Compte-rendu Dimension 3 2011

 

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Pour finir ce compte-rendu, faisons un tour du côté des conférences. Comme l’an passé, les sujets étaients assez variés, avec des retours d’expériences, tables rondes, présentations de nouveaux produits ou projets, et concernaient l’ensemble de la chaîne relief.

Nous reviendrons ici sur deux de ces interventions, consacrées respectivement aux documentaires en relief (études de cas) et au scan 3D et ses applications.

 

 

Binocle

 

Images de tournage du reportage Makay, les aventuriers du monde perdu, montrant notamment le rig d’épaule d’un poids réduit (25 kilos) et la tente de dérushage. Photos Binocle.

 

 

Le mardi, la question des documentaires en relief a été abordée. Une thématique intéressante à plus d’un titre, au vu des contraintes souvent présentes : lieux de tournage hostiles, petit budget, équipe réduite…

Plusieurs études de cas étaient proposées.

Dans une première partie, Laurent Baujard (Gedeon Programmes) et Jeanne Guillot (stéréographe, représentant Binocle) sont revenus sur Makay les aventuriers du monde perdu.
Ce projet consistait à tourner un documentaire à Madagascar, dans une zone peu explorée et difficilement accessible ; l’équipe du reportage accompagnant un groupe de scientifiques en expédition sur ce lieu méconnu.

Comme l’équipe de scientifiques était déjà assez importante, il était exclu d’avoir beaucoup de personnel du côté du documentaire. Binocle a donc fourni un rig relief constitué d’une crosse d’épaule de 25 kilos seulement, le caméraman pouvant gérer zoom et mise au point sans assistance externe.

Jeanne Guillot est revenue sur les préparatifs, consistant à tester au maximum le rig créé, à réduire au minimum le temps de préparation d’une prise (un documentaire signifie que refaire une prise est impossible : l’animal est parti… il faut donc aller vite !), et penser à tous les outils de nettoyage nécessaires.
L’utilisation de zooms était cruciale, là encore pour la réactivité lors des prises de vue.

L’expédition a duré 35 jours, dont 8 de transport. Un temps finalement assez court pour effectuer un tel tournage. L’équipe 3D se limitait à 4 personnes, et disposait d’une tente de dérushage permettant également d’adapter la vision du réalisateur, qui tentait ici sa première expérience relief.

Au final, le pari a été réussi : il y a eu suffisamment de rushes (environ 200h) pour obtenir un reportage digne de ce nom.

Le film est actuellement en cours de montage.

 

Binocle

 

Autre clichés du tournage.

 

Dans un second temps, Stéphane Cassou de Cow Prod (société spécialisée dans la création de contenu en relief) est revenu sur La Grande Odyssée. Changement de décor radical par rapport à madagascar, puisqu’il s’agissait ici de suivre une course en chiens de traineau, en Norvège.
Là encore, le temps de tournage était réduit (15 jours), avec les contraintes que cela implique. 4 équipes étaient sur place, équipées notamment de deux caméras Panasonic relief et de deux paluches :
filmer une course implique une forte réactivité, et l’équipe a choisi de ne pas utiliser de rig à miroir.

Une grue avait été emmenée, de façon à faire quelques beauty shots, ces plans  de coupe que l’on peut insérer en postproduction à n’importe quel moment du montage.

Au final, le tournage s’est bien passé, malgré une chaleur trop élevée qui a posé quelques problèmes, notamment aux animaux (les chiens supportant mal de courir sous des températures trop clémentes).

Comme dans le cas précédent, le tournage a tout de même été réussi, malgré l’absence de contrôle des prises de vue dans la journée : avoir du déchet était prévu.

Le film est actuellement en finalisation, et une sortie est prévue à l’automne, notamment du côté d’Orange. Une version 2D est également en postproduction.

 

Grande odysssée

Photo de tournage, avec la Panasonic visible à gauche (double objectif et non rig relief).
Source : site de la course La Grande Odyssée.

