Jingle Jangle
Accueil » Rédactions » Jingle Jangle : les coulisses du lighting sur un film de Noël féérique

Jingle Jangle : les coulisses du lighting sur un film de Noël féérique

Cet article est également disponible en: Anglais

Récemment sorti sur Netflix, le film Jingle Jangle : Un Noël Enchanté a fait appel à Framestore pour de nombreux effets visuels, avec par exemple un pantin-matador, un petit robot, une séquence épique et explosive ou encore les vues d’ensemble d’une ville illuminée.
Un travail mêlant minutie et magie de Noël sur lequel nous vous invitons à revenir en compagnie de Lorene Bettker, Lead Lighting TD chez Framestore passée notamment par l’ESMA, MPC, Milk.

Voici donc le synopsis, la bande-annonce en VO puis VF, et l’interview :

Jingle Jangle : Un Noël Enchanté est une aventure musicale spectaculaire pour toute la famille qui fait souffler un vent de fraîcheur sur les fêtes de Noël. Ce film suit les aventures de Jeronicus Jangle (Forest Whitaker, primé aux Oscars), un fabricant de jouets excentrique dont les folles inventions suscitent l’émerveillement dans le village enneigé de Cobbleton. Mais lorsque son ancien protégé (Keegan-Michael Key, primé aux Emmys) lui vole sa création la plus précieuse, c’est au tour de sa petite-fille (la jeune Madalen Mills) de faire preuve d’astuce et d’audace. À l’aide d’une vieille invention de son grand-père, elle va tenter de guérir d’anciennes blessures et de faire renaître la magie.

3DVF : Bonjour Lorene, et merci de bien vouloir nous présenter les coulisses de Jingle Jangle ! Pour commencer, peux-tu nous en dire plus sur ton parcours ? Et pourquoi t’être spécialisée en lighting ?

Lorene Bettker : Merci de me recevoir !
Pour ma formation, j’ai fait un an de lycée option « cinéma-audiovisuel », mais je n’ai pas pu le garder avec une formation littéraire, donc maintenant j’ai un baccalauréat L avec une spécialisation en anglais littéraire – Je ne savais pas quoi faire après ça, seul le monde du cinéma me fascinait et surtout des films d’animations … Un jour je me suis rendue compte que les courts métrages d’animation que je regardais toute la journée sur Youtube étaient en fait réalisés dans une école à un peu plus de deux heures de chez moi! Par des gens de mon âge! Je pense qu’en moins de deux semaines, je postulais là-bas, à l’ESMA Toulouse.
J’adorais dessiner mais je n’avais pas de vraies compétences à l’époque donc j’ai fait un an de MANAA – mise à niveau en arts appliqués – après avoir validé mon année, j’ai intégré le programme de trois ans « animation 3D ». Bonus, je suis maintenant accro au dessin et à la peinture.
J’ai donc commencé ici assez vite par la suite, en lisant votre magazine quand j’étais à l’école !!

La deuxième année de formation était consacrée à l’animation, au rigging, au compositing, à l’animation 2D, aux classes d’écriture / de scénario et au travail de shader complexe (groom, shader de subsurface, travail de shader hyper réaliste) avec une texture appropriée. Une véritable formation généraliste.
C’était dur!  Et j’ai dû redoubler mon année – c’est la que ma préférence pour le Lighting m’est apparue (que l’on pratiquait avec le rendu depuis la première année déjà), quand j’ai dû refaire toutes les différentes spécialités qui existent, j’ai réalisé que le lighting et le rendu étaient comme un Tout pour moi, c’est le moment où tu arrêtes de voir en gris et assembles toutes les petites pièces qui feront un beau produit fini / image / frame- et en tant qu’étudiant, vous savez …. je ne trouvais le même intérêt pour aucune autre spécialité. Je voulais « faire les images » qui m’émerveillaient, y apporter des couleurs et des lumières, leur donner un sens que l’on puisse voir. (comme nous le faisons tous!)
Le Lighting, c’est lorsque vous allumez les lumières, lorsque vous allumez les lumières de votre sapin de Noël et que vous le regardez, satisfait. C’est quand, à mon avis, vous complétez le travail d’animation et le mettez en valeur, cela prend tous les petits détails et merveilles de chaque département, et montre le meilleur au monde. J’ai aussi peur du noir, donc j’adore les lumières!

Ci-dessus et dessous : séquences « storybook »

3DVF : Framestore Montréal et Londres ont tous deux travaillé sur le film : quelles séquences ont été gérées à Montréal, où tu te trouves ?

Je ne peux parler avec certitude que de la partie Lighting du film – Les impressionnantes séquences animées en bois CG, les séquences « storybook », ont été réalisées à Londres par l’équipe de Design. Tout le reste, des toits enneigés aux formules flottantes en passant par les personnages, animes ou digi-doubles et l’environnement, a été réalisé à Montréal.

3DVF : Aurais-tu quelques chiffres sur la taille de l’équipe, le nombre de plans et la durée du projet ?

En Lighting j’ai commencé seule en septembre 2019 pendant deux mois, puis j’ai eu deux artistes pour la fin de l’année, puis vers février nous étions l’équipe complète de 6 lighting artistes et nous avons livré le projet à la toute fin d’août 2020, donc c’est un an de Lighting ! Il y avait aussi deux artistes d’environnement (un artiste et un lead) travaillant sur l’environnement de la grande ville tout au long.
Nous avons dû livrer environ 450 plans.

3DVF : Comment se déroule une journée classique de Lead Lighting TD ?

