Ruben Athouel
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Interview 3DVF : ILM, Sony, Disney… rencontre avec Ruben Athouel

Artiste VFX Senior issu de l’ESMA, le Senior Lighting Artist/Look Dev /Compositor Ruben Athouel a travaillé au sein de nombreux studios, qu’il s’agisse de Disney, ILM, Digital Domain ou encore Pixomondo. Nous vous invitons à découvrir en sa compagnie son parcours, et à revenir sur quelques-uns de ses plans les plus marquants. Nous en profitons également pour aborder avec lui d’autres sujets, tels que son service de revue de portfolios/bandes démos, qu’il a rendu gratuit dans le cadre de la pandémie actuelle.

3DVF : Pour commencer, peux-tu nous décrire ta formation ?

Ma formation a commencé début 2009 afin de pouvoir, de ma passion, faire mon métier.

Je me suis donc inscrit dans une école de 3D pour découvrir l’univers des VFX. J’ai trouvé une école à Paris, et dans cette dernière tous les étudiants parlaient de l’ESMA, et nous regardions les films de fin d’année de celle-ci réalisés par les étudiants. Au vu de mes objectifs, j’ai réalisé que c’est dans cette école que je devais aller. Donc j’ai postulé à l’ESMA, mais vu le niveau de cette école, je ne pouvais rentrer qu’en effectuant une année de prépa malgré le niveau en 3D que j’avais. Mais encore là, rien n’était sûr, car je devais encore être sélectionné pour continuer.

A la fin de cette année de prépa j’ai été sélectionné.

Mes efforts et mon travail acharné m’ont permis de faire les 3 années suivantes, et à mon tour j’ai réalisé un court-métrage de fin d’année de l’Esma.

Cette expérience a été très enrichissante, car entre le stress, les rigolades, le travail acharné et les nuits courtes, nous avons réalisé le court métrage en fin d’année.

Après avoir obtenu mon diplôme, mon premier objectif avait abouti. Maintenant mon second objectif était de travailler chez les plus grands studios. Sachant que pour y arriver il faudrait de la persévérance, de la motivation et ceci sans relâche, y étant habitué de par mon cursus à l Esma je savais que je pourrais y arriver.

3DVF : Après avoir travaillé en France, tu décides donc d’aller à l’étranger : pourquoi cette décision ?

Car les plus gros studios sont localisés à l’étranger. Très rapidement, je suis parti pour Montréal, où j’ai pu intégrer les équipes de MPC en tant que lighting artist, et où j’allais enfin pouvoir mettre en application tous ce que j’avais appris.

3DVF : Tu t’es ainsi rapidement tourné vers le lighting/lookdev/compositing. Pourquoi cette orientation plutôt qu’une autre spécialité ?

Je me suis tourné vers ces départements car j’aime le côté magique et artistique, car nous récupérons les différents éléments de tous les autres départements, pour les assembler et les finaliser, tout en rajoutant notre créativité afin de sublimer l’image finale.

Au vu de mon travail des opportunités se sont ouvertes à moi au sein de MPC en tant que lighting/lookdev artist.

Ma soif d’apprendre étant toujours aussi grande, je me suis renseigné sur les différents départements et afin de cibler mes objectifs de progression. En tant que lighting/lookdev artist je devais sortir de ma zone de confort et c’est la raison qui m a poussé à faire une demande de changement de département au sein de MPC en compositing. Au vu de mon travail, et de ma motivation ils ont accepté ma demande et m’ont promu officiellement au poste de compositing et stereoscopy artist.

Durant cette expérience Digital Domain Vancouver m’a contacté pour rejoindre leurs équipes, donc à la fin de mon contrat chez MPC, j’ai décidé de ne pas renouveler mon contrat chez eux afin de rejoindre les équipes de Digital Domain Vancouver. Même si mon évolution chez MPC m’avait satisfaite, je restais toujours dans le même esprit d’évolution et c’est pour cette raison que j’ai accepté le poste.

J’ai eu l’opportunité de collaborer avec des personnes extraordinaires chez Digital Domain. Malgré cela j’ai hésité à renouveler mon contrat car une nouvelle opportunité s’est présentée à moi chez Sony ImageWorks en tant que lighting/compositing artist. Offre que j’ai acceptée.

N’étant pas totalement satisfait de cette expérience chez Sony, j’ai décidé de postuler chez ILM.

Ayant décroché un poste en tant que Senior lighting artist chez ILM, après mon entretien, j’ai décidé de quitter Sony. Au cours de mon expérience chez ILM la vie à Vancouver me convenait de moins en moins, le soleil me manquait. Ayant l’habitude de me surpasser et d’avoir de nouveau challenges quand mon but était atteint, et au vu de mon expérience au Canada grâce aux différents contrats dans les plus gros studios, je me suis senti prêt à faire le grand saut, et j’ai tenté de rejoindre un studio de VFX en Californie.