 

Dans le cadre de la thématique Nouvelles Images du salon, le scan 3D a été abordé dans une conférence spécifique faisant intervenir des projets très variés : patrimoine, réalité augmentée, villes numérisées ou encore acteurs virtuels sont au programme !

Gaël Hamon d’Art graphique & Patrimoine a ouvert la conférence : la société née en 1994 se spécialise dans le patrimoine culturel, historique et monumental. La société s’est tournée vers les technologies du scan 3D et de la réalité augmentée afin de proposer des solutions assez intéressantes. Il peut par exemple s’agir de numérisation 3D d’oeuvres architecturales/artistiques, à des fins de conservation ou restauration. Photogrammétrie (reconstitution à partir de photo) ou scan par laser sont utilisés selon le type d’objet (taille, état de surface) et de résultat souhaité. Une nacelle peut être utilisé en photogrammétrie, afin d’avoir une bonne prise de vue.

A titre d’exemple, la société a travaillé sur une reconstitution complète du Panthéon de Paris, à partir de plans et relevés ; ceci a permis de générer une visualisation complète des écoulements des eaux, un problème loin d’être évident pour un bâtiment aussi ancien, qui a subi de multiples restaurations et modifications.

Dans d’autres cas, un lieu archéologique pourra être numérisé et mis en valeur via des technologies de type réalité augmentée. Ce fut le cas pour le projet Héritage 3D, en 2009 : une tablette distribuée aux visiteurs du château de Vincennes leur permettait de visualiser en réalité augmentée une vue 3D du cabinet de travail de Charles V telle qu’il était visible au XIVème siècle.

Dans ce genre de projet, le scan 3D se combine au rajout d’éléments 3D créés d’après des archives d’époque ; des marqueurs permettent ensuite de combiner les vues sur la tablette. A noter, le projet est depuis passé sur une technologie sans marqueur (en changeant de technologie et en abandonnant ArToolkit).

D’autres projets du même type ont été réalisés dans toute la france : version 3D d’un château du moyen-âge visible en utilisant le plan imprimé comme marqueur, version texturée et éclairée de la cathédrale d’Amiens visualisée à l’aide de technologies Total Immersion (le projet est d’ailleurs disponible en ligne, si vous disposez d’une webcam). Le rendu présenté lors de la conférence était assez impressionnant pour de la RA, traditionnellement cantonée à des rendus très basiques.

L’intérêt de cette première partie était notamment de faire réfléchir aux évolutions technologiques rapides et aux conséquences de ces changements : suppression des marqueurs en RA, tablettes faisant de la reconnaissance d’image que l’on pourra tout simplement pointer vers une façade, etc. Clairement, le secteur du patrimoine se trouve face à des outils très puissants.

 

Art Graphique et Patrimoine

Art Graphique et Patrimoine

En haut et en bas à droite, travail sur la cathédrale d’Amiens. En bas à gauche, projet Héritage 3D.

Présentation du projet Héritage 3D en vidéo :

 

Les deux présentations suivantes, de Thales et d’ArchiVideo, étaient axées sur la numérisation 3D de territoires, via notamment la présentation du projet Terra Numerica.
L’objectif ? Obtenir une doublure complète d’une ville, en 3D, mais pas un simple modèle 3D : le contenu doit être exploitable, et il faut donc différencier immeubles, lampadaires, arbres, …

Les applications d’un projet de ce type sont sans limites : aménagement du territoire, tourisme et culture, sécurité, patrimoine, services en ligne, immobilier, environnement, art…

Le projet se focalisait sur Paris, l’objectif étant d’obtenir une version 3D de l’ensemble de la ville, excusez du peu.

En pratique, Terra Numerica a combiné plusieurs technologies d’acquisition : scan par avion (le plus dur étant en fait d’avoir l’autorisation de survoler Paris), scan terrestre mobile via des voitures équipées de centrales intertielles, capteur GPS, caméras et scanner laser (précision de 10 à 20cm par point). Coupler plusieurs systèmes de localisation a pour but de limiter les problèmes de dérive, qui accentuent l’imprécision.

