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GDC Europe et Gamescom 2011

Gamescom

 

La Mecque du jeu vidéo n’est plus à Los Angeles – fief incontesté de l’E3, LA manifestation de référence dans le monde du jeu vidéo – mais à Cologne, au cœur de l’Allemagne.
La Gamescom, qui s’est déroulée la semaine dernière, a rassemblé 275 000 passionnés, 557 compagnies impliquées dans le jeu vidéo, tous secteurs confondus, et 5.000 journalistes ! Des chiffres hallucinants. A titre de comparaison, l’E3 a attiré à Los Angeles 47.000 visiteurs et PAX East à Boston 70.000 participants. Il est vrai que l’E3 n’est pas accessible au grand public, contrairement à la Gamescom, vaste Fête du Jeu Vidéo ouverte à tous les passionnés. Vrai aussi que l’E3 conserve la pôle position en ce qui concerne le nombre de professionnels présents. La Gamescom n’a rassemblé « que » 21.400 pros face aux 47 000 spécialistes de l’E3.

Il n’empêche, un voyage à la Gamescom est une expérience à ne pas manquer.

Tous les halls du gigantesque centre de congrès de Cologne sont occupés. La foule qui se presse dans les allées est compacte, rappelant, selon les termes d’un ami journaliste, les avenues de New Delhi un soir d’embouteillage.
Cette énorme masse de passionnés, la taille des stands, le nombre d’écrans géants et le niveau de décibels délivrés dans les allées, donne une idée extraordinaire de la puissance du secteur. On peut dire tout ce que l’on veut, évoquer les crises à répétitions que l’industrie du jeu vidéo à subi et les bouleversements qui l’affectent aujourd’hui, il n’en reste pas moins que l’empire du jeu vidéo n’a pas besoin de contre-attaquer pour affirmer sa puissance.

 

Walkthrough d’Assassin’s Creed Revelations, présenté lors de la Gamescom

 

Que retenir de cette Gamescom ?

1) Les hardcore gamers n’ont pas à s’inquiéter de la montée en puissance des jeux « sociaux » aux graphismes simplistes. Nombre de titres majeurs, poussant PS3 et Xbox dans leurs retranchements, sont attendus pour Noël. Citons en vrac Uncharted 3 – Drake Deception, qui devrait faire un malheur, Batman Arkham City, le nouvel opus de Rocksteady, Gears of War 3 ou Forza 4 de Microsoft, Assassin’s Creed Revelations – qui propose des incursions dans la jeunesse d’Altaïr -, le très beau Dishonored signé Arkane Studio (créateurs du fameux Arx Fatalis et de Dark Messiah of Might & Magic) qui a fait appel avec succès à Viktor Antonov pour superviser le design du jeu, etc. etc.
Les joueurs n’ont pas de soucis à se faire. Le nombre de titres « triple A » – la dénomination des jeux de très haut niveau, aux budgets de plusieurs dizaines de millions de dollars – est impressionnant et la qualité au rendez-vous. A noter, pour les passionnés d’Héroïc Fantasy le formidable « The Witcher 2 – Assassins of Kings », très beau, très violent, avec un scénario très (trop ?) complexe mais très riche. A voir absolument.

2) Le jeu en ligne a encore et toujours le vent en poupe, surtout en Allemagne, dont les joueurs sont très équipés en PC. Un hall complet rassemblait les studios créateurs de jeux en ligne. NC Soft menait la danse avec le très beau Guildwars 2 et ses nouvelles options, dont le mode PvP – Player versus Player -, très attendu. Il faudrait aussi citer Ghost Reckon Online, Rift – le magnifique MMORPG signé Trion Worlds Network -, Tera – un autre MMORPG développé par Bluehole Studio- and so on…

3) La Gamescom offrait également la possibilité de tester la VITA de Sony. Première impression : on retrouve le look et les commandes de la PSP, ce qui procure un sentiment de confort car on est en territoire connu, mais avec une multitude d’améliorations et un plaisir de jeu renforcé.
Autre présentation intéressante, celle donnée par David Braben – le fameux créateur d’Elite et fondateur du studio Frontier Developments -. David Braben présentait Kinectimals, la version pour Smartphones du jeu pour Kinect. Le jeu est très mignon, comme sa version originelle pour Kinect, mais son vrai point fort réside en la possibilité de transférer ses animaux et toutes leurs caractéristiques d’une plate-forme à l’autre et vice-versa. Il suffit de présenter son smartphone devant la caméra de la Kinect et votre animal se retrouvera instantanément dans la console de Microsoft. Très sympa…
Il est clair que les smartphones concurrencent vraiment les consoles portables. Nintendo l’a bien compris qui a dû baisser drastiquement le prix de sa nouvelle DS.

