Benjamin Venancie, Lead Lighter chez DreamWorks

Benjamin Venancie

3DVF : Tu as également travaillé sur des plans impliquant Tracassin (Rumpelstiltskin en VO) : un premier plan dans son palais, avec un éclairage venant de l’arrière qui met en avant sa perruque flamboyante, et un second lors de la destruction du palais, avec une approche surréelle et fantastique. Comment as-tu créé ces deux atmosphères ?

Benjamin Venancie : Pour le premier plan, il fallait rendre le personnage assez maléfique. Pour cela, j’ai accentué la lumière venant du sol avec plusieurs lumières de type area light. Pour la perruque, je me rappelle avoir cinq ou six rim lights différentes pour pouvoir créer une rim presque constante sur toute la chevelure.

Pour mettre Tracassin plus en valeur, l’alcôve derrière le personnage a été décontrastée et désaturée et une couche d’atmosphère a été ajoutée. Ensuite, il y a eu quelques petites « tricheries » au niveau de l’éclairage : la partie haute de l’alcôve, par exemple, a été volontairement maintenue sombre malgré la présence du lustre.
Sur Tracassin, une partie des lumières suivent la caméra afin d’éviter de perdre les rims sur ses vêtements et d’obtenir un éclairage trop fort sur sa mâchoire. Enfin, de larges dégradés viennent atténuer les bords de l’image afin de diriger le regard du spectateur sur Tracassin.

 

Tracassin

Tracassin - palais


Pour le second plan, la difficulté venait de la transition entre le vrai palais et l’effet de papier déchiré. Le volume déchiré était essentiellement une coquille vide qui reprenait vaguement la forme du palais. Cela posait pas mal de problèmes au niveau des ombres. La solution a consisté à calculer une première fois le plan avec le vrai palais, puis à projeter ce rendu sur la géométrie fournie par les fx. La transition entre les deux a ensuite été recréée en compositing. Du coup, il fallait s’assurer que les propriétés des matériaux comme l’or étaient reportées entre les deux versions du modèle. L’éclairage global du décor est volontairement doux et ambiant.


Plusieurs tests avaient été effectués avec une lumière plus directionnelle basée sur les deux « soleils » présents dans le nuage de poussière, mais cela rendait le plan beaucoup trop complexe à regarder. De cette solution, je n’ai gardé que les lumières volumétriques qui permettaient d’ajouter un peu plus de dynamisme. J’ai eu pas mal de chance pour la fin du plan et le fondu au noir. La géométrie des fx se resserrait déjà autour du personnage et créait un effet oppressant intéressant. Il m’a suffi d’animer quelques lumières pointées sur son visage sur une ou deux frames afin que l’on puisse lire son expression jusqu’à ce qu’il disparaisse dans le noir.

Chat Potté

3DVF : Passons au Chat Potté (Puss in Boots en VO). Tu es ici passé de Lighting Artist à Lead Lighter ; comment s’est déroulée cette promotion ? Peux-tu nous parler des nouvelles responsabilités que cela impliquait pour toi, avec la gestion d’une équipe ?

B.V. : Cette promotion s’est déroulée plutôt naturellement du fait qu’on m’avait déjà confié des tâches de setup sur plusieurs films (Shrek 4, Megamind et Kung Fu Panda 2). L’occasion s’est présentée à la fin de mon premier contrat de trois ans : Puss in Boots était en pleine production et il y avait une place de lead disponible. Comparé au poste de lighter, le lead est directement responsable du look de la séquence, c’est lui qui doit créer un rig adapté aux art keys fournies par le département artistique.

Il doit aussi résoudre les problèmes techniques spécifiques à la séquence avant que les lighters ne commencent leur travail. Cela peut aller de l’intégration d’effets (la destruction d’un décor entier avec des effets de magie, par exemple) au développement du look d’un personnage (l’oie de Puss in Boots). Ensuite, une fois que les lighters ont commencé à travailler, le lead doit être présent pour répondre à leurs questions sur l’utilisation du rig, la direction artistique et la multitude de problèmes techniques susceptibles de se présenter. Ces tâches sont le plus souvent partagées avec le superviseur, mais cela peut varier énormément d’un projet à l’autre. Le poste de lead n’a pas vraiment été une nouveauté pour moi étant donné que j’avais déjà occupé des postes équivalents à Buf. C’est donc avec un plaisir certain que j’ai abordé mes nouvelles responsabilités.

 

Chat Potté

 

3DVF : Quel était le programme d’une semaine type ?

B.V. : Nous avons généralement un meeting le matin avec le superviseur et/ou l’équipe. On y discute des objectifs de la journée et on décide de ce qui pourra être montré en dailies au vfx sup et au production designer. Les dailies ont généralement lieu en fin de matinée ou en début d’après-midi.  Pour le reste, cela varie selon que l’on fait du setup de séquence ou que l’on a déjà une équipe de lighters qui travaille dessus. Il y a aussi des meetings réguliers entre leads pour se tenir à jour sur les nouveaux outils qui sont développés ou pour voir comment les rigs varient d’un show à l’autre.

3DVF : La scène dans laquelle l’Oie se retrouve dans le village est épique, mais l’éclairage chaud la rend impressionnante sans terrifier. Comment as-tu éclairé la scène, et en particulier géré l’éclairage de l’Oie et son plumage ?

B.V. : L’oie était un personnage assez complexe à éclairer, notamment du fait de sa taille, mais surtout parce que son plumage était créé à partir de différents types d’objets. La tête et une partie du cou, par exemple, étaient essentiellement constitués de fur, le reste du corps était composé de plumes, enfin le bout des ailes comportait des plumes spéciales s’apparentant à de l’or.

Les trois types d’objets réagissaient à la lumière de façons assez différentes et le rig s’adaptait difficilement d’un plan à l’autre, en particulier du fait de la diversité de caméras dans cette séquence. Du coup, j’ai dû faire une passe de réglage spécifique pour chaque plan avant de le confier au lighter. Le rig de l’oie pouvait être complètement différent d’un plan à l’autre. Au final, ça a permis de maintenir une certaine cohérence dans le rendu de l’oie.

Les plumes étant par nature assez translucides, il fallait éviter de se retrouver avec des zones d’ombres trop importantes et bien définies. Le plumage était par ailleurs recouvert d’une petite couche de paillettes en or créée grâce à des lampes éclairant seulement le spéculaire.

Enfin, nous avons opté pour un éclairage plus doux afin de rendre le personnage moins terrifiant. Il s’agissait en effet de mettre en avant le côté maternel par opposition à la taille gigantesque de l’oie, qui ferait plus penser à Godzilla.

Oie
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