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La SCOP, une vision alternative de l’entreprise ? Rencontre avec Praxinos

Dans l’univers de l’infographie, la plupart des entreprises adoptent un statut classique. Quelques structures ont toutefois opté pour une approche originale : la Scop, ou société coopérative et participative. Si la rentabilité reste fondamentale pour ces entités (comme pour toute entreprise), leur gouvernance est bien plus démocratique et la répartition des profits se fait selon d’autres règles.

Dans le secteur de l’image 2D/3D français, plusieurs entreprises ont fait le choix de ce modèle. On peut notamment citer la société Caleido-Scop, le studio d’animation Les Fées Spéciales ou encore le studio de jeux vidéo Motion Twin.
La jeune structure Praxinos, dont nous vous avions parlé lors du Festival d’Annecy, a elle aussi opté pour cette approche peu commune. L’entité travaille notamment sur un plugin de peinture et édition de textures pour Unreal Engine.

Nous avons invité Praxinos à nous expliquer les raisons de leur choix de structuration et la manière dont une Scop fonctionne, avec ses avantages et inconvénients. Sans trop rentrer dans l’aspect technique et administratif, nous avons surtout cherché à comprendre le quotidien d’une telle entreprise, l’impact pour les salariés, mais aussi à qui ce dispositif s’adresse.
De quoi vous donner une meilleure vision de ce mode d’organisation et, qui sait, vous donner envie de l’adopter. Des liens en fin d’interview vous permettront également d’en savoir plus.

Démonstration de Praxinos sur le stand Epic Games, au Festival d’Annecy 2019, avec Fabrice Debarge et Elodie Moog

La SCOP : pourquoi, comment ?

3DVF : Nous avons déjà eu l’occasion de parler de Praxinos sur 3DVF, mais plutôt en nous focalisant sur votre future plugin ILIAD pour Unreal Engine. Vous avez une autre particularité : Praxinos est une SCOP, autrement dit une société coopérative dont les salariés sont associés. Pourquoi avoir opté pour ce modèle ?

Elodie Moog, gérante et cofondatrice de Praxinos : Il y a de multiples raisons. Nous travaillions dans une autre société organisée en SARL classique où tout se passait bien, jusqu’au jour où des décisions de la part des actionnaires n’ont pas plu à la majorité des salariés. Beaucoup sont partis au fur et à mesure ; avec certains de mes anciens collègues nous avons décidé de fonder notre propre société, et nous avons voulu éviter de retomber dans les travers de la SARL. Nous nous sommes dits qu’il serait sans doute préférable d’adopter une approche plus démocratique, où les décisions ne sont pas prises par deux personnes qui ont la grande majorité du capital, et encore moins par des personnes qui ne sont pas actives dans la société et n’ont donc pas une vision réelle de l’entreprise.
Nous voulions que les décisions soient prises par des personnes qui vivaient l’entreprise au quotidien. Et, quitte à avoir une vision sur l’avenir, pouvoir proposer à de futurs partenaires, de futurs salariés, de s’investir dans l’entreprise s’ils en ont envie. C’est une vision sur le long terme, en fait.

3DVF : Et la SCOP répond donc à cette vision ?

Elodie Moog : Oui, c’est exactement le modèle de la SCOP : peu importe le capital investi, une personne = 1 voix. Aucun associé ne peut être majoritaire, tout le monde est forcément minoritaire, ce qui évite les abus.
Autre intérêt, la redistribution des bénéfices : outre la part destinée à développer l’entreprise, il y a obligatoirement une part distribuée à tous les salariés, qu’ils soient associés ou non. La part pour les associés, les actionnaires, n’est en fait pas obligatoire.

3DVF : Puisque nous parlons de revenus… Comment sont décidés les salaires ? L’approche de la SCOP signifie-t-elle que toute l’équipe a la même rémunération ?

Elodie Moog : L’idée, un jour, sera effectivement d’harmoniser les salaires en fonction notamment de l’ancienneté. Ce n’est pas le cas actuellement : il y a une raison à cela. Comme nous avons été licenciés, nous avons la chance de toucher des aides de retour à l’emploi qui ont été un tremplin pour créer la société. Et comme nous n’avions pas tous la même ancienneté, nous n’avons pas tous la même aide (montant, durée). Nous avons ajusté les choses de manière à ce que chacun puisse avoir à la fois une paie de la part de la société tout en bénéficiant de son aide de retour à l’emploi.
On peut se poser des questions face à cette approche : on aurait pu imaginer que l’équipe se contente de ponctionner ses aides Pôle Emploi. En fait, il y a un petit défaut dans la SCOP : on doit avoir au minimum deux emplois en CDI à un salaire au moins équivalent au SMIC temps plein.
Plutôt que d’avoir deux personnes payées temps plein et les autres non, nous avons préféré répartir entre les sept associés que nous étions : certains sont payés quelques heures par semaines, d’autres beaucoup plus, en fonction du temps et des moyens de chacun.

3DVF : Concrètement, quel est le temps de travail des sept associés ?

Elodie Moog : Sur les sept, quatre travaillent à temps plein dans la société, trois autres à temps partiel ont davantage un rôle de consultants et travaillent déjà en temps plein ailleurs (ce qui n’a pas posé de souci, les employeurs étant plutôt contents de voir que leurs employés s’investissaient aussi ailleurs).

3DVF : Dans les studios, qu’il s’agisse de fabriquer un film d’animation ou de développer un logiciel, il y a souvent une tendance aux heures supplémentaires… La notion de temps plein/partiel et la rémunération en fonction de la participation pourraient donc en souffrir. En pratique, est-ce qu’il vous arrive de passer par des périodes d’heures supplémentaires ?

Elodie Moog : Très clairement, on déborde. Si je devais me contenter de mes heures théoriques on n’avancerait pas, et c’est la même chose pour les collègues. Ça me semble normal dans le sens où nous sommes encore au début de l’entreprise, il faut tout créer à partir de rien.

Fabrice Debarge – Cofondateur de Praxinos : Nous nous sommes tout de même mis quelques limites : pas de travail le soir après 20h… Personnellement je me fais violence, je n’ai pas toujours eu ces habitudes, mais je vois le bien que ça me fait, je relativise certains problèmes pas si urgents. Ça fait du bien.

