Machine Molle – Bodum

3DVF – On pourrait vous opposer que sur ce projet, l’éclairage et la caméra sont fixes… Pourquoi alors aller si loin dans la simulation ?

C’est en fait un investissement à long terme : le travail sur les shaders sera facilement réutilisable pour d’autres projets, d’autres rendus réalistes ; il suffira d’ajuster les paramètres physiques du matériau, ce qui fera gagner du temps. De plus, cela apporte un réalisme et une cohérence globale dans l’image plus rapidement, une fois les outils prêts à l’emploi.

3DVF – Un mot sur le reste du rendu de la scène ?

Pour les objets Bodum nous disposions des couleurs Pantone, cela a facilité le travail. Pour les légumes, nous avons travaillé avec un photographe qui a créé des textures à partir de vrais légumes. Ces textures ont ensuite été intégrées à la scène par du camera mapping.

Enfin, pour l’éclairage, nous avons utilisé des area lights pour avoir des ombres douces ; en fait, nous avons créé l’éclairage voulu, puis généré des maps d’environnement utilisables ensuite lors du rendu. Le temps de calcul est ensuite constant quelque soit la lumière de la scène.
Une lumière directionnelle a été ajoutée à la scène finale pour créer des ombres un peu plus marquées, et ne pas avoir un éclairage trop diffus.

3DVF – Vous avez utilisé un workflow linéaire et du tonemapping perceptuel sur ce projet ; quels sont les avantages de cette approche ?

Le gros avantage de travailler en workflow linéaire est d’avoir un meilleur rendu des ombres, qui sont débouchées plus facilement ; on évite aussi de « cramer » les couleurs. À noter également, le subsurface scattering est très sensible et sans workflow linéaire, on obtient facilement des résultats peu satisfaisants.

Pour le tonemapping perceptuel : l’idée est d’avoir un rendu qui se rapproche de ce que verrait un œil humain, qui ne perçoit pas la lumière de façon linéaire. En pratique, on utilise un opérateur de Drago.

Evidemment, pendant la calibration on faisait un rendu directement avec tonemapping, mais pour le rendu final le tonemapping s’est fait dans Nuke.

Il y a plusieurs méthodes pour réaliser du tonemapping, classées en deux grandes familles :

 

  • Le tonemapping local, qui utilise des opérateurs qui varient spatialement : les paramètres de la fonction non linéaire utilisée changent pour chaque pixel, en fonction de l’entourage proche. On optimise le contraste local.
  • Le tonemapping global, qui regroupe les opérateurs qui sont uniformes spatialement : il s’agit de fonctions non linéaires avec des paramètres globaux, qui dépendent par exemple de la luminance de l’image. Une fois la fonction déterminée de façon optimale, les paramètres ne changent pas d’un pixel à l’autre ; la zone autour d’un pixel particulier n’a pas d’influence. Par contre, on perd en contraste local.

Dans notre cas, le tonemapping global est la solution : on ne risque pas d’effets de halos (caractéristiques des méthodes locales et particulièrement irréalistes), et surtout on n’a pas besoin d’avoir le rendu de toute la frame pour appliquer le tonemapping.

L’opérateur de Drago est en prime simple à utiliser et facilement contrôlable. Il nous a servi d’outil d’illumination à part entière, permettant de contrôler l’exposition à la lumière.

Au final, la combinaison de l’approche shaders à conservation d’énergie + linear workflow + tonemapping perceptuel permet un rendu vraiment très réaliste.

Evidemment, cela peut être déconcertant pour un graphiste qui n’avait pas l’habitude de ces méthodes… Mais passer dessus en vaut la peine vu le résultat ; on n’a quasiment plus besoin de faire de correction de couleur lors du compositing !


Image de référence.


Sans workflow linéaire, la lumière est biaisée, très contrastée, et trop saturée.
En haut à droite, l’image de référence, pour comparaison.


Sans lumière glossy (spéculaire) indirecte, une partie de la lumière est manquante.
En haut à droite, la différence entre rendu de référence et rendu sans lumière spéculaire indirecte.



Sans tone mapping, les ombres ne sont pas assez débouchées. En haut à droite, l’image de référence, pour comparaison.

