Les fantômes du Père Lachaise

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3DVF : Comment avez-vous géré les problèmes rencontrés avec Renderman ? 100 % en interne ? Est-ce que Progiss (partenaire de 3DVF et revendeur en France de Renderman) vous a épaulé ?

– J.-C. K. : Progiss nous a effectivement aidé un peu à débugger, mais l’aide extérieure reste forcément limitée puisque la plupart des problèmes étaient liés à notre environnement spécifique, des lignes de commande spécifiques, etc.
Mais pour les éventuels ennuis vraiment spécifiques à Renderman, on a effectivement été aidés par Progiss, ainsi que par le forum des utilisateurs Renderman, qui est très utile

3DVF : À vous entendre, on pourrait presque avoir peur… Est-ce que le passage sous Renderman en a tout de même valu la peine, au vu du résultat ? Pensez-vous l’utiliser sur d’autres productions ?

– J.-C. K. : Si si ! [rires] Plus je l’utilise, plus j’y prends goût. Je pense qu’il est parfait pour du long ou court-métrage, peut-être pour de la pub en full 3D, mais sans doute moins pour de la pub plus classique.

En fait Renderman demande de la préparation, ce qui peut poser problème pour la pub, puisqu’on manque toujours de temps.

Le but serait d’avoir deux moteurs de rendu en permanence au studio : un raytracer type Mental Ray ou VRay, et un moteur de type Renderman. Pour tout ce qui est poil, displacement, motion blur, ça reste la référence. Et ce genre d’atout est indispensable sur bien des productions, avoir ces deux types de moteurs est donc indispensable.

Vient ensuite la question du coût, qui limite évidemment les ambitions ; on pourrait envisager une dizaine de machines sous Renderman, le reste sous raytracer, et utiliser Renderman selon les productions. Je pense que plus on l’utilisera, plus on achètera des licences supplémentaires.

 

Aperçus d’éléments du décor texturés (version HD disponible).

 

Planch-text

Ci-dessous, test d’animation sur le personnage de Lucy.

 

 

3DVF : Ce qui veut donc dire que même si le long-métrage ne devait pas se faire, Chez Eddy resterait sous Renderman ?

– J.-C. K. : Clairement ce serait mon souhait, j’ai envie d’avoir une base Renderman permanente dans le studio. D’autant plus qu’on a dépensé beaucoup d’énergie sur la production, il serait idiot d’en rester là.

3DVF :Pixar s’est impliqué sur le projet de façon assez spécifique…

– J.-C. K. : Oui, ils nous ont en fait prêté les licences, c’était indispensable pour nous et ça a été très bénéfique : on a pu vraiment comprendre les différentes licences, et on saura exactement quoi acheter quand on en aura besoin.

3DVF : Comment se sont passées les choses pour les personnes ayant directement eu affaire au moteur sur la production ?

– J.-C. K. : Trois personnes ont réellement eu affaire au moteur : un programmeur, moi (pour le moment je gère le rendu, j’aurais du renfort en fin de production) et un artiste FX (pour du hair, par exemple). On est très enthousiastes, l’aura du moteur est une grosse motivation.
On savait que le projet allait bien fonctionner sous Renderman : pas de gros besoins en réflexions/réfractions donc pas de gros besoins en raytracing, par exemple. On avait de gros besoins en géométrie : arbres par exemple, le sol utilise beaucoup de displacement, les cheveux et le motion blur pour la petite fille sont très bien gérés par Renderman. Finalement on exploite tous les points forts du moteur, et ça se voit !

 

Chopin

 

Chopin

 

3DVF : Votre rôle personnel ne s’est pas limité au rendu ; qu’avez-vous fait d’autre sur le projet ?

– J.-C. K. : J’ai géré la supervision générale 3D depuis le layout ; depuis que le projet a commencé, je regarde ce que fait chaque personne dans chaque département, Steven (coordinateur de production, NDLR) gère le planning, je m’intéresse plutôt au côté technique et artistique.
C’est d’ailleurs important d’être présent dès la pré-production pour anticiper les problèmes qu’il pourra y avoir au rendu…

3DVF : Pour, peut-être, freiner les ambitions des réalisateurs ? Ou proposer des alternatives ?

– J.-C. K. :En l’occurrence non, on n’a pas eu trop de problèmes avec le duo de réalisateurs, et c’est même plutôt l’inverse : on voulait pousser le moteur à fond, on a tendance à se rajouter de la complexité. Par exemple, les arbres devaient être en matte painting et on s’est dit que puisqu’on était sous Renderman, autant tout faire en 3D, le moteur n’ayant aucun problème pour avaler la géométrie. De même, pour le modeling des personnages, on n’a pas hésité à utiliser  ZBrush ou Mudbox et sortir quelques maps de displacement.