Elodie Moog : En gros, on est à 35h par semaine. Je ne suis pas payée 35h par semaine car on ne peut pas se le permettre. Ceci dit, on s’interdit tous de travailler au-delà de cette durée.
Pour moi, les temps de travail énormes du secteur de l’animation sont une aberration : 50h par semaine pour finir une prod, ça n’a pas de sens, surtout si on est payé « en passion ».
Le plus dingue, c’est que nous sommes beaucoup à faire spontanément des heures supplémentaires. Pour faire plaisir aux collègues ou aux chefs, pour terminer un dossier, pour prendre de l’avance… mais c’est parfois aussi pour flatter un peu son égo, se dire « J’ai bossé plus tard que les autres ». Et là, ça devient malsain.
Faire des heures simplement parce que tout le monde le fait, ce n’est pas normal car cela se transforme en présentéisme, en fatigue nerveuse, en dégoût du travail, en perte de repère, en perte de sens (« pourquoi je fais ce boulot ? »). Ajoutez le manque de reconnaissance de vos chefs et là, c’est la dépression / le burn-out assurés.
Ces problématiques ressortent dans beaucoup d’études sur le mal-être au travail, et ce dans tous les métiers. Et c’est aussi vrai pour l’industrie de l’animation et du jeu vidéo.

Une partie de l’équipe de Praxinos : Elodie Moog, Fabrice Debarge et Thomas Schmitt

3DVF : Comment avez-vous défini les rôles de chacun ?

Elodie Moog : Ça s’est passé assez naturellement. Un des associés, Fabrice Debarge, était en fait mon patron, le gérant de mon ancienne entreprise. Mais avec ses responsabilités de gérant, il jonglait beaucoup entre les tâches techniques et l’encadrement de l’entreprise. Quand nous avons créé Praxinos, il a souhaité rester uniquement dans le domaine technique. A l’inverse, j’avais fait le tour de mon ancien poste de technico-commerciale et j’avais envie de changer un peu de rôle : je me suis donc proposée à la gérance. En ce qui concerne les autres salariés, chacun a fait selon son profil. Par exemple pour les développeur, il s’agissait surtout de développer leur propre outil.
Les rôles se sont donc répartis naturellement, comme je le disais.

3DVF : Comment gérez-vous la communication interne ?

Elodie Moog : Elle est très importante. Il y a des comptes-rendus réguliers, nous avons un Discord pour les échanges simples, un forum pour tout ce qui doit rester dans le temps et pouvoir être retrouvé. Tous les documents, y compris des éléments comme les salaires, sont accessibles aux associés et, à terme, le seront aussi aux employés. Il y a pour moi une nécessité de transparence, c’est ce qui faisait défaut dans mon entreprise précédente et j’aimerais à tout prix éviter de retomber dans ce travers. Quand on est dans le secret, rumeurs et mécontentement se construisent.

3DVF : En somme, la SCOP ne se limite pas pour vous à un simple mode d’organisation différent, il s’agit aussi d’une philosophie…

Elodie Moog : Clairement, c’est une philosophie, et avec un peu d’humour je dirais presque qu’il s’agit d’une secte ! Dans le sens où il y a un véritable soutien des Unions régionales des Scops, avec dans chaque région une délégation qui vous prend en charge, qui vous aide à bien écrire les statuts, définir de quoi vous avez besoin (répartition des bénéfices, obligation ou non de devenir associé pour les salariés à partir d’une certaine ancienneté, capital minimal à investir pour les nouveaux associés, …)

3DVF : Au jour le jour, comment se fait la prise de décisions ? L’aspect démocratique est-il vraiment au rendez-vous ? On peut imaginer que certaines personnalités puissent s’imposer sur les autres…

Fabrice Debarge : Chacun a sa spécialité, en fait. Ça peut être des spécialités techniques, administratives, comptables… Il y a donc des gens qui ont plus de poids en fonction des sujets.
Un développeur aura plus de poids sur les sujets techniques, une autre personne sur le montage des dossiers de subventions, etc.

Elodie Moog : On essaie malgré tout d’avoir l’opinion de tout le monde. Comme pour les salaires ou questions de mutuelle, tout est accessible à tout le monde, toute personne qui a un mot à dire peut le faire. Ça ne veut évidemment pas dire que l’on tient toujours compte de tous les avis, mais une bonne idée peut survenir de n’importe où, donc on ne bloque rien.
Après, tout ça ne signifie évidemment pas que l’on évite tout conflit. Comme dans toute aventure humaine, les désaccords surviennent, mais on essaie d’en parler, de trouver une solution, de garder une certaine bienveillance.

3DVF : Elodie Moog, on sent bien que votre rôle de gérante se distingue de celui d’un patron ou d’une patronne classique…

Elodie Moog : La personne qui gère la SCOP reste responsable légalement, c’est donc lui/elle qui a le dernier mot, sa responsabilité est engagée au niveau comptable, légal, etc. Mais ce qui est intéressant, c’est que le/la gérante a aussi des comptes à rendre aux salariés, c’est moins vertical qu’avec un patronat classique souvent représenté en image de bon père de famille (ou pas si bon que ça, d’ailleurs !) qui sait mieux que les autres…
Ici, on a des comptes à rendre aux salariés, aux associés qui sont d’ailleurs aussi salariés, il y a un intérêt commun. On a moins de chances, je pense, de laisser l’ego s’emporter par rapport à une société classique.

Aperçu d’ILIAD, futur plugin Unreal Engine de praxinos

La SCOP : inconvénients, surprises et croissance

3DVF : Vous semblez donc tirer un bilan assez positif de cette approche… En pratique, avez-vous eu quelques surprises, découvert des inconvénients auxquels vous ne vous attendiez pas forcément ?

Elodie Moog : Les deux équivalents temps plein au SMIC dont je parlais plus haut sont effectivement une contrainte, surtout quand on démarre une entreprise. Il faut savoir que beaucoup de SCOP se créent à partir de sociétés qui sont en faillite, ce sont les salariés qui réunissent des fonds pour racheter la société.
Dans notre cas, nous partons de rien, sans fonds hors de nos fonds propres, et sortir plusieurs dizaines de milliers d’euros par an n’est pas évident car c’est obligatoire pour le statut.
C’est un peu complexe mais finalement nous avons trouvé un bon équilibre là-dessus ; il faut souligner aussi que nous avons eu quelques avantages, notamment du fait de notre localisation (région Grand Est) : la bourse Emergence SCOP double le capital social dans la limite de 4000€ par associé salarié. Dans notre cas, chacun a mis 4000€ sur la table, donc 28 000€ de capital puisqu’on est 7 ; nous avons rempli un dossier et quelques mois plus tard la région a remis 28 000€, soit un capital total de 56 000€.

