravi de voir que la communauté ait pu voir ça !

3DVF : De quoi envisager une présentation lors de la Blender Conference ?

J’adorerais, évidemment le Covid est passé par là et l’édition 2021 a été annulée mais l’an prochain, pourquoi pas ! D’autant plus que l’on arrive ici aux limites du soft, partager cette expérience serait l’occasion d’améliorer l’outil et ses capacités.

3DVF : A propos de Blender/Cycles justement, pourquoi d’être tourné vers ces outils ?

On en revient à mon parcours, quand j’étais dans la métallurgie et que je me suis intéressé à la 3D, Blender est le premier logiciel que j’ai téléchargé : évidemment quand on est adolescent il est exclu d’acheter un soft à 3000€ l’année, et télécharger des versions pirates était complexe… Sans compter la lourdeur des softs Autodesk par exemple, sans la fibre et sans SSD à l’époque.

Blender était gratuit, léger, rapide et efficace sur le vieux PC de mes parents. J’ai donc débuté avec la 2.42, très très moche : c’était compliqué de travailler avec à l’époque, on ne va pas se le cacher ! Je n’ai pas fait grand-chose à mes débuts, je n’ai rien compris (comme tout le monde à la même époque), et c’est vraiment avec la 2.45 que j’ai su apprivoiser Blender. J’étais déjà un peu satisfait de mes projets (même si rétrospectivement, c’était assez nul), puis j’ai vu le court libre Big Buck Bunny de la Blender Foundation, j’ai gardé un œil sur Blender… Et c’est finalement en voyant le court-métrage Sintel que je me suis dit que l’outil commençait vraiment à prendre son envol. Cycles est arrivé un peu plus tard, cela m’a confirmé que j’avais misé sur le bon cheval, au début les nodes sont arrivés et m’ont fait peur : j’ai eu beaucoup de mal à m’y faire, 10 ans après c’est devenu indispensable.

Ma reconversion est arrivée à ce moment-là, je me suis appuyé sur des forums (par écrit, donc, alors qu’aujourd’hui les tutos vidéo sont la norme).

J’ai donc grandi en compétences en même temps que Blender évoluait et que les versions se succédaient… Jusqu’à avoir ma propre version perso aujourd’hui !

3DVF : Pour quelqu’un qui souhaiterait aussi se lancer dans une approche autodidacte, aurais-tu des conseils ? Considères-tu d’ailleurs que c’est encore possible, malgré l’abondance d’élèves sortant des écoles ?

Pour moi Internet reste la meilleure école. Aujourd’hui si on est curieux et qu’on veut apprendre, on trouve tout ce qu’on veut, il n’y a plus besoin de fouiller dans des sites obscurs et louches comme avant. On va sur Youtube, on avale les tutoriels pendant un mois 24/24 comme si on avalait une série Netflix, on pourrait maîtriser 50% de Blender en s’exerçant en même temps.

Pour moi il faut juste être curieux, patient et motivé.

Il faut aussi aimer tricher, car au fond on crée une fausse image, il ne faut pas hésiter à faire des choses « sales » pour arriver au résultat, surtout en étant seul et autodidacte.

En passant dans une école c’est différent, on apprend une manière précise de faire les choses afin de pouvoir travailler en équipe, en studio, et là effectivement c’est tout autre chose que d’être en solo.
Quand on est seul, il n’y a pas de limite, on peut se permettre de faire un peu n’importe quoi, toucher à tout.

Il faut aussi acquérir des éléments en plus de la 3D pure, par exemple des notions de photo/cadrage ou de réalisation et de rythme si on ne fait pas que du rendu fixe.

3DVF : Pour finir, quelques mots sur l’avenir des effets de Nexus VI ?

Là, on voudrait sortir l’épisode 8 avant la fin de l’année. L’effet qui sera au coeur de cet épisode, le money shot (et ça ne spoile pas vu la fin du 7), c’est le crash qui suit immédiatement la fin.