Il faut évidemment, par la suite, recaler les données, mais également les filtrer pour éliminer les éléments indésirables tels que piétons, voitures etc.

Mais ce n’est pas fini, le but étant, rappelons-le, d’avoir un modèle 3D utilisable, et donc de savoir quels sont les objets composant la ville. Les nuages de points subissent un processus de sémantisation, qui vise à détecter et localiser arbres, sol, façades, lampadaires etc.

Vient ensuite la reconstruction, qui va permettre d’obtenir des modèles 3D plus facilement utilisables que de multiples nuages de points. Les toites et supersutructures sont reconstruits à l’aide de vues aériennes, de faço semi automatique (80 à 90% du travail est automatisé, le reste nécessite une intervention humaine).

La ville va ensuite passer à la sauce procédurale : une façade de bâtiment parisien ressemblant souvent fortement à une autre façade parisienne, il est utile de recourir à ce type de méthode. Cela permet par exemple de stocker un modèle de fenêtre ou de balcon qui sera dupliqué en plusieurs endroits.

Le gain est évidemment énorme, puisque selon l’application, on n’aura pas le même besoin de détail. En définissant de fçon procédurale les éléments, on peut stocker différents niveaux de détail, et générer de façon immédiate une ville low poly ou, au contraire, une version ultra détaillée…
D’autres éléments subissent des traitements particuliers, comme les arbres : en intégrant des modèles de croissance, on peut simuler la pousse sous 5, 10, 20 ans.

Au final, Terra Numerica, projet implicant de nombreuses entreprises et institutions académiques, a permis de reconstituer les 88 quartiers de Paris, avec 6 quartiers en modélisation fine (environ 1 000 000 de polygones par quartier) et 82 en modélisation géotypique (100 000 polygone par quartier en moyenne). Au total, le double de Paris comporte donc 14 millions de polygones.

ArchiVideo est par la suite revenue plus longuement sur ses ambitions, à savoir générer une maquette… De l’Europe toute entière ! La reconstitution de Paris n’était donc qu’une étape pour cette PME.

Ici, place au croisement de données et à l’économie : il est exclu de scanner au laser la totalité de l’Europe, l’entreprise cherche donc plutôt à croiser les sources, en intégrant également les relevés de cadastre ou IGN, par exemple. la photo satellite et les SIG permettent d’obtenir des données sur l’ensemble du territoire, y compris hors des villes, pour un coût réduit.
Le procédé a déjà été testé sur une version 3D de la Bretagne en 2007 ou d’une vingtaine de villes pour pagesjaunes.fr entre 2006 et 2008.
Comme pour Terra Numerica, les mots d’ordre sont heuristique (donner un sens aux objets) et procédural.

La société compte avoir fini la France cet été, et espère  rapidement passer des accords pour s’étendre à l’Europe entière.


Terra Numerica, présentation en vidéo.

Agence Double Numérique : démonstration des possibilités

Enfin, ADN (Agence Doublure Numérique) a présenté ses ambitions. Pas d’architecture ici, mais la création et gestion de doublures numériques pour acteurs, sportifs et autres personnalités.

Le constat de départ est simple : les doublures virtuelles sont déjà largement présentes au cinéma (Matrix, Benjamin Button, Tron Legacy, etc) ou dans le jeu vidéo, et leur rôle est voué à s’étendre.
L’offre d’ADN repose donc sur plusieurs points :


– création d’un modèle photoréaliste de la personnalité, qui dispose d’un contrôle total sur le résultat visuel.

– contrôle permanent de l’acteur sur sa version virtuelle : il est libre d’autoriser ou refuser l’exploitation pour chaque projet.

– faire en sorte que la doublure soit exploitable sur des productions et marchés multiples (cinéma, publicité, jeu vidéo…).