Fabrice Debarge : Il y a effectivement aussi eu quelques surprises, mais je ne sais pas si on peut les appeler inconvénients. Par exemple, nous avons fait un pitch dans un incubateur d’entreprises pour être incubés, et quand on explique à des banquiers ou business angels qu’on est une SCOP… On n’est pas bien reçus.

Elodie Moog : C’est vraiment un tue l’amour, car ce sont des gens qui ont l’habitude d’avoir un schéma où ils vont donner de l’argent pour aider une entreprise à démarrer, mais sur laquelle ils vont avoir une mainmise ou ils vont attendre qu’elle grandisse, puis revendre leurs parts qui auront pris de la valeur.
Or, dans une SCOP, les parts sociales ont toujours une valeur nominale, qu’elle fasse des millions de chiffre d’affaires ou 3€. Ça perturbe énormément les investisseurs, qui sont face à un schéma très inhabituel. Certains vont tout de même tenter de s’investir, mais la plupart ne comprennent pas comment on peut se lancer dans une aventure de développement informatique, de recherche et d’innovation en étant une SCOP. Ils en deviennent presque agressifs.

3DVF : Mais du coup, comment trouver des investisseurs et les convaincre qu’ils pourront s’y retrouver ?

Fabrice Debarge : On n’en cherche pas !

Elodie Moog : Voilà, c’est ça. Il faut reconnaître que nous avons eu plutôt de la chance jusqu’à présent, avec la bourse de la Région Grand Est évoquée plus haut, mais aussi une seconde de la même région prévue pour aider les startups passant par un incubateur (ce qui est notre cas, puisque nous sommes passés par The Pool à Metz) à démarrer, et enfin une troisième, une bourse French Tech qui prend en charge 75% des frais dépensés par l’entreprise.
Tout ça forme un bon tremplin.

3DVF : Est-ce que vous avez le sentiment que la croissance de l’entreprise est plus limitée qu’avec un modèle classique ?

Fabrice Debarge : Limitée comment ? Moi je me sens plus libre !

3DVF : Par exemple, en restant sur un modèle de SCOP, pouvez-vous à moyen ou long terme passer de 7 à 70 personnes ?

Elodie Moog : Pas du jour au lendemain, et même par rapport à un schéma classique d’entreprise « licorne » qui lève des fonds, embauche à tour de bras (et parfois s’effondrera 6 mois plus tard), on préfère monter graduellement. Croître trop vite est un danger pour l’entreprise.

Fabrice Debarge : C’est l’intérêt d’un business angel d’injecter du capital dans une boîte dont il sait qu’elle va monter vite, puis créer une dépendance malsaine, se rendre indispensable et prendre la main sur l’affaire. On voit donc plus cet aspect comme une liberté que comme une contrainte. La croissance se fera naturellement si ce qu’on fait marche.

Elodie Moog : Voilà, on grandit à notre rythme, on a le temps de voir venir les choses et de s’adapter. Après, il faut aussi reconnaître qu’on a de la chance : nous avons un partenariat avec Epic Games, un partenaire de choix qui respecte notre indépendance. Leur aide est technologique, puisque nous nous appuyons sur leurs technologies et l’Unreal Engine, mais aussi financière (100 000$ via les bourses Epic MegaGrants). Sachant que le système de bourses fonctionne de la même manière que le partenariat : ils n’attendent pas de retour sur investissement, si ce n’est évidemment le fait que nous allons aider Unreal à se développer encore un peu plus.

3DVF : Vous avez récemment recruté un employé : quelques mots à ce sujet ? A-t-il pris le statut d’associé, et pourquoi ?

Elodie Moog : Michaël est aussi un ancien collègue qui, quelques mois après avoir quitté notre ancien employeur, a décidé de nous rejoindre. Il a 15 ans d’expérience dans l’ingénierie de l’imagerie et de l’animation numériques. On a donc vraiment de la chance qu’il fasse partie de l’aventure. Pour l’instant, il est en CDD, mais comme nous venons d’avoir une réponse favorable pour un RIAM (CNC), on va pouvoir le garder en CDI, ouf !
Quant au fait de devenir associé, c’est quand il veut : la vraie démocratie se trouve dans la liberté, donc on a préféré laisser le choix plutôt que d’imposer la prise de parts sociales, comme ce peut être le cas dans certaines SCOP.

Aperçu d’ILIAD, futur plugin Unreal Engine de praxinos

SCOP et Animation : une combinaison rare mais pas forcément incompatible

3DVF : Notre industrie, en France, s’appuie fortement sur l’intermittence. Est-ce compatible avec la SCOP ?

Elodie Moog : J’en parlais justement à Virginie Guilminot cofondatrice des Fées Spéciales [NDLR : studio d’animation monté en SCOP], qui me disait que le problème dans le monde de l’animation est ce statut d’intermittence. Il y a un flou juridique par rapport aux SCOPs : les intermittents peuvent-ils devenir associés alors qu’ils n’ont pas de contrat de type CDI. Personne ne sait trop comment ça se passe, il faudra donc essuyer les plâtres…

3DVF : Pourquoi, selon vous, le modèle de la SCOP est-il si rare, en particulier dans le secteur de l’imagerie numérique ?

Elodie Moog : Je pense que le premier point est la méconnaissance. La plupart des gens ne savent pas ce qu’est une SCOP, si on parle de coopérative les gens penseront « coopérative agricole » ou banque… Ils ne comprennent pas.
D’ailleurs, je suis celle dans l’équipe qui a découvert le modèle de la SCOP, par un hasard incroyable. Quelqu’un m’en a parlé en disant que c’était « pourri », je me suis demandé pourquoi ça serait forcément le cas, j’ai fait des recherches… Et en fait c’est loin d’être « pourri », c’est un modèle d’avenir !
On entend souvent parler de problème avec des actionnaires qui mangent la plus grosse part du gâteau tandis que les salariés n’ont que des miettes, alors même que ces derniers sont la première richesse de l’entreprise : sans salariés, pas de production, plus de bénéfices !
Il faut revenir dans un modèle où ceux qui travaillent sont les premiers à être récompensés.

