Interview : Innerspace VR (A Fisherman’s Tale) nous présente son prochain jeu VR

3DVF : Le développement a évidemment fait face à la pandémie. Comment le studio s’est-il réorganisé pour poursuivre le projet dans ces conditions particulières ?

Innerspace VR : Nous avons eu beaucoup de chance dès le début de la crise sanitaire car nous venions de mettre en place, à l’occasion des importants mouvements sociaux de l’hiver 2019 en France, des procédures de télétravail efficaces. Dès le premier confinement, nous étions donc opérationnels en deux ou trois jours. Près de 70% de la production aura été faite de cette manière. Cela demande une coordination très forte des équipes, comme une capacité à faire vivre au quotidien un “esprit” entre nous, avec beaucoup de communication et beaucoup de bienveillance partagée. Et bien entendu, nous avons porté une attention particulière à l’arrivée et l’intégration des nouveaux collaborateurs, stagiaires… qui se sont succédés durant toute la production. Certains n’auront jamais vu le studio et leurs collègues physiquement. In fine, tout le monde se sera investi à 200% dans le projet, c’est notre plus belle récompense.

3DVF : Entre la durée de vie supérieure à celle de vos projets précédents (4 à 5h pour Maskmaker) et les environnements plus grands, on imagine que l’optimisation a été un défi. Est-ce la raison de l’absence de support du Quest ?
Et comment avez-vous géré l’optimisation au fil du développement ?

Dès le début, notre éditeur et nous-mêmes avons choisi de nous focaliser sur la fabrication d’un jeu qui nous restreigne le moins possible créativement. Le choix d’un monde ouvert et d’un jeu basé sur l’exploration de larges environnements nous a poussé à privilégier le développement pour PC et PSVR, cette dernière étant déjà un challenge pour ce qui concerne l’optimisation. Techniquement, nos développeurs ont conçu des procédés qui permettent de mieux diagnostiquer les performances en temps réel. Ceci nous a permis de garder un œil permanent sur cette contrainte. Quant à un portage Quest, cela reste évidemment un sujet ouvert avec notre éditeur, mais pas encore d’actualité.

3DVF : Le système de boutiques propriétaires (Steam, Oculus, Valve…) et l’avalanche de jeux VR qui sortent régulièrement rendent difficile la promotion d’un nouveau jeu. Quelle stratégie de communication avez-vous choisie pour Maskmaker ?

Malgré les apparences, nous avons plutôt le sentiment qu’il y a toujours une pénurie de contenus de qualité et surtout de contenus vraiment innovants. Nous avons l’impression que la VR n’a pas déjà soufflé ses quelques bougies que nous en sommes déjà à reproduire des recettes usées jusqu’à la corde, plutôt que de nous atteler à repousser les limites d’un médium aussi innovant. Nous pensons donc que c’est en proposant ce qu’on ne peut voir nulle part ailleurs, des expériences qui donnent réellement envie aux gens de mettre leur casque de VR sur la tête plutôt que d’être devant un simple écran, que nous pouvons nous démarquer, voire même que la VR elle-même pourra trouver sa place auprès du grand public. Nous n’allons pas faire la fine bouche et nous plaindre du développement du marché et de l’intérêt grandissant des publics, mais nous sommes conscients qu’il est essentiel à ce stade de ne pas décevoir au risque de voir retomber ce qui a été patiemment bâti.
Pour ce qui concerne Maskmaker, notre éditeur porte une campagne marketing ambitieuse pour un jeu indépendant, mais nous allons surtout cibler les réseaux et la communauté VR, et compter sur la notoriété précédemment acquise par le studio avec ses précédents projets, Fisherman en premier lieu.

3DVF : Innerspace a eu l’occasion de recevoir des soutiens variés : deux Epic MegaGrants, le programme européen MEDIA ou encore la région Ile-de-France. Quelques mots à ce sujet ? Dans un écosystème VR en pleine croissance, et en tant que studio indépendant, ces aides sont-elles indispensables pour mener à bien vos projets ?

Ces aides sont importantes, en ce qu’elles aident les projets à se faire, mais aussi l’écosystème de la création VR à se consolider. Nous ressentons évidemment, avec les frémissements de ces derniers mois liés à la sortie des Quest 1 et 2, l’intérêt grandissant de nouveaux publics pour le médium. Reste que le marché est encore en émergence et que l’équation entre la qualité attendue par les joueurs de VR et les besoins nécessaires à la production d’un projet ambitieux par un studio indépendant n’est pas simple à résoudre. Les aides permettent donc de soutenir les développeurs dans leurs ambitions, sans se substituer toutefois aux éditeurs dont l’accompagnement reste primordial et déterminant. Comme nos collègues des autres studios (Innerspace est membre du cluster French Immersive Studios), nous plaidons pour une collaboration intelligente avec les institutions et les partenaires privés qui doit profiter à tout l’écosystème.

3DVF : Quelques mots sur MWM Interactive, l’éditeur qui vous accompagne sur cette aventure ?

Avec MWMi, nous affichons une ambition commune sur l’aspect Interaction/Storytelling. Faire partager cela aux joueurs est le ciment qui nous lie dans ce projet. Nous avons compris cela dès nos premiers échanges et leur adhésion au concept de Maskmaker. A partir de là, la confiance et la compréhension mutuelles ont été les maîtres mots de la production du jeu, l’approche de MWMi étant de laisser une vraie liberté de création aux développeurs. Durant toute la production, nous avons entretenu un lien très étroit, avec beaucoup de communication (malgré les contraintes du décalage horaire !)… et de bonne humeur.

3DVF : Une dernière question. La VR poursuit son développement avec des innovations régulières : la définition d’affichage avec des casques tels que le Reverb G2 chez HP, le support du tracking des mains et doigts chez Oculus… Quelles sont vos attentes en matière de matériel, outils de développement (rappelons que vous utilisez Unreal) pour les mois et années à venir ?

En tant que développeur, l’un des grands enjeux nous semble être la hausse des performances des casques autonomes. Nous sommes particulièrement attentifs aux annonces concernant le “rendu fovéal”, l’une des grandes avancées à venir qui pourrait permettre à la VR de franchir un cap quant à la fidélité visuelle. Un autre enjeu sera le positionnement des fabricants de consoles dans les années à venir. La PS5 pourrait proposer un compromis, encore inédit pour la VR, entre puissance et accessibilité pour un plus large public.
Et enfin, le renforcement de l’immersion. Nous appelons de nos vœux la possibilité d’expériences multijoueurs permettant de se déplacer physiquement dans de larges espaces avec des casques autonomes plutôt qu’avec des backpacks encombrants. Le hand-tracking est aussi une innovation allant dans le sens de plus d’immersion, et nous le testons sur d’autres projets. Nous sommes aussi attentifs aux évolutions de l’intelligence artificielle car le renforcement de l’immersion repose aussi sur la capacité d’interagir de manière plus riche et complexe avec des personnages. L’IA a certainement un rôle à jouer pour parvenir à projeter les gens au sein d’histoires qui seront plus “vivantes”.

Pour en savoir plus

  • Le site d’Innerspace VR et la page de présentation de Maskmaker. Le jeu sera disponible au printemps sur PSVR, Valve, HTC Vive, Oculus Rift.

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