3DVF – Avec le recul, quelles améliorations voudriez-vous apporter à ce projet ? Quelles sont les prochaines étapes dans votre approche de rendu physique ?

3DVF – Le choix d’utiliser RenderMan n’est pas si courant en France, pour un studio comme le vôtre. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous tourner vers cette solution ? Quels sont les avantages de RenderMan sur la concurrence ?

Au niveau des poils, on pourrait augmenter le réalisme de l’éclairage : le modèle de Marschner ne prend pas en compte la lumière de l’environnement… Concrètement nous avions deux sources lumineuses spécifiques pour les poils. Lors du dernier SIGGRAPH, certains travaux vont d’ailleurs dans le sens de l’utilisation de l’environnement, il y a donc une voie à creuser.

Un autre point pourrait être d’améliorer la gestion des muscles, mais la différence visuelle serait minime.

D’une parte c’est un moteur très efficace pour les scènes complexes. Le singe comporte 1 million de poils environ, chacun étant représenté par un réel cylindre en volume, sans parler du displacement de la peau pour avoir des plis fins véritablement en 3D, ce qui augmente énormément le réalisme quand on utilise du SSS.

Ensuite, c’est un environnement de travail très ouvert aux développeurs, de nombreux points d’entrée sont proposés pour y greffer des outils maisons. Les shader physically based et le RIG de lighting par exemple ont été faciles à prototyper et incorporer, ainsi que le contrôle sur la génération des RIBs des poils sur la renderfarm.

Ci-dessous et en bas de page, les différentes couches de rendu utilisées pour le compositing.

SSS.

Lumière diffuse directe.

Lumière diffuse indirect.

3DVF – Pourriez-vous nous parler un peu de vos autres projets récents, comme les spots pour Oasis, ou le clip de Justice que Machine Molle a co-réalisé ?

3DVF – Machine Molle est présent sur des marchés très différents tels que motion design, graphic design (print, fonts)… Comment voyez-vous l’évolution du studio dans les années à venir ? Comptez-vous continuer à cultiver cette diversité ? Sur quels secteurs voulez-vous vous développer ?

Ces deux projets montrent justement la diversité des univers dans lesquels nous aimons travailler. Oasis se posait comme un défi de réaliser un film au format cinématographique façon Pixar, avec des contraintes de film publicitaire. Utilisant Renderman, nous avons voulu jouer le jeu au maximum, et un mini-pipeline dans le même esprit que ceux utilisés dans les films d’animation plus longs a été développé pour l’occasion. Il aura tout de même fallu une équipe d’une quinzaine de graphistes et deux développeurs pour venir à bout de ce projet !

Justice se pose dans un registre très différent, la 3D ici n’est pas une finalité, mais simplement un outil parmi tant d’autres, avec l’animation 2D et le compositing. Le but étant de reproduire le look de ces flying logo TV du temps où l’infographie n’était pas employée, ce qui nécessite un esprit d’analyse de l’image, et surtout une polyvalence dans les techniques de création d’images animées !

Le secteur d’activité importe peu. Il n’a qu’une incidence sur la rentabilité des projets. Machine Molle veut se développer là où le studio continuera à faire valoir une vraie plus value artistique, qu’il s’agisse de clips, de génériques de films, d’habillages télévision, de pubs ou d’effets spéciaux.

Par contre, Machine Molle, fort de sa maîtrise technique, va de plus en plus intervenir en tant que producteur, avec ses artistes, et de nouveaux réalisateurs.

 

3DVF – Pour finir, y a-t-il un point que nous n’avons pas abordé et dont vous auriez voulu parler ?

Ce projet était un vrai challenge, et nous avons mis en œuvre toute notre énergie pour y répondre au mieux avec les contraintes posées, notamment de temps. Nous aimons relever des défis, qu’ils soient du domaine technique ou artistique, et montrer le meilleur de nous-mêmes.

 


Incand.

Réfraction.

Speculaire directe.
Speculaire indirecte.
Ensemble des couches.


Pour en savoir plus

– Le site de Machine Molle


– Le site de Bodum : on y trouvera notamment trois autres spots réalisés par Machine Molle pour la marque.





Bodum - final
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