Ce sera assez court, mais ça devrait être très impressionnant. Il y’aura quelques plans d’incrust avec Motion Tracking du Nexus VI sur des flancs de montagne filmés par drone, quelques autres choses, mais globalement le reste de l’épisode 8 aura moins d’effets spéciaux vu qu’on n’est plus dans l’espace.

En revanche, l’épisode 9 aura plus d’effets ! On y verra le vaisseau aussi, il y a du gunfight, etc.

Mais globalement le 7 restera le plus ambitieux en volume et complexité. Je n’en reviens toujours pas d’avoir fait tout ça !

3DVF : Merci Romain, et bon courage pour le travail sur les épisodes 8 et 9 !

Pour en savoir plus

6 commentaires

phicata 14 octobre 2021 at 17 h 30 min

o_O Dingue!

frenchy pilou 14 octobre 2021 at 22 h 44 min

Les « Ian Hubert » français! 😎
Il faudrait montrer cet article dans les écoles, cela susciterait des vocations! 😉

Shadows 14 octobre 2021 at 22 h 59 min

Et hors des écoles, puisqu’il est autodidacte. 🙂

frenchy pilou 15 octobre 2021 at 12 h 16 min

Je parlais des collèges! 🙂

zeauro 20 octobre 2021 at 12 h 35 min

C’est un super épisode qui rend hommage au film, tout en montrant que ses VFX ont pris un coup de vieux.

C’est un travail titanesque et il n’a pas pu profité des innovations utiles pour son projet qui arriveront dans la 3.0.

Il y a de sacrées différences entre la 2.83 et la 2.79. Mais à part, l’usage d’EEVEE pour la préviz, il ne s’attarde pas trop dessus.
Même si la nouvelle UI a dû lui permettre de gagner en rapidité sur un peu tout les aspects du taff.
Je vois qu’il n’a pas visiblement d’usage du Grease Pencil. Ils ne font pas leur storyboard avec, ou n’annotent pas leurs retakes.
Il n’a pas fait ses astéroïdes avec le nouveau sculpt mode.

Je confirme que les défauts des Boïds, correspondent plutôt à une volée d’oiseaux qu’à une foule d’humains.
Il n’y a pas qu’une case à décocher. Il faut trifouiller les sliders du sub-panel Misc et rajouter des règles au Boïd Brain sans vraiment pouvoir les doser de façon fine.
Et il faut aussi configurer chaque déflecteur. A priori, les boïds sont plus simples à utiliser que dans les 2.4, puisqu’ils sont devenus sensibles aux Force Fields standards depuis.
Pour résumé, l’astuce qui consiste à les utiliser est très loin d’être comparable au confort d’un vrai simulateur de foule à la Populate.
Mais pour des persos qu’on voit une seconde dans le plan, visiblement, ça fait le job.

Et donc, c’est plutôt représentatif d’une ancienne façon de travailler avec Blender.
Pour le même genre de projet, un utilisateur de 2.93 a à sa disposition un Cycles plus performant avec Embree mieux intégré et un export multithreadé de la géométrie. Il a un objet Volume qui permet de trouver un bon rapport qualité/lourdeur mémoire et un EEVEE qui rend mieux ces volumes.
Mais surtout, il a des Library Overrides stables et des Geometry nodes.
Beaucoup des bidouilles mélangeant shapekeys, modifiers et deformers ou les vieillles particules qu’il a su utiliser, grâce à son expérience, vont devenir accessibles aux novices. Dans quelques temps, lis n’auront plus qu’à récupérer un preset de Geometry Nodes pour simuler des foules.

Donc, mine de rien, il y a déjà un sacré gap entre la 2.83 et la 2.93. Mais il va y avoir un monde entre la 2.83 et la 3.0.
Dans la 3.0, on aura, en plus, le support des fields, des curves et des volumes pour les Geometry Nodes, toutes les améliorations de perf de Cycles -X et un Asset Browser, qui arrête de faire de la figuration.

Shadows 19 janvier 2022 at 10 h 17 min

A noter aussi, Romain Toumi sera présent au PIDS qui approche à grand pas ! [URL]https://3dvf.com/pids-2022-en-physique-ou-en-ligne-le-meilleur-des-vfx/[/URL]

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