En arrivant à Los Angeles, la dure réalité est apparue.

Le processus pour l’obtention le visa était extrêmement long et compliqué. Malgré toutes ces complications engendrant de grands doutes, et de grandes complications, je n’ai jamais abandonné, car l’échec n’était pas une option au stade ou je me trouvais.

Grâce à de nombreux et précieux contacts j’ai réussi à obtenir les papiers qui me donnaient la possibilité de travailler sur la totalité du territoire Américain.

3DVF : Au final, quel bilan tires-tu de tes diverses expériences de demandes de Visa ?

J’ai eu la chance de rencontrer des avocats extraordinaires qui sont devenus par la suite des amis. L’obtention des visas n’est pas simple, mais avec les bons contacts et de la persévérance on peut y arriver. Aucune erreur ne peut être glissée dans le dossier car cela ralentirait l’obtention du visa, nous vivons dans un stress permanent. L’option la moins stressante est d’obtenir un visa via un studio, cependant vous serez bloqué avec ce dernier. Au vu de mes objectifs je ne pouvais pas adhérer à cette option.

3DVF : Comment s’est poursuivie ta carrière après ce fameux visa américain ?

Peu de temps après cette autorisation, je suis rentré chez Pixomondo en tant que Senior Generalist Artist. Je m’occupais du modelling, texturing, lookdev, lighting et parfois de l’animation.

Les contrats aux États-Unis sont extrêmement courts, entre 1 mois et 4 mois en général. De ce fait, je devais assurer mes arrières, je me suis donc vu constamment à la recherche de nouveaux projets.

Ayant postulé chez Disney après avoir vu qu’ils proposaient un poste en tant que lighting\compositing artist, j’ai dû suivre un long processus de sélection qui a abouti à l’obtention du poste.

Aujourd’hui j’ai établi ma vie à Los Angeles, et je reste ouvert à trouver des nouveaux challenges.

Page suivante : suite de l’interview avec notamment retour sur La Reine des neiges II, Thor : Ragnarok, Les Schtroumpfs et le village perdu, Covid-19, review de portfolios.

3DVF : Revenons sur certains de tes projets. Pour La Reine des Neiges 2, tu as notamment travaillé sur une séquence avec les deux fillettes jouant dans la neige, dans leur chambre, mais aussi sur la course-poursuite entre Anna et les gigantesques esprits de la terre. Comment as-tu approché ces deux séquences, d’un point de vue artistique ?

L’émotion que l’on veut transmettre au public passe par le lighting et le compositing.

C’est la raison pour laquelle les choix de lumière et de composition sont extrêmement importants et doivent servir à l’histoire.

Pour la séquence des deux fillettes jouant dans la neige, j’ai créé tout un light rig special pour la transformation de la neige en jouet, il m’a fallu beaucoup références et d’imagination pour essayer de reproduire au maximum un effet réaliste entre l’interaction de sa magie et les élément qui l’entourent. Il a fallu également beaucoup travailler en compositing pour ajouter un maximum de détails lors des transition glace et neige pour vraiment donner un aspect magique et féerique.
Pour la séquence de la course poursuite dans la forêt ils nous a fallu beaucoup de patience car les scènes sont très compliquées d’un point de vue lighting et compositing à cause du nombre important d’éléments à gérer dans la scène et les arbres rendaient le lighting assez compliqué et sombre. Mais grâce à beaucoup de travail nous avons pu rendre cette séquence vraiment intense et sentir le danger venant des esprits de la terre.

Grâce à la collaboration entre artistes, nous essayons de retranscrire un maximum d’émotions dans nos lighting et compositions finales.

3DVF : Pour Thor : Ragnarok, tu as géré le fameux plan de l’apparition de Hulk dans l’arène. Quelques mots à ce sujet ?

J’ai été très heureux d’avoir travailler ce fameux plan de l’apparition de Hulkdans l’arène, j’ai saisi cette opportunité en travaillant très dur sur ce shot, car je savais qu’il y avait une grande attente puisque c’était le premier plan où on allait voir Hulk apparaître et le gros plan du trailer.

J’ai crée entièrement le light rig car il nous fallait un lighting spectaculaire pour l’entrée de Hulk, sentir la dangerosité et la férocité de Hulk, on a énormément travaillé sur l’intérieur du couloir pour savoir quel lighting serait le plus adapté. Puis lorsqu’il se trouve dans l’arène, on voulait un éclairage comme dans les stades mais aussi garder beaucoup de volume pour admirer tous les mouvements des ses muscles parfaitement.

