Rupert

Interview : Rupert, un court entre Urbex et VFX

Julian Dropsit : L’entièreté du personnage a été faite durant l’été 2018. Pierrick et moi faisions une réunion quotidienne chaque soir où on ajustait le design. Même avec un concept 2D bloqué on allait à tâtons pour la 3D histoire d’être sûr que Rupert puisse faire des mouvements humains.

3DVF : Peux-tu également nous parler de la partie rigging/animation ? Quelle était l’approche à ce niveau ?

Mis à part la création de Rupert que Pierrick avait en main, je devais m’occuper de tous les autres corps de métiers 3D même s’ils n’étaient pas ma spécialité ! Cela m’a beaucoup appris mais je dois avouer que le rigging et l’animation n’ont pas été de tout repos.

Le setup mécanique c’est assez simple en temps normal… quand l’ingénierie du model derrière tient la route ! On avait beau avoir fait très attention au moment du design et de la modélisation, il y a eu quelques ratés, rien de bien méchant mais c’est assez prise de tête à corriger.
Concernant l’animation c’est sûrement le corps de métier que je maitrisais le moins (pour ne pas dire “du tout” !). J’ai donc opté pour la technique la plus prudente: en faire le moins possible.

3DVF : Le projet s’est fait avec un workflow ACES (et sous 3ds Max, Resolve, Nuke). Quels ont été les avantages et inconvénients de ce choix ? Est-ce que l’équipe avait l’habitude d’utiliser une approche ACES ?

Les avantages d’ACES c’est tout d’abord la plage de couleur étendue que l’on obtient du calcul avec V-Ray jusqu’au color grading dans Resolve. Je compare souvent ACES et le bit-depth: le gamut sRGB et le gamut ACES sont à la couleur ce que le 8bit et le 16bit sont aux valeurs de noirs.
Un autre avantage c’est de pouvoir passer d’un color space à un autre sans aucune perte, pour les sorties vidéos c’était vraiment top !

Niveau inconvénient, c’était la première fois que j’utilisais ACES en production. J’ai dû tout apprendre sur le tas par moi-même en buchant le soir après le travail. Egalement, n’étant pas encore super démocratisé, certains logiciels n’étaient pas fait pour ACES et j’ai dû tantôt contourner le problème, tantôt scripter pour automatiser certaines tâches.

3DVF : Vous avez mis en place un pipeline et des outils spécifiques. Peux-tu nous en dire plus ?

J’ai scripté plusieurs petits outils dans 3Ds Max en effet.
Tout d’abord un script qui permettait de convertir toutes mes textures vers ACESCG et de faire des allers-retours entre les sources et les textures converties. Ca me servait juste à tester ACES et à comprendre son fonctionnement.

J’ai ensuite scripté un outil qui me permettait de créer une caméra dans 3ds max avec les spécificités d’une caméra réelle. Je pouvais également entrer les informations prises lors du tournage et la caméra se parametrait toute seule. J’ai d’ailleurs par la suite étendu ce script à d’autres marques de caméra, ça peut toujours servir.

J’ai aussi créé pleins de petits outils pour l’animation et le setup: remettre en pose-T son personnage, sélectionner les contrôleurs opposés, copier-coller une pose, etc. C’est un peu le b.a.-ba des outils d’animation mais si on ne les a pas, on est bien embêté !

3DVF : Comment a été gérée la foule qui applaudit le robot ?

Par souci d’optimisation du temps de production, je me suis débrouillé pour trouver une solution clé en main, rapide et efficace. Cette solution c’était Mixamo.
Mixamo est un site internet où on peut récupérer des animations pré-faites. J’ai récupéré quelques personnages sur leur site, leur ai ajouté différentes animations d’ovation, créé de la diversité dans leur vêtements en retouchant leur shader et le tour était joué ! Je crois qu’il n’y a que 5 personnages avec 3 ou 4 animations différentes pour créer l’entièreté de la foule au final.

3DVF : Enfin, pour le rendu/compositing, l’élément essentiel était évidemment d’ancrer les éléments 3D dans le réel. Comment t’y es-tu pris ?

Ca demande un peu de matériel et une préparation précise dès le tournage. Quelques accessoires ont été achetés comme le Télémètre laser ou le Color Checker, d’autres ont été créés de toutes pièces: la grey et chrome ball ou encore la grille de distorsion.
Pour chaque plan, on filmait ces derniers comme références pour la post-prod: la grey et chrome ball servent à voir l’intensité lumineuse et l’angle d’incidence des lumières. La grille de distorsion permet de dé-tordre les images pour mieux intégrer la 3D, et le Color Checker assurer une correcte balance des blancs entre les plans.
On notait également tout ce qui était possible de noter: taille des fenêtres, distance entre les objets et la caméra, hauteur/largeur/profondeur de tous les objets qui nous semblaient important, le placement des lumières, etc Chaque recoin était inspecté.
Ces données sont très précieuses quand on doit recréer à l’identique une scène réelle en 3D. Généralement sur place on trouve qu’on en note trop et on finit devant son ordinateur à se dire “mince il me manque une mesure !”.

Ajouté à ça, j’avais demandé à ce qu’on crée une HDRI en 360° pour chaque plan; ça demandait l’intervention pendant 5 minutes d’une personne avec un DSLR, un objectif très courte focale et d’un ninja [NDLR : la marque Fanotec produit la gamme Nodal Ninja, des têtes panoramiques facilitant la création de panoramas et de light probes HDRI]. L’idée était de projeter cette HDRI en 3D, mais au final ça ne m’a pas beaucoup servi.

Enfin pour les éléments qui ont une interaction avec le personnage, on les scannait avec le DSLR pour faire de la photogrammétrie. Ca a été très important, surtout pour le fauteuil sur lequel Rupert est assis.

3DVF : Quel a été le plus gros défi sur ce projet, et pourquoi ? Et quelles leçons tires-tu de cette expérience ?

Le plus gros défi a été de le finir ! Quand on est tout seul à tenir la barre et qu’il faut travailler sur son temps libre c’est pas du tout évident de trouver la motivation.

Je retire pas mal de leçons de ce projet, d’un point de vue technique mais également au niveau de l’organisation. Au fur et à mesure que la production avançait j’écrivais un document sur mes erreurs, mes doutes et les solutions trouvées. J’aime rédiger une synthèse d’un projet, ça permet de se replonger plus facilement des mois plus tard, je ne fais pas entièrement confiance à ma mémoire ! 😉

3DVF : Pour finir, quelques mots sur tes futurs projets ?

Yes ! Evidemment une fois un projet fini on a qu’une envie c’est de partir à l’assaut du prochain.
Je ne peux trop rien dire à l’heure actuelle mais disons qu’avec un ami proche nous sommes en train de monter un petit collectif d’artistes français et internationaux avec lequel on travaille sur un projet full CG. On ne peut encore rien montrer, mais si tout va bien on se donne rendez-vous en septembre 2021 !

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