Fabrice Debarge : Il y a un autre point qui me semble important : dans les écoles, on n’enseigne pas ou très peu comment monter son entreprise. Et on ne peut pas être bon partout, en technique numérique comme en administratif… La SCOP nous a permis de mieux tirer parti de nos compétences complémentaires. Si vraiment nous avions dû partir de rien, dans une entreprise classique et en sortant d’école, ça aurait été plus complexe.

Elodie Moog : Il y a plusieurs paramètres. Nous avons des profils complémentaires, une moyenne d’âge de 35-40 ans avec deux jeunes de 23-25 ans et un associé de 55, on a déjà travaillé ensemble…. C’est d’ailleurs un point important, il n’est pas évident de créer une entreprise avec des gens qui sont amis mais n’ont pas travaillé ensemble, ce n’est pas la même chose. Ce qui explique que ça peut être délicat de passer en coopérative quand on est trop jeune.

La SCOP : pour quels types de personnes ?

3DVF : Au final, vous conseilleriez donc plutôt ce modèle à des personnes ayant déjà une certaine expérience ?

Elodie Moog : je pense qu’il faut une certaine maturité, oui. Ce n’est peut-être pas obligatoire, encore une fois nous avons dans l’équipe des gens qui ont la vingtaine, mais je pense qu’il faut au moins avoir déjà travaillé ensemble.

Fabrice Debarge : Après, ça ne veut pas dire pour autant qu’on ne le recommandera pas à des gens qui se lancent, j’en reviens surtout au fait que dans les écoles, on manque de retours sur ce type d’approche. Il y a sans doute quelque chose à creuser de leur part, inviter des SCOPs, pourquoi pas faire une conférence au Festival d’Annecy un jour avec d’autres SCOPs du secteur, chacune ayant son expérience… Un vrai travail d’évangélisation est nécessaire, j’ai été 4 ans gérant d’une société sans savoir ce qu’était une SCOP ! Alors qu’au fond, j’appliquais déjà une bonne part des principes fondamentaux de la SCOP.

Elodie Moog : Jusqu’à ce que les problèmes évoqués en début d’interview ne surviennent, et que l’on nous ait forcés à changer de façon de travailler…
Effectivement, il y aurait sans doute une conférence à mettre en place avec Les Fées Spéciales, Caléido-Scop, Rainbox, on a sans doute chacun une petite pierre à ajouter. Et qui sait, c’est peut-être un modèle qui va se répandre dans le monde de l’animation, j’y vois un peu la solution à un monde meilleur, ne plus être à fond dans l’investissement et l’engraissement d’un actionnariat, se rappeler qu’il y a aussi des gens qui travaillent et qui ont envie d’être rémunérés pour ce travail.

Fabrice Debarge : Sans être naïfs non plus, une SCOP restant là pour faire de l’argent pour les salariés.

Elodie Moog : Oui, bien sûr.

Pour aller plus loin

20 commentaires

Shadows 29 octobre 2019 at 17 h 13 min
Vous l’aurez compris, le sujet est assez éloigné des making-of et autres retours sur produits ; il nous semblait intéressant d’explorer ce genre de sujet, qui fait en plus écho à des thèmes qui reviennent souvent dans notre industrie (burn-out, heures supplémentaires, prise de décision, salaires et profits…).

Si ce genre d’interview vous intéresse, n’hésitez pas à le signaler ; en particulier, nous pourrions faire le portrait des autres scops du secteur, afin d’avoir leur vision de ce système.

phicata 29 octobre 2019 at 21 h 09 min
Super intéressant, je ne conaissait rien aux scop, vraiment enrichissant, et le reportage de Youtube Game Spectrum, que je regardes, semble top.
Aprés je me pose quelques questions: sur l’apport de l’argent public, est-il "remboursé" d’une maniére ou d’une autre, on à tellement vu de sociétés privés empochaient les aides
publiques pour ensuite fermer ou licensier…
Quid des problémes "d’égo", j’imagines un gars (oui ou une fille….gnagnagna) surdoué dans son domaine, ou un qui à 20 ans d’expérience, à qui on va dire: tu vas touchais pareil que le ptit junior qu’on vient d’embaucher! comment on gére ça?
Shadows 29 octobre 2019 at 21 h 23 min
@phicata le souci pour Les Fées Spéciales vient du fait que leur site n’est pas en https, alors que les navigateurs tentent désormais de l’activer par défaut.
Pour les questions d’ego, l’interview en parle (4ème question sous la photo du trio) mais plutôt pour des questions de décision que de salaire. Evidemment, la formule n’est pas magique, et tout ça repose en partie sur la bonne volonté.
Pour les aides, sauf erreur de ma part non (le but est d’aider des entreprises à naître ou à ne pas mourir, donc de faire de l’emploi, c’est un investissement qui se rembourse via l’impôt sur le revenu, quelque part), mais je vais demander confirmation.
Elodie-M 30 octobre 2019 at 11 h 39 min
Bonjour ! Je tenais déjà à remercier Benoît pour cette belle vitrine qu’il nous a offert, et de son intérêt tout particulier pour le format SCOP. Grâce à l’article, j’ai découvert le parcours de Motion Twin qui m’a à la fois bouleversée et inspirée.

Du coup, je profite de cet espace pour compléter quelques points, au vue des commentaires laissés.

Pour les périodes de travail intense : je fais évidemment la difference entre une boite sur le point de faire faillite et dans laquelle les salariés mettent toute leur énergie pour qu’elle puisse survivre (à l’instar de Motion Twin avec Dead Cells), et les productions qui poussent régulièrement des intermittents ou des artistes en contrat précaire à donner leur maximum tout le temps sans réelle contrepartie, reconnaissance ou véritable justification (autre que des deadlines souvent déconnectées de la réalité de la prod).

