3DVF – Quel a été l’impact de l’utilisation du relief sur la préparation, et notamment le storyboard, mais aussi sur le tournage ou la post-production ?
Céline Tricart – Le relief a été une préoccupation permanente, du début de la préparation, jusqu’au DCP final… Chaque plan, chaque détail a été pensé pour la prise de vie en profondeur. Où ira le regard du spectateur ? Comment composer un plan large ? Un gros plan ? Comment faire pour que tous les plans raccordent sans « saute de relief » ? Chaque vignette de storyboard reflète l’utilisation de la profondeur, et où se trouvera la « fenêtre », future position de l’écran de projection.
Chaque poste technique avait été briefé sur le relief, et travaillait en accord avec l’effet désiré…
Pour faire simple : l’impact du relief s’est ressenti absolument partout, et tout le temps.
Mais c’était ainsi que je l’avais voulu…
« Deux extraits du storyboard. »
3DVF – Est-ce que l’usage du relief a créé des contraintes ou obstacles imprévus ?
Céline Tricart – Eviter les forts contrastes dans la profondeur à cause de l’effet « ghost », réfléchir tout le temps en profondeur, se forcer à abandonner les réflexes de la mise en scène traditionnelle… Et sans compter les innombrables problèmes techniques, et autres ralentissements dus au fait que relief = deux caméras, deux objectifs, deux enregistreurs, deux fois plus de rushes etc…
Ces contraintes n’ont pas été « imprévues », mais il vaut mieux s’y préparer afin de les dépasser sereinement…
« Plan utilisé lors du tournage d’une des séquences du court. »
3DVF – Au final, que retires-tu de cette expérience ?
Céline Tricart – J’en tire énormément d’expérience, beaucoup de choses à repenser, recréer, et surtout la motivation pour continuer les recherches sur la narration et la mise en scène en relief ! Tout reste encore à inventer, c’est un terrain vierge à explorer…
3DVF – Orienter sa carrière dans le domaine du cinéma en relief n’est pas quelque chose de courant, qu’est-ce ce qui t’a poussé à t’intéresser à cette approche plutôt qu’au cinéma « classique » 2D ?
Céline Tricart – J’ai assisté un jour à une projection en relief faisant intervenir la plupart des grands professionnels français sur la question… Les images étaient intéressantes, mais j’ai surtout été frappée par leur appel lancé en fin de projection : Nous avons besoin de trouver une nouvelle narration pour le relief, de trouver une voie différente de celle des films pour les musées ou pour les parcs d’attraction… Alliant mise en scène, narration et technique dite « expérimentale », le sujet m’a immédiatement attiré… Quelques mois plus tard, le bruit courait que le relief semblait vivre une nouvelle apogée aux USA, ce qui m’a décidé d’écrire mon mémoire sur la question…
» Image tirée de « Réminiscence » «
3DVF – Le cinéma en relief n’est pas une nouveauté, puisque déjà dans les années 1950 les grands studios avaient expérimenté cette approche. La complexité technique du procédé a longtemps été un frein, et le relief reste encore très minoritaire dans le cinéma.
Comment vois-tu l’avenir du film en relief ? La technologie est-elle désormais suffisamment mature pour lui permettre de vraiment concurrencer le cinéma traditionnel ?
Céline Tricart – La technologie est désormais plus que mature. De nouvelles solutions rendant la prise de vue en relief aussi simple qu’en 2D naissent chaque jour. Désormais la transmission broadcast en live en relief est possible et impressionnante de possibilités…
La stéréoscopie trouve aujourd’hui sa plus belle chance de survie durable… A une seule condition : Que toutes les personnes désirant réaliser un film en relief se forment très vite à ses règles / possibilités / contraintes, et consacrent toute leur énergie à sortir la 3D de l’effet foire spectaculariste… L’intérêt des spectateurs pour les choses qu’on leur lance à la tête sera bien vite passé. Mais si nous leur prouvons qu’ils viendront vivre au cinéma une expérience tellement forte et plaisante, non reproductible dans leur salon, sans maux de tête et autres désagréments dû au relief mal réglé, alors la troisième dimension aura réellement une chance de s’implanter définitivement dans le paysage cinématographique.
» Image tirée de « Réminiscence «
3DVF – Selon toi, quels sont les progrès et améliorations techniques que l’on peut espérer voir arriver dans les années à venir ?
Céline Tricart – Encore plus de simplicité et de rapidité dans la prise de vue en relief… Et aussi l’arrivée des écrans 3D ready dans les foyers, ce qui convaincra définitivement les producteurs et les chaînes de télévision d’investir massivement dans le relief. Enfin, une généralisation du relief dans toutes les chaînes de post-production, rendant le travail de montage, étalonnage et réalignement des vues droite et gauche plus rapide et intuitif.
3DVF – Pour finir, et toujours en parlant d’avenir… Quels sont tes futurs projets dans le domaine du cinéma relief, que ce soit au niveau personnel ou professionnel ?
Céline Tricart – Je me consacre depuis ma sortie d’école uniquement au relief… Il y a sans cesse des opportunités d’améliorer mes connaissances, et d’approfondir mon expérience technique dans la question… Je souhaite désormais me recentrer sur ma passion première : écrire et mettre en scène pour le relief. Je suis en train de réaliser les premières images pour mon nouveau projet de court métrage, réalisé uniquement en photos 3D. Elles seront disponibles sur mon site internet bientôt… Sinon je suis en pleine écriture d’un autre court métrage, ainsi que de deux longs que j’espère pouvoir mettre en images (relief évidemment) dans les années qui viennent…
—— Pour en savoir plus ——
Le site de Céline Tricart : Vous pouvez y retrouver notamment ses précédents films réalisés, des photos (dont quelques anaglyphes) ou encore des informations sur ses projets à venir.
A noter, le mémoire « Réaliser un film en relief » dans le cadre duquel « Réminiscence » a été réalisé est disponible sur demande.
Interview réalisée par Benoît Rogez pour 3DVF.com
Image tirée de « Réminiscence »