On voulait vraiment en profiter et faire en sorte que l’utilisation de Renderman soit visible.

Mais en même temps, il faut évidemment tenir compte du budget, comptabiliser les besoins en animation, cloth ou encore hair dès la pré-production, pour bien rester dans les limites de temps et argent. Il faut éviter d’être trop optimiste sur ce que l’on pourra faire dans les temps, et savoir se maîtriser.

Sachant aussi que les choix artistiques et techniques peuvent se rejoindre : la petite fille devait initialement avoir un pull très ample, avec des manches bien trop longues, ce qui aurait demandé plus de travail en cloth. Mais il y a aussi eu des doutes sur le plan artistique, le résultat aurait pu ne pas être très joli, avec un côté pantin.

D’ailleurs c’est une très bonne chose de pouvoir être impliqué dès le départ pour prévoir ces choses-là et optimiser le projet.

 

Ci-dessous, test de cloth sans puis avec le décor.

 

 

 

 

Oscar Wilde

 

Lucy

 

 

3DVF : Est-ce qu’il y a eu des problèmes techniques spécifiques en dehors de ceux précédemment cités ?

– J.-C. K. :Par vraiment, enfin il y a tout de même eu un gros travail pour le passage du layout au rendu ; comme le layout évolue tout le temps, il faut en tenir compte. Habituellement on travaille avec un outil maison qui va permettre de baker les objets, et dès qu’on objet change ou change de place dans une scène de rendu il suffit d’un petit clic pour tout mettre à jour.

Avec Renderman on a travaillé différemment en s’appuyant sur le système de proxy : les objets ne sont pas physiquement présents dans la scène, on a juste des cubes qui figurent l’emplacement des tombes par exemple, et les proxys sont remplacés par les vrais objets lors du rendu. On a du coup développé un outil pour convertir automatiquement les scènes de layout en utilisant les proxy, ça nous a beaucoup aidés.

La partie initiale l’interview de Jean-Charles Kerninon avait été effectuée un mois avant la finalisation du projet ; nous avons à nouveau pu l’interroger au moment de la finalisation.

3DVF : Les délais de production prévus ont finalement été tout à fait respectés, comment avez-vous fait pour rester dans les délais ? Y a-t-il eu des  » sacrifices  » ou coupes ?

– J.-C. K. : Non, on n’a pas eu à supprimer de plan ou autre, on a sorti tout ce qui était prévu. Par contre on a beaucoup travaillé sur la fin de la production… D’ailleurs je vais prendre deux semaines de récupération au minimum après le projet, depuis un mois et demi je travaille jusqu’à minuit !

 

Ci-dessous, test de rendu des cheveux de Lucy, suivi d’un test d’animation :

 

 

3DVF : Il y a un mois tu abordais le rendu, avec quelques petites difficultés sous Renderman…

– J.-C. K. : Ça va beaucoup mieux maintenant, tout est presque fini. J’étais en pleine découverte de Renderman donc il y a forcément eu un apprentissage à faire, mais ça, c’est en fait très bien passé, au final. Et justement, dans les délais que l’on a eus, avec un nouveau moteur, je pense que le bilan est très positif.

S’il y a eu des soucis, c’est plutôt sur les interactions entre Shave and a Haircut et Renderman. On pensait sans doute un peu naïvement que les choses seraient plus faciles, on sait que Renderman est particulièrement doué pour sortir du rendu de poils, mais l’intégration avec Shave and a Haircut n’est pas si intuitive que ça. C’est sans doute lié à notre manque d’expérience.

3DVF : Tu évoquais déjà le forum dans la première partie de l’interview. Il a donc été plus utile que la documentation officielle pour résoudre les problèmes ?

– J.-C. K. :En fait la doc officielle est plutôt à voir comme une aide d’apprentissage : la doc sert quand on ne sait pas faire quelque chose, mais quand quelque chose ne marche pas, c’est le forum qui va pouvoir aider l’utilisateur.

3DVF : Au final, y a-t-il eu des difficultés majeures en cours de production ?

– J.-C. K. : Pas vraiment, en fait la difficulté est surtout de se lancer sur un projet qui a des contraintes temporelles fortes avec un nouveau moteur de rendu et du cloth, du shave, etc. Le défi a été de tenir les délais, plus que de surmonter la technique. Il fallait avancer tout en résolvant les petits problèmes courants.
On a encore quelques soucis sur les cheveux, pour une prochaine production on se plongera davantage sur la gestion des poils.
Il faudra donc tirer l’expérience de tout ça, faire d’autres essais, mais on reste très confiants sur Renderman et ses capacités.

 

Ci-dessous, deux tests d’animation montrant le rig du personnage de Lucy :

 

 

 

Lucy
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