Concernant les aides publiques : il faut en distinguer plusieurs sortes. Il y a les bourses / subventions d’amarrage qui s’obtiennent sur dossier en fonction de certains critères et qui n’ont pas vraiment de contrepartie (Bourse BeEST Startup et Bourse d’émergence des SCOP dans notre cas), il y a les prêts (nous avons eu recours à un prêt SOCODEN, un organisme financier autogéré par les SCOP de votre région), il y a les bourses / subventions qui ne prennent qu’une partie d’un budget de dépenses décidées en amont (Bourse French Tech : 75% et RIAM : 50% dans notre cas, mais il y en a bien d’autres comme les AMI – qui nécessitent un partenariat avec un laboratoire et qui ne prennent en charge que 50% des sommes investies, qui doivent généralement atteindre les >200k euros…). À part les bourses d’amarrage, les autres subventions sont étroitement suivies par l’organisme : vous avez des comptes à rendre et êtes tenus de rembourser l’organisme si vous avez fait n’importe quoi avec l’argent.
Donc finalement, le risque d’empocher une aide et de fermer l’entreprise est assez faible (ou alors, j’ai vraiment pas l’esprit assez tordu pour imaginer comment faire une telle malversation :p)

Ce qui est plus dommageable pour l’économie et l’emploi, c’est surtout les optimisations fiscales des grosses entreprises (le CICE très controversé par exemple), voire carrément la fraude (on estime qu’environ 80milliards d’euros sont ainsi perdus tous les ans en France). C’est un autre débat, mais quand même, faut le souligner…

Salaire : je n’avais encore jamais envisagé qu’il soit possible de proposer le même salaire à tout le monde. Comme quoi, c’est fou comment même en essayant de changer les choses, on reste prisonnier de ses biais et de ses constructions sociétales. Pour le coup, nous étions plutôt partis sur un taux horaire lié à l’ancienneté, mais l’idée de Motion Twin vaut le coup d’y réfléchir.
En tout cas, pour Praxinos, la première étape va consister à déjà proposer des contrats dont le temps de travail correspond réellement à ce qu’ils font (en fait, c’est le cas pour tous, sauf moi xD). Ensuite, monter progressivement le taux horaire pour tous (car le SMIC, c’est quand même craignos) et enfin sortir de notre dépendance à Pôle-Emploi (qui est plutôt contraignante). Quant aux futurs coopérateurs qui nous rejoindrons, quels salaires ? les mêmes que les plus anciens ? L’idée me plait, mais je ne suis pas la seule à décider :)

Une chose importante en tout cas que je souhaite éviter, ce sont les primes d’objectifs qui ont plus tendance à créer un individualisme exacerbé et un sentiment de concurrence avec ses collègues.

vinc3r 30 octobre 2019 at 11 h 40 min
Super intéressant ce retour d’expérience. Plus largement, ça permet aux travailleurs de se réapproprier… leur travail, et d’aider à gommer les inégalités.

Il est vrai que je ne suis pas certain que ce système puisse fonctionner efficacement à partir d’une certaine échelle (avec trop de gens autour de la table quoi). Mais peut-être n’est-ce pas un mal de sortir du paradigme "toujours plus gros".

Shadows 30 octobre 2019 at 11 h 56 min
Merci pour les compléments, @Elodie-M ! Au passage, c’est assez rafraîchissant de pouvoir discuter de ces sujets ouvertement : c’est aussi parfois le cas dans certaines conférences orientées monde du travail à Annecy ou au PIDS, mais bien souvent des studios préfèrent éluder, ne parler que des projets et pas du fonctionnement (qu’il y ait des problèmes ou pas).
levivant 30 octobre 2019 at 12 h 30 min
Bonjour à toutes et à tous

Quelques notes en vrac :)

Effectivement la question de comment vit l’entreprise, comment elle est crée, comment elle évolue, comment elle traverse des moments durs, n’est jamais abordé dans les études ou les salons/festivals de notre milieu. C’est pourtant super intéressant et on comprendrait bien plus de choses sur les situations des uns et des autres.
En co-fondant les Fées Spéciales, personnellement j’ai appris beaucoup de choses. Et même si les associés fondateurs avaient les compétences pour prendre en charge et gérer la fabrication d’un long métrage (direction artistique, direction technique et direction de production et production étaient représentés), s’occuper d’une entreprise, et la faire vivre au delà du projet, est un tout autre sujet.

Notre milieu est un milieu de niche. Il y a moins de boites d’anim en France que de boulangeries dans Montpellier. Donc la documentation, les études de cas, les retours d’expériences sont rares. Et concernant les SCOP, c’est bien pire. Il y a quelques Scop dans l’audiovisuel (prise de vue), il y avait Caleido-scope (mais c’est un groupement de développeur), mais en "studio d’anim" il me semble que les Fées était la première.
Les informations qu’on a eu, et qu’on a toujours, ont été difficile à obtenir, notamment sur le status de l’associé intermittent. Par exemple on nous a longtemps dit (oralement) qu’un associé intermittent pouvait devenir gérant (puisque les gérants des scop sont élus et généralement salariés). Or au changement de gérance à la fin du troisième exercice on s’est rendu compte que ce n’était pas possible (ou alors l’intermittent perdait ses aides à Pole Emploi, la belle affaire).
Voila le genre de choses que l’on apprend petit à petit.

Il y a des avantages (économiques) à être en Scop, en contre partie de la mise en place d’une démocratie. Et finalement c’est la que c’est le plus difficile de trouver des choses. Je ne trouve ça pas facile de faire une Scop, de maintenir la barre dans le temps et continuer. Mais c’est grisant et gratifiant pour tout le monde. Certes il faut gérer des égos, se rappeler que les règles sont les mêmes pour tout le monde, qu’on n’est pas un "patron habituel". Mais il y a de la marge pour en faire une belle aventure.

Ceci dit, je me permets de nuancer le propos d’Élodie : le gérant ne rend pas spécialement des comptes aux salariés, mais aux associés.. qui se trouvent être majoritairement des salariés. Ça rend la situation humaine et d’organisation parfois compliquée, et il faut savoir jongler avec différentes casquettes selon le contexte. Un coup en tant que gérant un tel me rend des comptes, à la réunion suivante je lui rends des comptes. En fait on apprend à séparer les champs d’action et décisions. Mais on pourrait parler longtemps des scénarios et subtilités possibles.
Aujourd’hui nous sommes 3 gérants chez les Fées, et je trouve personnellement que l’équilibre est bon. Si on n’est pas d’accord on peut trancher (nombre impaire) mais surtout on se repartie la lourde charge de la gérance tout en gardant du temps pour nos métiers respectifs. On oublie a quel point le travail d’un gérant est chronophage n’en déplaise a certains qui pensent que les "patrons" se tournent les pouces dans un coin.

