Sorti il y a un an en France, Kung-Fu Panda 2 avait été un franc succès pour Dreamworks Animation, avec plus de 660 millions de dollars au box-office pour un budget de 150 millions. |
Nous reviendrons avec lui sur les plans qu’il a réalisés, mais aussi sur ses méthodes de travail et son parcours professionnel. Nous tenons au passage à remercier Dreamworks Animation, qui a accepté pour cette interview de dévoiler quelques images montrant les coulisses des plans réalisés par Lucas Janin. |
Ci-dessous, une vidéo regroupant les différents plans évoqués dans l’interview, ainsi que des images montrant les étapes de réalisation :
– Au début de la vidéo, la scène de destruction du navire ;
– à 0:34, le début du plan de destruction externe ;
– à 0:38, la destruction vue de l’intérieur du bâtiment ;
– à 0:44, la découpe de légumes ;
– à 0:47, la vue panoramique dans les nuages.
La destruction du navire est évoquée page 1 de cette interview, les autres plans page 2.
3DVF : Bonjour Lucas, pourrais-tu pour commencer te présenter et nous indiquer ton parcours ? Lucas Janin : Je suis chez Dreamworks depuis un peu plus de 5 ans, d’ailleurs j’ai récemment reçu le cadeau donné à tous les employés en poste depuis 5 ans : une petite horloge ! Ma spécialité ce sont les effets spéciaux, j’ai travaillé sur Kung-Fu Panda 1, Shrek 4, Kung-Fu panda 2 et Puss in Boots. |
3DVF : Comment s’est passé le recrutement ? L.J. : Avant mon entrée à Dreamworks je travaillais à Montréal, et je voyais le studio dans lequel j’étais commencer à battre de l’aile : chaque nouveau projet servait à payer le précédent. J’ai fait ma démoreel et je l’ai envoyé aux huit plus grands studios : Pixar, Dreamworks, Digital Domain, Weta, Sony, ILM… |
Ci-dessus, dernière démoreel de Lucas Janin.
Breakdown de la démoreel : Puss In Boots Kung Fu Panda 2 |
Shrek 4 Kung Fu Panda Holidays Special Monsters Vs Pumpkins Kung Fu Panda |
3DVF : Revenons sur Kung-Fu Panda 2 : combien de temps as-tu passé sur le projet ? L.J. : Au total je pense avoir travaillé un an et demi sur le film. J’ai commencé assez tôt sur la production, en commençant par de petits effets (ceux présents à la fin de la vidéo) : des fougères qui bougeaient, de la bave, de la découpe de légumes. Des plans assez simples visuellement, mais qui m’ont permis de faire la transition de Maya vers Houdini. 3DVF : Comment se passe la répartition du travail et des plans au sein de l’équipe ? Avez-vous la possibilité de choisir vos travaux, ou bien est-ce que le superviseur décide ? L.J. : Un peu des deux ! Évidemment le Head of FX décide, mais quand on a de l’expérience et qu’on est senior on peut choisir en partie, en indiquant le type de plans que l’on souhaite faire. |
3DVF : Quels étaient tes liens avec le reste de l’équipe ? Est-ce que tu travaillais en solo, ou bien est-ce que vous échangiez beaucoup entre vous ? L.J. : On échange toujours régulièrement, ne serait-ce que parce que notre pipeline est assez compliqué et il y a constamment des évolutions. 3DVF : Est-ce qu’il t’est arrivé d’avoir des échanges avec la réalisatrice ? L.J. : La réalisatrice intervenait surtout lors de la finalisation d’un plan pour valider les choses, voire en milieu de réalisation pour les très gros plans. Mais généralement elle a fait confiance au le VFX Sup. et au directeur artistique, ainsi qu’au reste de son équipe. Par contre, je travaille actuellement sur un effet assez important – dont je ne peux pas encore parler – sur Dragons 2, et j’ai des contacts réguliers avec le réalisateur pour qu’il me montre ce qu’il veut. |
3DVF : Revenons sur la fameuse scène du bateau qui explose. 3DVF : Le fait que la scène se passe la nuit fait que l’explosion est la source de lumière principale de la scène. As-tu travaillé avec l’équipe de lighting ? L.J. : J’ai créé des lights (une vingtaine) pour mes effets, je leur ai donc transmis ces informations. Au final je me suis contenté d’éclairer mes particules et poussières, ce sont tout de même eux qui ont géré le lighting de la géométrie. |
3DVF : La scène étant importante, on peut penser que tu avais beaucoup d’éléments issus de la préproduction pour te guider. Quels matériaux avais-tu en main ? As-tu eu une certaine liberté ? L.J. : En fait c’est un plan très atypique et exceptionnel à ce niveau-là : j’avais seulement trois images d’un storyboard, le bateau se cassait en deux sur la dernière caméra. J’ai donc fait l’animation, et j’ai spontanément fait quatre caméras en plus pour mieux visualiser le résultat. Le Production Designer (qui est donc la personne la plus haut placée dans le projet sur le plan artistique) a adoré et a voulu les conserver en ajustant un peu leur position. L’animatique avec les angles supplémentaires a été montrée à l’éditorial, qui a redéfini le découpage avec l’explosion qui se répète. Les bateaux sur les côtés n’étaient pas non plus prévus au début, on avait même parlé de les enlever, mais je me suis battu pour les conserver et donner un peu de « grandeur » au plan. Au final je suis très heureux d’avoir eu autant d’influence ! |
Ci-dessus : les quatre points de vue de l’explosion.
3DVF : Concernant les effets en eux-mêmes, avec le tourbillon qui arrive sur le canon puis les étincelles qui sont projetées, as-tu eu des consignes ? L.J. : Le système du tourbillon de particules avant l’impact a en fait été développé par une autre personne, j’ai simplement appliqué la recette ! Pour les étincelles j’ai eu une certaine liberté étant donné le côté assez particulier du plan. 3DVF : Quelle technique as-tu utilisée pour mettre en pièces le bateau ? L.J. : Une méthode procédurale, Voronoi, cela permet d’avoir des morceaux de tailles assez variées. Il suffit ensuite de rajouter un peu de noise. Il faut savoir aussi que le bateau était en partie pré-cassé pour contrôler l’aspect global. 3DVF : Le fait d’avoir plusieurs vues de la même explosion a-t-il eu un impact technique ? L.J. : Généralement à Dreamworks chaque plan est séparé : on se débrouille parfois pour récupérer les données de simulation d’un plan à l’autre, mais la règle reste de séparer les choses. |
D’ailleurs l’équipe a bien respecté ce « contrat », en ne demandant pas de modification sur un plan comme l’ajout de quelques étincelles qui se seraient répercutées ailleurs. Si j’ai poussé cette méthode, c’est aussi pour que d’autres départements se mettent à l’utiliser, je pense en particulier à l’animation, à la gestion des foules. Avec le système que l’on a mis en place, on peut se passer du plan par plan. Évidemment ça nécessite de changer certaines habitudes, puisqu’il y a beaucoup de triche en animation, avec par exemple les objets ou personnages qui ne sont pas au même endroit selon la caméra. La continuité est « élastique » ! 3DVF : Si tu avais eu plus de temps pour travailler sur le plan, aurais-tu rajouté des effets, fait certains changements ? L.J. : Je pense qu’au final on ne voit pas assez la partie sous-marine de la scène, mais c’est au niveau du lighting/rendu que tout ça a été géré. Par contre j’aurais bien voulu avoir plus de débris, de morceaux de planches, des petits débris auraient amélioré l’échelle du plan. |