J’ai passé beaucoup de temps sur ce shot pour trouver le meilleur moyen de mettre Hulk en avant et vraiment faire ressortir tout cette agressivité.

3DVF : Enfin, pour Les schtroumpfs et le village perdu, une de tes séquences est très particulière puisqu’on y trouve des lapins fluorescents, qui émettent leur propre lumière. A-t-il été difficile de trouver le bon lighting / compositing ?

Oui, cela a été extrêmement difficile car le tunnel était grandeur nature donc le système de lighting a été extrêmement complexe à mettre en place. Cela a été une des plus grosses scènes de lighting en terme de light sur laquelle j’ai dû travailler tout au long de mon expérience professionnelle.

Chaque lapin avait son propre système de lighting, plus toutes les lights qui se trouvaient dans le tunnel, il nous a fallu beaucoup de patience et beaucoup d’heures de rendu pour avoir un résultat dynamique.

Mais c’est vrai que de faire du lighting et compositing dans un tunnel grandeur nature n’a pas été tres facile, surtout lorsque l’on a dû faire le compositing stéréoscopique, car nous devions travailler doublement (oeil gauche et oeil droit). Donc toute les roto, etc sont doubles, pour créer cette illusion de profondeur lorsque que le public le verra en 3D.

3DVF : L’actualité, c’est évidemment la crise du COVID-19. Comment est-elle gérée chez les studios d’animation Disney (si tu peux en parler) ? A titre personnel, comment vis-tu cette période ?

Je ne suis pas autorisé à parler des studios Disney, mais ce que je peux dire, c’est que l’on fait du télé-travail avec une logistique mise en place très rapidement. Malheureusement beaucoup d’artistes ont perdu leur emploi, ce qui m’attriste, force à eux. En cette période très difficile, il est très important de garder une vie saine et d’entreprendre de nouveaux challenges pour garder des objectifs, et avancer dans cette période si particulière en raison du confinement.

3DVF : En raison de cette crise, tu proposes tes services de review/consulting de portfolios gratuitement aux jeunes artistes. Qu’est-ce qui t’a poussé à le faire ? As-tu eu beaucoup de demandes ? D’une manière générale, que conseilles-tu aux jeunes qui sortent actuellement d’école et ont des difficultés à trouver un poste du fait de la situation actuelle ?

Cette crise du covid-19 m’a poussé à faire ces consultings et reviews, que je fais depuis longtemps, de manière gratuite car en ces temps difficiles, il faut se montrer solidaire et aider les gens.

Avant cette période, j’avais beaucoup de demandes, mais depuis la gratuité, le compteur a explosé.

Comme je dis en général, pour les personnes qui rencontrent des difficultés pour trouver un emploi, c’est juste une question de timing et non pas une question de compétences dans la majorité des cas. Si c’est juste une question de timing je les aide beaucoup pour réussir un entretien, et si c’est leur niveau qui est en cause, je leur propose des cours et des exercices pour enrichir leur demoreel afin qu’ils augmentent leurs chances de trouver un emploi.

3DVF : Peux-tu nous donner un exemple de conseil récurrent donné lors de tes reviews ? Une erreur courante chez les jeunes artistes ?

Principalement le manque de projet personnel, car la plupart des portfolios sont composés des exercices faits à l’école ou des shots venant de leur stage en entreprise.

3DVF : Si ce n’est pas indiscret, pourrais-tu nous donner une idée du salaire pour un artiste ayant ton type de profil ?

Malheureusement, je ne peux divulguer cette information car nous signons des contrat de confidentialité à ce niveau-là, par contre je peux vous dire que le salaire atteint est un salaire à 6 chiffres minimum.

3DVF : Enfin, toujours dans les nouvelles récentes, en termes d’éclairage et compositing, la série The Mandalorian semble prometteuse. Que penses-tu de cette technique des murs de leds, et de son impact potentiel pour ton métier si elle devait se généraliser ?

A mon avis, cette idée est révolutionnaire car elle permet d’intégrer les acteurs au mieux dans les shots CG. J’ai été extrêmement surpris de voir une qualité si haute pour de la série télé. J’espère vraiment que ces techniques seront généralisées dans notre profession pour que l’on puisse avoir des intégrations plus réalistes. D’ailleurs pour la petite histoire, j’ai dû prendre la décision la plus compliquée de ma carrière, car j’avais la possibilité de travailler sur The Mandalorian en tant que Lead Lighting/Lookdev, mais j’ai recu en meme temps une offre de Disney pour intégrer leur Studios, donc le choix a été compliqué car je suis un grand fan de star wars, mais bon vous connaissez la suite…

Pour en savoir plus

  • le site de Ruben Athouel (sur lequel vous pourrez retrouver son service de review/consulting de portfolios) ;
  • ses profils IMDB, LinkedIn.

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