Je tiens a préciser qu’on a eu la chance de passer un an en incubation d’entreprise, donc accompagné et formés a créer une structure et se poser les bonnes questions. Et depuis qu’on est crées, on est dans une pépinière d’entreprise qui nous aide aussi. A moins d’être un entrepreneur chevronné, ces accompagnements pour les ignorants que nous pouvons être au moment de créer une entreprise, sont une aubaine. Et pour avoir pas mal d’amis entrepreneurs à l’étranger, c’est en comparant les ressources qu’on a et qu’on est en droit d’aller chercher, qu’on se rend compte de la chance que l’on a. Mon conseil, si vous êtes en France et voulez créer une entreprise, faites vous accompagner par des incubateurs/pépinières/accélérateurs. La formation proposée, l’analyse qui est faite de notre projet, sont particulièrement important pour se préparer a la réalité et aux difficultés de l’entreprenariat.

Aujourd’hui la société doit évoluer alors que parfois le format scop peut devenir un "problème" (Elodie parlait déjà de la question des investisseurs par exemple). Surtout dans un modèle ou la scop est un ovni, il faut trouver de nouvelles solutions. Ça va prendre du temps, mais on y arrivera.

En tous cas si vous avez des questions, je passerai tenter d’y répondre.
Merci d’avoir lancé la question 3dvf et Benoit.

Elodie-M 30 octobre 2019 at 13 h 52 min
@vinc3r : En ce qui concerne la taille de l’entreprise, une SCOP ne peut avoir plus de 100 associés : il faut alors soit que les salariés ne soient pas tous associés, soit il faut créer des filliales. Dans tous les cas, une entreprise qui grandit (SCOP ou pas) doit forcément revoir son fonctionnement interne : on se spécialise davantage dans ses tâches et on délègue à d’autres, des caractères forts peuvent surgir spontanément (qu’on le veuille ou non, il y aura toujours des gens qui suivent et des gens qui mènent, sans forcément qu’il y ait un rapport hiérarchique). On peut tendre alors vers des modèles d’entreprises autogérées, où les choses se construisent toujours par le dialogue, mais surtout par les personnes concernées (planning, répartition des tâches, intégration de nouveaux outils, etc), sans qu’un "chef" soit là pour donner des ordres unilatéraux. Il y a de nombreux ouvrages sur le sujet que je conseille fortement (Holacracy, Reinventing Organizations, etc), et il existe des coopératives qui emploient des centaines de gens.

Pour enchaîner sur Levivant (Eric ? Flavio ?), oui, la gérance rend avant tout des compte à ses associés qui se trouvent être majoritairement des salariés (c’est comme ça que je le pensais, mais comme au moment de l’interview, tous les salariés étaient associés, y’avait confusion des genres). Mais dans le fond, le principe peut s’appliquer au sens large à tous les salariés (C’est un principe qu’appliquait mon collègue Fabrice quand il était autrefois mon patron).

Concernant les "tâtonnements" de la SCOP sur le plan juridico-legal, nous avons aussi essuyé quelques plâtres, à commencer par l’octroi de la Bourse BeEst Startup : initialement prévue 1 porteur de projet, elle devait prendre forme d’un virement "sur mon compte perso" pour ensuite être portée au capital de l’entreprise… On a alors demandé à ce qu’ils changent la forme de la subvention, car je ne voulais pas détenir autant de parts. Heureusement, la Région a joué le jeu :)

Au sujet de la co-gérance, je suis beaucoup moins fan à cause de notre expérience désastreuse sur le sujet Mais par contre oui, je suis 100% d’accord de dire que la gérance, ça bouffe beaucoup de temps et d’énergie.

levivant 30 octobre 2019 at 14 h 16 min
Ah oui pardon, c’est bien Flavio ici :)

Oui de toutes façons quand l’on crée une SCOP c’est que l’on souhaite revoir le paradigme habituel de la relation salarié-patron-entreprise, et donner aux salariés l’outil qu’est l’entreprise. Se réapproprier différemment cet outil en somme. Donc oui le gérant doit aussi avoir une position différente vis a vis des salariés de toutes façons. Ce n’est pas "SA" boite, mais celle d’un groupe de personne, il n’en est que le mandataire social (temporaire).

La cogérance demande en effet un certain nombre de règles. On essaie de mettre de choses en place aussi en ayant vu l’expérience d’autres. Réunion de co-gerants fréquents, bonne répartition des devoirs, de l’accès aux comptes, des signatures, comptes-rendus de nos actions et déplacements, etc. Que chacun garde une bonne vision d’ensemble malgré nos spécialités.
Ça rend le processus de décision un peu plus lent (on ne fait pas des réunions tous les jours), mais, touchons du bois pour nous, ça marche sur ces quelques derniers mois. On fera le bilan dans 8 mois.

Shadows 30 octobre 2019 at 14 h 17 min
Merci pour le retour, @levivant ! (au passage j’en profite du coup pour te présenter pour les forumeurs qui ne te connaissent pas : Falvio Perez, qui en plus d’avoir co-fondé Les Fées Spéciales en est le directeur technique)
Au vu de votre page sur l’équipe ( https://les-fees-speciales.coop/equipe/ ), si je comprends bien Les Fées Spéciales sont donc composées de 6 personnes associées dont 3 à la gestion, et une équipe de 5 à x personnes (selon les prods) non associées ? Jusqu’où vous êtes montés, sur les prods passées ?

Et j’en profite pour rappeler que ce type de modèle existe aussi hors de France : Peter Lord et David Sproxton avaient annoncé fin 2018 une transition dont le but serait de confier leur bébé, les studios Aardman, aux employés.

levivant 30 octobre 2019 at 15 h 40 min
Merci pour la présentation. En effet, je ne m’étais pas introduit.

On est 7 associés en fait. Mais c’est un choix personnel du 7e de ne pas figurer sur cette page.

Donc oui, 7 associés dont 3 cogérants élus (et dont 2 des 4 cofondateurs, 2 associées étant parties pour diverses raisons).
En tant que studio d’animation nous travaillons aussi beaucoup avec des intermittents (dont certains associés forcément) ou des freelances selon les missions (on préfère salarier, m’enfin, les gens sont libres).
On est montés à 27 pendant Dilili à Paris, mais on est en fait 10/12 ETP en moyenne sur l’année (ETP : Équivalents Temps Pleins, cad cumuler les temps complets/partiels et de passage et faire une moyenne).

Pour les nouveaux associés, nos status prévoient par exemple que tout salarié qui travaille chez nous depuis deux ans doit candidater au sociétariat… ou bien il est considéré démissionnaire (m’enfin s’il veut vraiment pas être associé il peut candidater en demandant qu’on le refuse) ! On ne forcera pas, mais la porte est ouverte statutairement.

