Nexus VI

Interview: Nexus VI, les coulisses d’un épisode grandiose

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Romain Toumi : Pour les tirs des lasers en eux-mêmes, c’est assez simple : une Icosphère étirée sur un axe grossièrement, un peu de subdiv, un displace et du noise dedans.

Ces lasers sont des mesh lights, mais uniquement visibles par la caméra : ils n’éclairent pas le reste de la scène. Pour simuler cet éclairage j’ai plutôt opté pour ajouter une light : une mesh light génèrerait bien plus de bruit, serait plus difficile à calculer pour Cycles (d’autant plus avec les nombreuses faces qui évoluent en permanence), alors qu’avec une light classique qui émet la lumière sur les objets environnants ça se passe bien mieux et ça fait de grosses économies de rendu.

Ci-dessus : rendu en mesh light. Ci-dessous : avec l’approche plus optimale.

En bref, donc, chaque laser est émis avec une light, et ça a aussi l’avantage de pouvoir prévisualiser l’effet de lumière sous Eevee, le moteur temps réel de blender, ce qui serait impossible avec une mesh light car Eevee ne gère pas les rebonds.

En effet, avant le rendu final, générer des prévisualisations sous Eevee a été nécessaire, afin que le sound designer puisse travailler en sachant quand précisément se situaient tirs, impacts. C’était également utile pour avancer le montage et se donner une idée plus précise du final avec les lights etc.

3DVF : Et pour tout ce qui est explosions ?

Des stock shots avec de l’alpha ont permis de gérer facilement et rapidement les impacts sur les astéroïdes, avec quelques particules préparées à l’avance.



 Pour les vaisseaux c’est un peu plus particulier, le plan le plus parlant serait sans doute la destruction du petit chasseur avec caméra embarquée [15:58 dans l’épisode], on voit les lasers de très près : ici, je n’ai pas utilisé mon système de tir habituel, les lasers sont placés à la main pour positionner précisément les impacts.

On a des particules 3D qui partent de l’avant, des étincelles en stock shot (on voit d’ailleurs la différence en termes de réalisme), des effets de flash, un effet de flare que j’ai tendance à utiliser tout le temps dès que j’ai un impact à faire et qui donne un côté un peu cartoon, une pièce qui part du vaisseau même si personne ne la remarque, du stock shot pour la fumée…

A noter, les particules ne sont pas juste des Icospheres mais des Icospheres sur lesquelles je rajoute du displace avec un noise. On obtient du coup des trainées qui ne sont pas nettes, ça a un côté plus réel, plus proche des vraies étincelles.

3DVF : Ce plan marche d’autant mieux qu’il a un côté nostalgique, la surface du vaisseau évoque un peu celle d’une maquette physique…

C’était justement un peu l’objectif, notamment pour coller au sujet puisque de nombreux vaisseaux du film évoqué dans l’épisode, Le Cinquième Élément, étaient des maquettes.

Le fait d’avoir ajouté du stockshot et des étincelles 3D mais qui semblent réelles, sur un objet qui a tout de même un rendu assez 3D, permet d’avoir un rendu maquette. Du coup merci, ça fait plaisir d’entendre que l’objectif est atteint !

Pour la suite de la séquence [16:01 dans l’épisode] je me suis en partie inspiré de Star Wars VIII, avec la manœuvre de Holdo qui découpe en deux la flotte adverse. J’ai repris le même type d’étalonnage, avec les lumières autour qui s’éteignent pour ne laisser que la lumière bleutée liée à cet impact.

A la base le tir de l’arme devait être beaucoup plus gros, il a été créé par Alexandre Labedade d’ailleurs. C’est donc lui qui a designé l’effet et il aime les effets bourrins, mais par rapport à l’idée de départ il a fallu réduire l’échelle : comme pour Star Wars ça aurait généré trop de questions, par exemple « pourquoi le Capitaine ne s’en est pas servi avant » ou « ça pourrait détruire une planète ce truc ».

Version précédente sur Eevee
Final

Mais l’idée reste là, le vaisseau ennemi est détruit en un coup.