Il y a différentes étapes. La plupart du temps tu commences seul car tu dois configurer tout le projet afin d’aider ton équipe à l’avenir et préparer tout ce qui pourrait être nécessaire. Il faut avoir une vue d’ensemble rapidement, afin de pouvoir prévoir les problèmes et les défis techniques qui ne sont pas encore là, mais qui viendront à coup sûr. Tu exprimes tes préoccupations sur ce qui va surement être un défi technique compliqué, et avec de la chance, d’autres personnes seront d’accord avec toi et vous pourrez avoir des pre-assets représentant le problème particulier sur lequel tu vas pouvoir  commencer à tester des configurations pour ce défi spécifique avec lequel vous travaillerez tout au long de la production.
 Bien sûr, le développement de l’ensemble de la configuration nécessitera quelques ajustements plus tard tout au long de la production, tous les éléments ne sont pas prêts des le début, mais sans cette base, la quantité de travail par la suite serait irréalisable. Ce travail est également nécessaire pour que je puisse m’en imprégner et l’expliquer a mon équipe.  Ensuite, il faut sélectionner des master shot / hero shot pour le côté lighting de la production – Quels plans par séquence sont la meilleure représentation de l’éclairage dans son entièreté, ou le plus de plans possible.  À partir de ces hero shots, je vais pouvoir donner une base solide à mon équipe pour commencer. Pour Jingle Jangle, j’avais trois master lightrigs prêts au début:
– Un pour l’atelier, le grenier ;
– Un pour la zone de laboratoire où Don Juan prend vie ;
– Un pour l’extérieur de la boutique, la place du village entier le jour.
Pour préparer mes lightRigs, je regarde les « Images de références sur le plateau » (des photos du plateau de tournage avec des camera témoins, pour voir la disposition des choses) qui peuvent aider à positionner vos lumières, ou vous donner des indices sur le type de lumière utilisé, y a-t-il des gobos dessus?  Mais l’accessoire le plus important dont nous avons besoin est la  Macbeth et les Refballs, prises là où l’action va se produire. C’est une boule grise et une chrome avec un nuancier qui nous donnent toutes les informations dont nous avons besoin pour reproduire fidèlement l’éclairage  sur le plateau (exposition et teinte), la chrome nous aide principalement à positionner et à mettre à l’échelle les lumières.
Ensuite, les artistes rejoignent l’équipe petit à petit, donc je leur attribue des plans ou des séquences entières dont ils seront responsables jusqu’à la fin – Chaque matin on passe en revue le travail réalisé par l’équipe la veille, on discute des plans et des problèmes s’il y en a.
Ensuite il y a  beaucoup de réunions , avec la production, avec les responsables d’autres départements afin que vous puissiez préparer ensemble comment les choses vont être passées au lighting, ce qui est le mieux pour tout le monde, ce qui serait le plus efficace. Ensuite, vous avez des dailies! C’est le moment de l’artiste, où chacun présente son travail au CG superviseur  et au VFX superviseur afin qu’ils puissent vous donner des notes sur ce qu’ils veulent; ou simplement valider ce que vous avez fait.
Après cela, les artistes retournent à leur travail de lighting, alors qu’en tant que lead, t’es plus « show focus » que « tes shots seulement » donc tu aides tes artistes quand ils rencontrent une difficulté ou un bug, si c’est un bug tu vas devoir faire des tests pour le comprendre, puis le signaler si nécessaire à l’équipe du pipeline si tu ne peux rien y faire, s’il s’agit d’un problème d’un autre département, il faudra leur signaler le problème afin qu’ils puissent le résoudre dans leur prochaine version, mais c’est aussi beaucoup de questions auxquelles répondre, beaucoup de sampling , du noise /grain à combattre sur tout le projet, faire en sorte que chaque image rendue soit clean et de qualité.
Mais la meilleure partie du travail consiste à rassembler tout le monde sur le même projet, à créer cette synergie unique avec votre équipe et à s’assurer qu’ils se sentent heureux, stimulés (mais pas trop) et respectés.

3DVF : Un des défis principaux fut Don Juan Diego, un matador de 30cm environ. Evidemment, le lighting était une des clés pour faire croire au public qu’il se trouve bel et bien dans la même pièce que les acteurs. Comment avez-vous approché ces scènes ?

En fait, Don Juan était si bien référencé – ils avaient une maquette très proche de Don Juan sur le plateau, de même taille et d’un matériau similaire, donc les références de cette marionnette dans n’importe quelle situation d’éclairage étaient excellentes! Cette marionnette combinée avec la Macbeth et les refballs pour capturer l’éclairage sur le plateau ont été très utiles – L’échelle n’était pas non plus un problème car encore une fois la marionnette DonJuan de référence avait le meme ratio que celle qui a été faite en CG.

L’intégrer dans la scène est devenu plus complexe en ce qui concerne la teinte du bleu qui est plus vibrante que la maquette et l’équipe de lookdev a eu beaucoup de travail juste sur cette teinte turquoise!  La conception de DJ était plus compliquée que de l’éclairer , le seul défi que nous avions était d’éviter les réfractions et les reflets indésirables sur sa tête en plastique transparent.

Aussi au niveau du rendu, Don Juan étant principalement plastique et métal, peu de scattering shaders sont impliqués, donc en plus de tout, il était facile à rendre, et relativement petit dans le cadre la plupart du temps! Un vrai délice.  

Page suivante : suite de l’interview avec le robot Buddy 3000, la séquence du tunnel, le plan final mais aussi la gestion de la pandémie au sein du studio.

Laissez un commentaire

A Lire également