Il faudrait encore célébrer le vingtième anniversaire de Sonic ou les 25 ans d’Ubisoft, évoquer Rayman Origin ou les nouveaux titres d’EA sports, parler de Battlefield 3 – Caspian Border, du Twist Control qui offre de nouvelles possibilités de navigation sur la Live Box mais il est impossible de rendre compte de l’intégralité de la Gamescom, dont le gigantisme ne peut être résumé en quelques lignes.

 

Bande-annonce de Batman – Arkham City

Un dernier point, important, pour évoquer la Game Developers Conférence – GDC Europe – qui se déroulait juste avant la Gamescom. Pour un passionné de jeu vidéo, cette combinaison d’événement est extrêmement intéressante. En une semaine, il est possible d’avoir une vision d’ensemble de l’industrie mondiale du jeu vidéo. Les 3 jours de conférences de la GDC Europe permettent de tout savoir sur les derniers enjeux du développement de jeu vidéo et de fraterniser avec la crème des créatifs de l’industrie. La Gamescom permet de mesurer la puissance de l’industrie, de découvrir les nouveaux titres, d’identifier les grandes tendances, de rencontrer les business men…

La GDC Europe est donc avant tout une conférence. Pas de centaines de stands somptueux mais une petite poignée de stands modestes mais très utiles pour rencontrer développeurs clefs, nouveaux studios et fournisseurs de technologies. Et surtout plus de 2.000 professionnels venus de 57 pays pour débattre des enjeux du développement de jeux vidéo.

Plusieurs points à retenir :

1) Les jeux sociaux – Farmville and co – persistent et signent. Nul ne remet en question la place importante qu’ils ont acquise ces derniers mois. Ce nouveau secteur de l’industrie du jeu est entré dans une phase de maturité, avec ses acteurs de poids, leurs challengers, des manifestations spécifiquement dédiées, etc.

2) Les jeux online poursuivent leur incroyable développement. Là encore, le secteur bouillonne d’idées, de talent et génère des chiffres d’affaires plus qu’intéressants.

3) Les jeux sur plate-forme mobile et en particulier smartphones pèsent de plus en plus lourd et concurrencent directement les consoles mobiles.

4) Tous ces secteurs de l’industrie ont chacun développé des business modèles spécifiques, nouveaux et intéressants.
De nombreuses conférences étaient ainsi dédiées au notion de « Free to Play » – et comment gagner beaucoup d’argent avec des jeux gratuits -, de jeux « premium » ou « freemium », de community management, une notion de plus en plus importante.
Comment gérer une communauté de dizaine de millions de joueurs, comment les séduire, et, plus important encore, les conserver des mois durant ? Des structures spécialisées émergent, certains consultants deviennent des stars du « community management ». Un point revenait souvent dans ces discussions : les joueurs sont des pros : Ils sont de véritables spécialistes de chaque jeu et il est très difficile de les tromper. Gare à ceux qui s’y essaieraient. Les sanctions sont immédiates et les joueurs déçus peuvent quitter très rapidement un jeu et déclencher une tempête médiatique, un buzz, qui peut faire chuter un jeu pourtant au fait de sa puissance. On est ici proche de la bourse ou les rumeurs peuvent faire baisser la valeur d’une entreprise en un clin d’œil.

 

Metro – Last Light : walkthgrough de 12 minutes.

5) Certains studios indépendants de développements de jeux « AAA » ou encore « Triple A » déjà évoqués ci-dessus sont inquiets. Le nombre de jeux de très haut niveau, aux coûts de développements de plusieurs dizaines de millions d’Euros, aux plannings de conception qui s’étalent sur plusieurs années, est limité par la taille du marché et par le nombre d’éditeurs susceptibles de porter de tels titres. La concurrence entre studios de développement est rude et leur marge financière limitée. Beaucoup de studios dans le monde ont les capacités de développer des jeux triple A. Leurs équipes sont performantes, les pipelines de production rodés. Mais le nombre d’éditeurs susceptibles d’investir 15 à 50 millions d’Euros dans un jeu est réduit. D’où une bagarre intense entre studios pour décrocher tel ou tel projet, qui assureront au studio deux ou trois ans de sécurité. De plus, nombre d’éditeurs ont intégrés des studios et confient leurs titres premium aux studios « maison ». Difficile dans ces conditions de maintenir un studio indépendant.