A noter également, l’enchaînement des plans qui a frustré beaucoup de spectateurs : on voit que le vaisseau commence à exploser, on coupe vers un autre pilote qui regarde l’explosion qu’on voit d’ailleurs dans le reflet de la vitre, puis on voit la fin de l’explosion.

Les raisons de ce montage sont clairement techniques, il est bien plus facile de faire un reflet d’explosion qu’une vraie explosion.
Le début et la fin de la séquence utilisent même deux simulations de fumée différentes. Mais avec le montage ça ne se sent pas vraiment.

Ce cas est intéressant car il montre bien que les contraintes techniques peuvent parfois influer sur le montage, même si au final ça permet de montrer au spectateur que le chasseur voit l’explosion, le tout dans un moment dynamique.

3DVF : Continuons à avancer dans l’épisode… Le scénario nous amène à une rentrée atmosphérique en catastrophe, avec là encore beaucoup de travail, des pièces qui se déforment et se détachent du vaisseau.

Pour cette partie, j’ai notamment utilisé le modifier Explode de Blender, pour faire partir les morceaux de la tourelle. Et plus globalement un mélange entre des Shape Keys et des Lattice. Les Lattice permettent de déformer grossièrement les choses, les Shape Keys sont plutôt à utiliser pour du détail.

Mais il n’y a pas que ça : il y a notamment des contraintes avec des Empty qui sont animés via des courbes, les courbes ayant elle-même du noise. Ça permet d’avoir le mouvement complexe que l’on voit à l’écran, et si on crée un autre empty à côté en lui mettant le même noise en décalé, on aura une sorte de mouvement d’oscillement, quelque chose qui a un air assez naturel.

J’ai aussi utilisé le modifier Hook : combiné à un Weight Paint, cela permet de déformer un maillage en contrôlant les éléments qui vont bouger énormément, peu ou pas du tout.

C’est donc vraiment un mélange de techniques, ailleurs j’ai utilisé des sinusoïdes avec du noise par exemple pour avoir des mouvements réguliers avec un peu d’aléatoire. Il y a parfois aussi de l’animation classique, à la main.

Viennent ensuite se rajouter des particules, du stock shot, etc.

Il y a ensuite d’autres astuces, par exemple j’ai à plusieurs endroits ajouté un ensemble de câbles et d’objets divers quand un élément de vaisseau se brise, pour donner le sentiment que ces parties du vaisseau ont réellement des parties mécaniques à l’intérieur.

En raison de mes techniques pas toujours « standard », j’ai eu quelques surprises avec le motion blur sur des frames spécifiques, il a fallu que j’emploie quelques astuces (du « Start on Frame » sur le motion blur) pour dire à Cycles de calculer le Motion Blur sur le début de la frame au lieu de le faire pile poil entre afin d’éviter les problèmes d’interpolation.

3DVF : Plus globalement, tu as donc fait l’essentiel du travail et de la supervision, tu as aussi été assistant réalisateur sur cet épisode. Néanmoins, d’autres personnes sont intervenues sur des points spécifiques : comment s’est faite cette répartition, pourquoi as-tu délégué spécifiquement certaines parties ?

Il y a plusieurs cas.

Pour les vaisseaux, j’ai décidé de faire un concours via la communauté Blender Lounge, en 2019. Il s’agissait donc d’un concours de création de vaisseaux, avec à gagner 100€ et la possibilité de voir son vaisseau dans l’épisode 7 de Nexus VI. C’est pas énorme mais on fait en fonction de nos moyens !

On a donc eu un gagnant, Arthur Chamerois et c’est tant mieux : je pense que sans ce concours, j’aurais sans doute acheté un asset sur une banque de modèles 3D, mais ça aurait été moins sur-mesure.

Ci-dessus et ci-dessous : deux concepts par Arthur Chamerois

A l’époque où il a fait le concours, Arthur Chamerois bossait chez Ubisoft Annecy.

Pour le concours j’avais donné beaucoup de directions : taille, couleur, influences visuelles dont HALO, une licence que j’aime beaucoup.

Au final il a fait tous les vaisseaux ennemis, le gros et le petit. Il y a eu quelques retakes, son vaisseau chasseur initial était plus long et ressemblait trop à un avion de chasse, or on voulait plutôt une forme de mouche.

