Benjamin Venancie, Lead Lighter chez DreamWorks

Benjamin Venancie

3DVF : Tu as aussi travaillé sur des plans liés à l’arrestation de Puss, au cours desquels on le voit en gros plan : inventaire de ce que puss a sur lui avec Puss en contre-plongée avec les hallebardes des gardes subtilement soulignées ; Puss dans sa cellule, avec une atmosphère sombre…
Quelle était l’intention lors de l’éclairage, et comment l’as-tu mise en pratique ?

Benjamin Venancie : L’intention était ici de montrer le désarroi de Puss. Dans l’histoire, il vient d’être trahi et dupé par ses amis et se retrouve seul en prison pour un vol dont il n’est pas l’auteur.

L’ambiance de la prison devait refléter cet état d’esprit avec une très faible lumière ambiante et une lumière froide venant de la lune. La lumière des torches directement en opposition venait créer une ambiance plus théâtrale. Il faut noter que toutes les sources de lumière se trouvent hors champ afin de préserver le côté oppressant de l’endroit. Ensuite, afin d’accentuer le côté dramatique, nous avons mis en place tout un jeu d’ombres volontairement exagérées, comme les ombres des barreaux et les silhouettes gigantesques des gardes au moment où Puss est jeté dans la cellule.

 

Puss - Arrestation

 

3DVF : Sur Madagascar 3, tu as travaillé sur la fin du film. Les animaux sont réunis sous le chapiteau avec une ambiance lumineuse très particulière, et un bokeh très prononcé. Pourquoi ce parti-pris ?

B.V. : C’était une demande de la production designer Kendale Cronkhite. La scène faisant suite au premier succès du nouveau cirque, il nous a été demandé de créer une ambiance à la fois festive et intimiste (du fait des liens qui se créent entre le personnage d’Alex et celui de Gia). Les arts keys qui nous avaient été fournies contenaient déjà une idée de bokeh assez prononcé.

Madagascar 3

3DVF : Comment a été réalisé cet effet de bokeh ? Quel contrôle avais-tu dessus ?

B.V. : Pour des raisons de contrôle et de direction artistique, les bokehs ne pouvaient pas être créés directement de façon traditionnelle par la profondeur de champ (le moteur de rendu de DreamWorks ne permet pas d’utiliser des maps de bokeh). L’effet a donc été essentiellement réalisé en compositing. J’ai d’abord rendu le décor avec une texture de points afin de créer une source pour les bokehs, un autre layer avec un noise animé et un autre layer de profondeur en rgb pour pouvoir sélectionner des tranches de décors. Tout le reste s’est ensuite déroulé dans Nuke. La passe de rendu était mixée aux layers de points et de noise animé afin de créer des points de couleurs suffisamment brillants. Le bokeh a ensuite été créé grâce à un nœud convolve qui me permettait d’utiliser une map pour blurer l’image. Le nœud de convolve ne prenant pas en compte la profondeur pour modifier l’image, je me suis servi de la passe de profondeur en rgb pour appliquer différents paramètres de taille de blur sur l’image.

Cette solution était au final très souple et rapide d’utilisation, si bien qu’elle a été réutilisée dans d’autres séquences du film comme la séquence finale de l’attaque du zoo.

3DVF : Plus largement, quelle a été ton approche pour éclairer ces plans et donner cet aspect presque intimiste lors des discussions entre personnages ?

B.V. : Les personnages se retrouvaient assez naturellement isolés du décor grâce à la profondeur de champ. Ils étaient principalement éclairés par une key light chaude et très douce qui devait simuler les guirlandes suspendues à la tente du cirque. Alex et Gia avaient tendance à se fondre facilement dans le décor, la teinte de leur fourrure étant très proche de celle des caisses de bois, de la paille et du sol en terre. Une rim light colorée et assez graphique est venue souligner leur silhouette pour contourner ce problème. Ensuite, le décor a été légèrement sous-exposé et vignetté afin de diriger l’œil du spectateur vers les personnages.

Madagascar 3

3DVF : Le film a été en partie réalisé par l’équipe indienne de DreamWorks. Quelles étaient tes relations avec eux ? Travailliez-vous ensemble ?

B.V. : Je n’ai pas eu de contacts particuliers avec l’équipe indienne du film. Les artistes indiens travaillaient sur des séquences bien spécifiques du film, ce qui n’a pas créé de besoins particuliers de contact.

3DVF : Comment vois-tu l’évolution de ta carrière ? Souhaites-tu par exemple persévérer en tant que lead lighter ?

B.V. : Lead lighter est un poste vraiment très intéressant. Je trouve qu’il y a un bon ratio entre travail artistique, responsabilités et management. C’est un poste qui me convient parfaitement pour l’instant, mais je reste bien évidemment ouvert aux possibilités d’évolution qui se présenteraient.

Madagascar 3

3DVF : Quels artistes t’ont le plus influencé ?

B.V. : Question difficile : il n’y a pas vraiment d’artistes en particulier mais plutôt une multitude de sources différentes. Depuis plusieurs années, je visionne littéralement des tonnes d’images chaque jour. Photos, vidéos, peintures, sculptures, 3d… j’essaie de multiplier le plus possible les sources d’influences. Ce qui me vient à l’esprit :
Cinéma : Stanley Kubrick (Barry Lyndon), Le Troisième Homme, Baraka, The Fall, In The Mood For Love, La Jeune Fille à La Perle, Tekkon Kinkreet (et tout ce qui sort de 4C), Totoro (et tout Ghibli en général)…
Peinture : Vermeer, Rembrandt, Joseph Wright of Derby, Norman Rockwell, Edward Hopper.
Sculpture : Ron Mueck, Bernini, Bruno Walpoth, Maskull Lasserre.
Photo : Henri Cartier-Bresson, Steve McCurry, Ansel Adams.

3DVF : En tant que lighter, comment vois-tu l’avenir du métier ?
Et qu’attends-tu sur le plan technologique ?

B.V. : Sur le plan technologique, plus il y aura d’interactivité, mieux ce sera. Peut-être finira-t-on par ne plus être contraint par le côté technique du métier et que l’on pourra ainsi se recentrer sur l’essentiel, l’image.

Pour en savoir plus

– Le site de Benjamin Venancie ;
– Sa page LinkedIn ;
DreamWorks Animation.

 

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