D’autres scop font de chaque salarié un associé, mais avec l’intermittence et les missions courtes et parfois uniques, c’était trop compliqué. Ça s’applique bien a des structures moins fluctuantes selon les projets.

Car l’on doit en effet faire attention à ce que la majorité du capital et 65% des droits de vote (une personne une voix, et pas en fonction de son capital), appartienne à des associés salariés. Car on peut etre associé extérieur, c’est à dire associé mais non salarié par la structure. C’est là que la question pour les intermittents est un peu floue, puisqu’il n’est pas considéré permanent (CDD ou CDI), mais ça passe.
Il faut dire que l’union des scop avait eu peu de cas jusqu’ici… Mais on part du principe que si l’intermittent travaille un peu dans l’exercice avec nous il n’est pas considéré extérieur.

A noter que le statut de SCOP est une évolution des coopératives (type loi 57), c’est une coopérative mais avec des droits/devoirs spécifiques que les coopératives 57 n’ont pas par exemple.
Notez aussi que les scop doivent faire une révision (un contrôle) tous les ans ! En effet, pour garder le status on vérifie que l’on continue à bien agir comme prévu (répartition du capital, droits de votes, gérance, etc). Ce contrôle fait par l’union régionale des scop (notre union locale en gros) confirme ensuite au ministère du travail qu’on est bien une scop. En cas de dysfonctionnement on peut risquer la radiation du statut sur les listes ministérielles et on deviendrait alors une coopérative loi 57 (perte de certains avantages).

Oui l’annonce de Aardman avait fait pas mal de bruit. On n’est pas encore sur un modèle proche des scop, mais sur un modèle d’accès facilité au capital avec une tendance à la transition il me semble ? Mais je ne suis pas très bien renseigné.
En tous cas c’est assez rare pour être souligné.

Shadows 30 octobre 2019 at 16 h 16 min
Intéressant !
En ce qui concerne la question des salaires, puisque plusieurs approches ont été évoquées (pied d’égalité, salaire selon l’ancienneté, etc), quelle est votre approche aux Fées, pour les associés ? (pour les intermittents, j’imagine que la question se pose moins et qu’il s’agit surtout de coller au marché)

Pour Aardman : effectivement ils ont une approche assez spéciale, ce qui était annoncé était la mise en place d’un trust, donc une entité à part, qui conserverait 75% des parts. Ce qui évite sans doute l’éventualité où des employés qui posséderaient directement les parts puissent en vendre plus de 50%.

sam01 30 octobre 2019 at 17 h 22 min
A noter que le statut de SCOP

Il me semble que la scop n’est pas un statut juridique mais un mode de gouvernance inscrit dans les statuts de fonctionnement. le statut juridique étant SARL, SA ou SAS. D’ailleurs j’avais lu que si la scop perd son agrément elle fonctionne à nouveau comme une entreprise classique SA SAS SARL.

Une question (mais je ne sais pas si vous y avez été confronté) : si la scop fait un emprunt à une banque est-ce que celle-ci demande aux associés/salarié de se porter caution personnellement ?

Elodie-M 30 octobre 2019 at 19 h 35 min
@flavio : Coucou du coup ! n_n
Je vous souhaite évidemment que cette gérance trifonctionnelle se passe du mieux du monde ! Notre expérience malheureuse n’est qu’un cas d’école, personne n’a la formule magique pour une gérance parfaite :)
En tout cas, j’en profite pour redire publiquement ce que je t’ai déjà en privé: le cas des Fées Spéciales nous a vraiment encouragé pour nous lancer dans l’aventure et c’était chouette de vous avoir comme exemple :)

@sam01 : comme l’a expliqué Flavio, une SCOP est soumise à une révision annuelle qui vérifie si les fondamentaux d’une coopérative sont bien respectés. Le statut SCOP peut ainsi être perdu en cas de non-respect de ses valeurs.
Enfin, la SCOP n’est effectivement pas une structure juridique à part entière, elle reste une SARL, SA ou SAS. Praxinos est donc en réalité une SCOPARL. Le statut SCOP reste par contre bel et bien encadré juridiquement, avec tout un pan de code bien à elle (et malheureusement aussi, beaucoup de flous), d’où la révision annuelle.

Quant au prêt, tout dépend: si le prêt est accordé à des associés avant la création d’une entreprise, leur responsabilité est engagée. Si un prêt est ensuite accordé à l’entreprise, seule l’entreprise est responsable en tant que personne morale. Cependant, la responsabilité de la direction / gérance peut être engagée si le prêt ne résultait pas d’une décision en AG (encore faut-il que ce soit une condition prévue dans les statuts) ou si ce prêt fait courir un risque à l’entreprise.

levivant 31 octobre 2019 at 15 h 55 min
@Shadows
Concernant les salaires, les choses sont aussi bien (mal?) organisées que dans beaucoup de studios. On a le minimum de la convention collective comme point de départ. Par exemple les permanents en poste de direction, ne sont pas spécialement au dessus de ce que propose la convention.
Les projets sur lesquels on est ne nous permettent pas beaucoup plus (le marché du film d’auteur n’est pas connu pour ses soirées champagne). Pour les intermittent ça dépend du budget du projet et de l’expérience du graphiste. L’ancienneté est valorisée bien sur.
Nous n’avons pas de grille, les choses sont plus organiques, au cas par cas.
Je serai en faveur de quelque chose plus structuré et simple, mais la question est souvent plus difficile que cela. En attendant, si je n’ai pas honte d’en parler et n’ai pas de problème à défendre le salaires des uns et des autres, plus ou moins haut ou bas, entre les salariés de la structure et sans être cachés dans une politique du secret, je crois que ça me convient. En tous cas je ne veux pas avoir honte de devoir justifier un salaire plancher tout en cachant un salaire élevé. Je ne veux vraiment pas vivre ça à titre personnel.

Ceci dit, la différence avec les autres structures, c’est que si la société fait des bénéfices, les règles de partage sont encadrées. Une part doit aller en réserve (mis de coté pour l’année suivante pour la boite). Une part peut aller aux salariés, et une part peut aller aux associés. Mais dans ce cas la principale règle c’est que les associés ne peuvent pas avoir plus que les salariés. Donc si les associés veulent une part des bénéfices, ils passeront après les salariés.