La notion de contrôle, si elle peut sembler anodine, prend tout son sens quand on songe aux exploitations et dérivés possibles : un acteur peut très bien, pour mettre en avant une certaine image, refuser toute scène dans laquelle son double devra pleurer, se rendre ridicule, ou encore toute scène de nu.
Fournir un cadre juridique à l’exploitation du modèle est donc indispensable à la crédibilité de ce type d’offre.

L’exploitation de la doublure met en jeu plusieurs étapes :

– création du double : les systèmes d’acquisition sont externalisés pour des raisons de coûts, d’autant plus que la technologie évolue très vite.
Cette étape permet de créer une version 3D du visage en haute précision, mais également d’avoir un modèle texturé, prêt à l’animation, et pouvant être rendu sous toutes conditions lumineuses possibles.
A la fin de cette étape, la personnalité valide le modèle et un contrat d’exploitation est signé. Le contrat est signé hors de tout cadre d’une production, puisque le modèle sera utilisé sur différentes productions.

– implémentation de la doublure, avec utilisation de performance capture et retargeting. Nous sommes donc ici dans le cadre d’une production particulière, pour laquelle la personnalité a donné son accord, et qui est tarifée de façon spécifique (un studio de jeu vidéo, un publicitaire ou un film à gros budget ne paieront donc pas le même prix).

– Intégration du double digital, via des techniques classiques, avec éclairage, rendu, compositing.

Pour le moment, seul le visage est numérisé par ADN, mais le sytème pourra être étendu. La voix est un axe sur lequel un travail de recherche est en cours.


Au final, l’innovation d’ADN n’est pas tant dans la possibilité de créer une doublure numérique – procédé qui existe déjà – que dans la proposition d’un cadre juridique indépendant de toute production, qui permet à la personnalité de gérer au millimètre son image. Un contrat d’exclusivité permet même à ADN d’attaquer en justice, au nom de la personnalité, une société qui ferait un usage non prévu du modèle.
L’aspect légal est évidemment primordial pour ce type d’application, car sans assurance d’une utilisation maîtrisée, on imagine facilement que des acteurs pourraient refuser toute doublure numérique par la suite…
La maîtrise de la représentation numérique permet aussi à la personnalité de gérer sa notoriété et sa « valeur », tout en évitant de devoir se faire numériser pour chaque film.

On se prend finalement à rêver devant la présentation d’ADN : qui sait, demain, un acteur pourra peut-être d’une simple signature apparaître dans une publicité au Japon tout en restant à Los Angeles pour son prochain film… Les doublures numériques pourraient également, peut-être, rendre accessible à des petits studios l’usage de visages connus.

 

ADN : création de la doublure numérique.
La partie sur le scan 3D proprement dit débute au bout d’une minute environ.

 

Bilan du Salon

En s’élargissant, Dimension 3 s’écarte parfois de sa thématique principale – le relief -, et certains pourraient se demander si le scan 3D ou le son ont vraiment leur place dans un tel salon. Cependant, ces écarts apportent une vraie richesse de contenu, et permettent de mettre en valeur des entreprises et technologies parfois méconnues.  Difficile par exemple de reprocher aux organisateurs la conférence sur le scan 3D, qui à défaut de parler de relief, était passionnante.
Evidemment, il faudra sans doute contenir ces extensions, afin de ne pas dériver vers un salon totalement généraliste…

Clairement orienté vers les professionnels, Dimension 3 permet de donner un aperçu complet du secteur du relief, à toutes les étapes de la chaîne : matériel, logiciels, tournages, postproduction.

On appréciera l’accent fort mis sur les conférences, avec un programme conséquent. Le relief n’étant revenu en force que très récemment, et comme la technologie liée évolue à une vitesse vertigineuse, avoir des retours d’expériences et des présentations sur l’avenir du secteur sont un apport indéniable à la fois pour les novices et les professionnels aguerris. Gageons que l’édition 2012 continuera sur cette lancée, avec peut-être entre temps, qui sait, le décollage des téléviseurs en relief…

 

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