3DVF – Avez-vous eu recours à une panoplie d’outils variés, des plugins par exemple ?
Hervé Trouillet : V-ray pour rendering et Combustion pour compositing
3DVF – Enjeu de taille, comment s’est organisé la co-prod avec la Corée?
Natalys et Hervé : Il y a deux façons de procéder avec d’autres personnes, soit en imposant une façon de faire soit en partageant la confiance et en échangeant.
Il est souvent plus raisonnable d’aller droit au but et d’imposer un rythme de chaque côté, c’est plus raisonnable dans la mesure où une prod de dessin animé est comme le dirait Natalys un rouleau compresseur qui ne s’arrête jamais.
Cela dit, nous voulions changer cette façon de travailler. Nous savions que ça prendrait plus de temps mais nous avons décidé de partager notre confiance avec le studio SamG. Il a fallu beaucoup d’énergie mais nous pensons que ça en valait la peine.
Pour cela, nous avons établi un cadre, une sorte de délimitation où nous pouvions exercer notre créativité sans nous heurter à des complications artistiques ou techniques.
Sangoon Kim (le directeur du studio SamG) est une personne qualifiée, elle a rapidement accepté cet échange entre nous.
L’équipe derrière lui est très bien organisée, riche en créativité, et sérieuse. Ils ont amené beaucoup de choses à la série et nous sommes très contents qu’ils nous aient donné leur confiance également.
Natalys travaille encore avec eux, elle réalise actuellement une autre série avec eux, et j’espère pouvoir le faire de nouveau très vite.
3DVF – Avez-vous eu des développements particuliers à faire?
Natalys et Hervé : Techniquement non, mais graphiquement nous avons passé pas mal de temps, tout en essayant de ne pas se faire déborder, sur les détails qui font la différence sur les modèles.
Il y avait pas mal d’aller retour sur le modeling.
Nous avons travaillé énormément sur les ambiances couleurs, sur les adaptations à faire pour à la fois rester « original » et ne surtout pas pénaliser les équipes avec des demandes trop poussées. C’était à nous de trouver les astuces les compromis et les modèles qui permettraient de garder une qualité devant le rouleau compresseur de la prod.
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3DVF – Côté direction artistique, le rendu est particulièrement soigné pour une série d’animation TV. Peux-tu nous en dire plus sur la création des concepts décors et persos, jusqu’à la mise en fabrication 3d de la production ?
Natalys et Hervé : La réalisation pour une prod Tv consiste à gérer des frustrations. Contrairement au cinéma, il n’y a jamais vraiment de temps pour affiner. Cela dit, il y a des détails qui font plus la différence que d’autres. C’est justement ce que nous avons privilégié.
Pour donner un exemple, se focaliser sur le regard d’un personnage donnera plus de satisfaction que de dépenser cette énergie à arranger tout à la fois. Choisir et travailler de bonnes couleurs donnera plus de satisfaction que de s’acharner à trouver les bonnes formes. En d’autres termes, c’est un peu comme avec une caricature, ce qui compte ce n’est pas de parfaitement refaire le modèle mais de trouver ce qui caractérise le personnage et ce qui le rend plus beau. Nous ne disons pas que c’est un remède miracle, mais c’est efficace pour donner une certaine cohérence et le rendu particulièrement soigné dont vous parlez.
3DVF – Quels étaient les principaux défis et enjeux pour Timoon et SamG sur ce projet ?
Natalys et Hervé : Nous ne voulons pas parler pour eux, mais nous pensons que c’était de faire une série qui bouscule un peu la tradition. Donner de la qualité, de la cohérence média et de la nouveauté.
Ce qui est nouveau dans Linus et Boom c’est que nous avons essayé de parler aux générations qui sont décomplexées face aux images.
Ce n’est pas tant le concept que les graphismes ou la mise en scène qui font la différence, ce qui est nouveau c’est que la tâche qu’on nous a confiée consistait à vraiment offrir aux 6/12 ans une série plus proche de ce qu’ils sont capables d’assimiler.
Cibler des 6/12ans est complexe, surtout lorsque vous mettez un enfant de 6 ans à côté d’un pré ado de 12ans. Leurs centres d’intérêts ne sont pas vraiment les mêmes.
Nous ne pensons pas forcement que les enfants sont aujourd’hui plus mûrs que ce qu’on a pu l’être par rapport aux médias. Mais à 2 ans aujourd’hui, ils regardent déjà du Pixar, tellement bien gaulé, dynamique et puissant qu’il est difficile de ne pas prendre cette maturité en compte. C’est ce que nous avons voulu faire en donnant aux plus grands de l’action, des gadgets, du dynamisme, des relations entres personnages un peu moins caricaturales, tout en sachant que ce qui intéressent les plus petits c’est l’interaction entre les personnages, les expressions, le ton, les formes et couleurs.
Nous ne savons pas si nous y sommes arrivés, le temps nous le dira, mais c’était notre objectif et les enjeux que nous voulions relever.
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3DVF – Hervé, te sachant toujours à cheval sur de nombreux projets, quelle est la suite pour toi après la réalisation d’un tel projet ?
Hervé Trouillet : Comme certains le savent, j’ai un projet qui me tient à cœur, tout ce que je fais c’est pour me donner la chance de pouvoir un jour le réaliser. Aujourd’hui, j’ai encore un peu plus de crédibilité, je ne suis plus seul et le financement commence à prendre forme.
J’ai dû échafauder une autre stratégie pour arriver à convaincre les financiers de ce que nous voulons faire. Notre objectif est de créer une société de production qui va produire et fabriquer exclusivement de l’animation numérique pour les adultes et jeunes adultes.
Mais je pense vous en reparler bientôt…
3DVF – Et de ton côté Natalys ?
Natalys Raut-Sieuzac : Je réalise actuellement une série cartoon avec SamG (« Monk, la cata sur pattes »). Notre collaboration perdure pour le meilleur avec de nouveaux enjeux, de nouveaux défis techniques et artistiques… et toujours autant de travail ! Pour moi, c’est une étape supplémentaire, car tout comme Hervé mon avenir se tourne vers le grand écran. J’ai plusieurs projets que je dois faire mûrir dans les prochains mois, une fois la phase d’écriture de ma série terminée. Hervé et moi allons nous retrouver très bientôt semble-t-il !
3DVF – Pour terminer, que retirez-vous de cette expérience sur une série full 3D ?
Hervé Trouillet : Une ouverture de perspective technique que je vais m’empresser d’assimiler pour le futur…
Natalys Raut-Sieuzac : Nous pouvons faire de plus en plus avec la 3D, de mieux en mieux ! L’important est de ne pas perdre le fond : toutes ces histoires que nous voulons raconter ! La technique aura toujours besoin d’une morale et il y aura toujours besoin de personnes talentueuses pour exploiter ces techniques !
3DVF – Merci d’avoir pris sur votre temps précieux pour nous livrer les coulisses de Linus and Boom; nous vous souhaitons on vous souhaite de la réussite dans toutes ces choses à venir, et on vous dit à très bientôt pour la suite de vos aventures !
Propos recueillis par
Florent Perrin
pour 3DVF.com