Et chez nous la règle du partage avec les salariés on l’a inscrit dans les status et c’est simple. On prend la somme a partager qu’on divise par le nombre total de jour travaillés par tous les salariés, et ça donne une valeur pour une journée de boulot. Ainsi un sup et un junior qui auraient travaillé le même nombre de jours touchent la même part travail.
Ça ne dépend donc pas de ton status dans la société ou du salaire, mais du temps passé dans la structure.
J’ai poussé (pas beaucoup ceci dit) pour avoir cette règle que je trouve on ne peut plus simple et honnête.
Après.. faut faire des bénéfices pour en arriver là.

Sur les trois premiers exercices je peux dire que les associés n’ont pas touché de dividendes. Quand la situation s’est présentée on l’a partagé en réserve et en part travail. Ceci dit, les associés étant souvent salariés, ils ont touché quelque chose de ce coté là du coup.
Après je ne connais plus toutes les règles possibles, mais il semble qu’un des scénario qui apparait dans les scop soit de mettre 33% en réserve, 33% en part travail, et 33% en dividendes associés. Sachant que c’est plus ou moins taxé, et que c’est très taxé pour la part associés.

Tout est fait pour inciter a protéger la structure (réserve) et partager avec les salariés en gros.
Et puis d’autres règles s’appliquent aux salariés en fonction de s’ils récupèrent l’argent tout de suite, ou plus tard (moins de taxes, et intérêt sur la somme). Si on n’est pas pressé c’est intéressant aussi. Mais je ne rentrai pas plus dans les détails.

@Sam01
Elodie a été plus rapide que moi pour te répondre. Désolé pour le mauvais emploi du terme status de Scop. En effet, les Fées sont Scop ARL, comme Praxinos. Les droits et les devoirs d’une SARL s’appliquent donc. Y compris pour les prêts comme a très bien répondu Élodie.
Aujourd’hui chez les Fées il n’y a plus de prêt engagé personnellement. C’était le cas au départ pour Virginie et Moi, mais on a fini de rembourser par exemple.
Si c’est possible, il faut bien sur éviter. En création d’entreprise, il y a des aides spécifiques. Encore plus dans l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) dont font partie les scop, avec des fonts de garantie assez intéressants pour les entrepreneurs. Ça demande surtout de savoir que ça existe, mais il faut pouvoir en profiter quand ça se présente.

Je ne l’ai pas spécifié, et toutes les scop ne sont pas comme cela. Mais les Fées c’est une SCOP ARL à capital variable. C’est à dire que le capital varie constamment. Plusieurs raisons :
– L’arrivée (ou le départ) d’associés, bien plus stimulé que dans une structure habituelle;
– La transformation d’une part travail (vu plus haut) en capital pour les associés salariés;
– Mais aussi la cotisation des associés salariés.

En effet, dans nos status, les associés qui sont salariés doivent cotiser 3% de leur brut en achat de nouvelles part sur chaque fiche de paie. C’est aussi vrai pour les intermittents associés. A la fin de l’exercice on fait le point (pour ne pas le faire tous les mois) et les associés renforcent petit à petit leurs parts dans la structure. Ça renforce le capital, et c’est de l’argent qu’on récupérera en partant (ou si on atteint la retraite ;) ). Et chez nous c’est vrai jusqu’à ce qu’on ait, à titre individuel, l’équivalent de 3 mois de salaire brut en parts (ce qui peut prendre des années).

Notez que les parts d’un associé d’une scop ne peuvent pas être hérités. S’il m’arrivait quelque chose, mes héritiers ne récupéraient pas ces parts faisant d’eux des associés. Ils récupéreraient la valeur de ces parts ceci dit, mais n’auraient pas de droit de vote. Tout comme je n’ai pas le droit de revendre mes parts à quelqu’un. Il n’y a que l’assemblée générale des associés qui a le droit d’accepter de nouveaux associés (et donc des ventes de parts).

Enfin, le prix des parts est constant (25e chez nous), sauf si l’exercice est négatif. Alors le prix de la part peut baisser avant de remonter (jusqu’à 25e) sur un exercice positif. Ce qui fait qu’on ne peut pas spéculer sur nos parts. Et si l’on part du sociétariat une année de grosses pertes pour la structure, on récupéra moins que la valeur de ses parts.
Ça n’aide pas, de nouveaux, pour des investisseurs extérieurs classiques, mais on fera sans eux :)

@Elodie-M
Merci pour ton gentil commentaire. Je passerai le mot aux autres associés ! :)
Effectivement il n’y a jamais de formule magique. Chaque groupe, chacun, trouve sa méthode

levivant 31 octobre 2019 at 16 h 09 min
A noter aussi que Nicolas Dufresne, AKA Duduf, créateur de Duik, qui a cofondé la scop RainboxLab, a fait une conférence d’une heure sur leur démarche et la création de leur Scop, il y a 2 ans. C’est visible en vidéo ici :

Shadows 31 octobre 2019 at 16 h 51 min
@levivant Merci pour la conférence !

Intéressant, le fonctionnement des parts.

Tu évoques des salaires au cas par cas : est-ce que les données sont ensuite publiques dans le studio, un peu comme chez Praxinos ?

levivant 31 octobre 2019 at 17 h 03 min
Pas nécessairement. D’autant qu’il y a plus de vas et viens.
En tous cas, ce n’est pas affiché. Mais je fais confiance aux graphistes pour parler entre eux.
Et on le dit souvent en discussion d’embauche : "on peut te proposer tant parce que les autres sont a tant"

Mais on pourrait réfléchir a quelque chose de cet ordre la.

Elodie-M 3 novembre 2019 at 14 h 33 min
Merci pour la conférence de Duik, je vais la regarder dans le bus demain ! n_n

J’avais d’ailleurs essayé de contacter RainboxLab il y a plusieurs semaines pour leur poser quelques questions sur leur fonctionnement, mais dommage, je n’ai jamais eu de retour.

Elodie-M 5 novembre 2019 at 12 h 34 min
Je viens de regardert la conférence de Duduf et je me retrouve totalement dans ses propos. Je vais même rebondir sur un des sujets amenés à 42′ : celui de la Convention Collective.
Nous sommes typiquement dans le même problème : nous n’avons pas encore de CC car nous pensions ne pas avoir à le faire (mais en fait, si…) et pour le coup, ce sont de véritables emprisonnements administratifs pour une entreprise qui démarre et qui souhaite être plus démocratique et égalitaire.

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