De plus, on sait que, sur un prix de vente de 60 euros, les studios de développement touchent en moyenne 7% de la somme versée par le joueur. Le reste va à l’éditeur, qui s’est chargé d’avancer les fonds au studio pour financer le développement du jeu et assure le marketing et la communication, et bien sûr au distributeur et au revendeur du jeu, qui assurent sa commercialisation.
7 %, c’est peu.

Un studio de développement qui a créé un titre qui se vend à plusieurs millions d’exemplaires peut se retrouver en situation difficile car ses revenus permettent tout juste de payer les équipes de développement. Et s’il n’arrive pas à signer un nouveau contrat de développement avec un éditeur, il n’a parfois d’autre choix que de licencier ses développeurs et de mettre la clef sous la porte. Rien de nouveau sous le soleil, cette situation prévaut depuis le début de l’industrie du jeu vidéo. Le pouvoir est entre les mains des éditeurs et des distributeurs, pas entre les mains de studios de développement indépendants, dépendant des premiers.

Mais ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est que la distribution online, les plates-formes comme Steam, Onlive ou Gaikai (cette dernière étant développée par David Perry, une des stars du jeu vidéo), ou encore l’Applestore, donnent la possibilité à de nombreux studios de s’affranchir en partie des grands éditeurs. De nombreux développeurs – et non des moindres –  trouvent dans ses nouveaux modes de distribution une indépendance qu’ils n’ont jamais eue. L’en d’entre eux résumait ainsi la situation : « Avant, je développais un jeu triple A avec un studio de 50 à 100 permanents. Même si le jeu était un succès et se vendait bien, ma marge était si réduite que je ne savais pas si je pourrais maintenir les équipes pour le prochain titre et étais complètement dépendant d’un éditeur. J’ai vécu en limite de dépôt de bilan pendant des années avant de complètement changer mon business modèle. Aujourd’hui, je peux développer un jeu avec une équipe de permanents de 5 à 10 personnes et des « freelances » recrutés projet par projet, le mettre à disposition gratuitement sur l’Applestore dans un premier temps pour créer de la notoriété puis le vendre 5 euros dans un second temps. Si le jeu est bon, le téléchargement se compte en millions d’exemplaires et ma marge est de… 70%. Je suis financièrement autonome et infiniment plus tranquille que par le passé ».

 

Bande-annonce : Rayman origins

Entre le déferlement de jeux « triple A » de la Gamescom, le boom des jeux sociaux, la masse des jeux pour plates-formes mobiles, les nouveaux business modèles qui émergent, une chose est sûre : jamais l’industrie du jeu vidéo n’a été aussi dynamique, aussi créative. Aucune position n’est acquise, il faut travailler toujours plus dur pour tenir sa place dans la course, se réinventer sans cesse mais la dynamique est telle que, si l’on surfe encore et toujours sur la vague, les résultats peuvent être extrêmement positifs.

Un dernier point, plus technique : L’annonce de l’achat, par Havok, de la société Trinigy. Havok, créé en 1998 avait été acheté par Intel en 2007. La structure poursuit son développement avec l’acquisition de Trinigy, dont le moteur 3D est bien connu des développeurs de jeu. Cette acquisition donne à Havok un outil de rendering supplémentaire et permet à la société de middleware d’offrir une gamme d’outils et de services extrêmement cohérente. Pour mémoire, les outils de Havok ont été utilisé dans le développement de titres AAA comme Halo 2, Halo 3, Bioshock 2, Assassin’s Creed, Resident Evil 5…

Vous l’avez compris : GDC Europe et Gamescom sont deux événements aujourd’hui incontournables pour tous les passionnés de jeux vidéo.
Rendez-vous à Cologne du 13 au 19 aout 2012 !

De notre envoyé spécial Jean-Michel Blottière

 

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