Ci-dessus : chasseur spatial initial.
Ci-dessous : version retouchée, plus compacte.

Comme les vaisseaux ont une grande différence d’échelle et qu’ils ne sont pas forcément toujours filmés de près, il a été délicat de faire en sorte que les petits restent bien visibles tout du long. Autant tout était clair au layout, autant on savait dès le départ qu’on allait avoir des soucis de lisibilité dès qu’on rajouterait du vrai lighting, du soleil à contre-jour, du motion blur, des tirs de partout.

Page suivante : fin de l’interview avec sas des capsules, aperçu du tournage, choix de Blender, conseils aux artistes autodidactes, et prochains épisodes Nexus VI.

6 commentaires

phicata 14 octobre 2021 at 17 h 30 min

o_O Dingue!

frenchy pilou 14 octobre 2021 at 22 h 44 min

Les « Ian Hubert » français! 😎
Il faudrait montrer cet article dans les écoles, cela susciterait des vocations! 😉

Shadows 14 octobre 2021 at 22 h 59 min

Et hors des écoles, puisqu’il est autodidacte. 🙂

frenchy pilou 15 octobre 2021 at 12 h 16 min

Je parlais des collèges! 🙂

zeauro 20 octobre 2021 at 12 h 35 min

C’est un super épisode qui rend hommage au film, tout en montrant que ses VFX ont pris un coup de vieux.

C’est un travail titanesque et il n’a pas pu profité des innovations utiles pour son projet qui arriveront dans la 3.0.

Il y a de sacrées différences entre la 2.83 et la 2.79. Mais à part, l’usage d’EEVEE pour la préviz, il ne s’attarde pas trop dessus.
Même si la nouvelle UI a dû lui permettre de gagner en rapidité sur un peu tout les aspects du taff.
Je vois qu’il n’a pas visiblement d’usage du Grease Pencil. Ils ne font pas leur storyboard avec, ou n’annotent pas leurs retakes.
Il n’a pas fait ses astéroïdes avec le nouveau sculpt mode.

Je confirme que les défauts des Boïds, correspondent plutôt à une volée d’oiseaux qu’à une foule d’humains.
Il n’y a pas qu’une case à décocher. Il faut trifouiller les sliders du sub-panel Misc et rajouter des règles au Boïd Brain sans vraiment pouvoir les doser de façon fine.
Et il faut aussi configurer chaque déflecteur. A priori, les boïds sont plus simples à utiliser que dans les 2.4, puisqu’ils sont devenus sensibles aux Force Fields standards depuis.
Pour résumé, l’astuce qui consiste à les utiliser est très loin d’être comparable au confort d’un vrai simulateur de foule à la Populate.
Mais pour des persos qu’on voit une seconde dans le plan, visiblement, ça fait le job.

Et donc, c’est plutôt représentatif d’une ancienne façon de travailler avec Blender.
Pour le même genre de projet, un utilisateur de 2.93 a à sa disposition un Cycles plus performant avec Embree mieux intégré et un export multithreadé de la géométrie. Il a un objet Volume qui permet de trouver un bon rapport qualité/lourdeur mémoire et un EEVEE qui rend mieux ces volumes.
Mais surtout, il a des Library Overrides stables et des Geometry nodes.
Beaucoup des bidouilles mélangeant shapekeys, modifiers et deformers ou les vieillles particules qu’il a su utiliser, grâce à son expérience, vont devenir accessibles aux novices. Dans quelques temps, lis n’auront plus qu’à récupérer un preset de Geometry Nodes pour simuler des foules.

Donc, mine de rien, il y a déjà un sacré gap entre la 2.83 et la 2.93. Mais il va y avoir un monde entre la 2.83 et la 3.0.
Dans la 3.0, on aura, en plus, le support des fields, des curves et des volumes pour les Geometry Nodes, toutes les améliorations de perf de Cycles -X et un Asset Browser, qui arrête de faire de la figuration.

Shadows 19 janvier 2022 at 10 h 17 min

A noter aussi, Romain Toumi sera présent au PIDS qui approche à grand pas ! [URL]https://3dvf.com/pids-2022-en-physique-ou-en-ligne-le-meilleur-des-vfx/[/URL]

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