Rencontre avec l’illustratrice Diane Ozdamar


Pensez-vous que cet art puisse sortir de l’écran pour trouver un  nouveau public?


Diane Özdamar : Je l’espère ! Par contre, pour cela, il faudrait que les mentalités changent. Beaucoup de personnes ont tendance à considérer l’art numérique comme quelque chose de simple, quasiment totalement réalisé par la machine, et non pas par l’artiste derrière la machine. J’ai souvent été très surprise de recevoir des messages du type « ma fille de 5 ans pourrait le faire, il s’agit d’appuyer sur un bouton et le tour est joué » qui démontrent à quel point la confusion qui règne sur l’art numérique est grande. À l’ère du numérique, les gens pensent souvent que tout est simple et abordable, réalisable en 5 minutes, sans difficulté aucune. Or, l’art numérique reste fondamentalement le fruit d’un artiste, même si le médium employé est différent de celui de l’art traditionnel.


Le jour où les gens auront compris ça, l’art numérique pourra effectivement sortir de l’écran et trouver un nouveau public.


Quelles sont vos sources d’influences (différents médias)?


Diane Özdamar : Encore une fois, elles sont très diverses. Je suis musicienne et ai donc une sensibilité particulière à ce média. La musique m’aide énormément à élaborer divers univers car elle me permet de laisser vagabonder mon imagination. Le cinéma m’inspire aussi (tout ce qui s’apparente à de la science-fiction en général, et beaucoup de vieux films tels que Metropolis de Fritz Lang, Les Chasses du Comte Zaroff d’Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel, La Jetée de Chris Marker etc….), la littérature, etc… J’ai tendance à piocher un peu dans tout ce qui m’attire, sans faire de réelle distinction.



Quel est votre rapport personnel à l’art?


Diane Özdamar : Il s’agit la plupart du temps d’un rapport de fascination par rapport à la faculté de l’être humain à créer des choses nouvelles à partir d’éléments existants. Parfois, ce rapport est plus conflictuel et il m’arrive de rejeter l’art sous diverses formes pendant de courtes périodes, peut-être à cause d’une saturation.


Malgré tout, l’art a toujours été nécessaire pour moi. Je n’envisage même pas le fait de pouvoir vivre sans art, de ne pas pouvoir créer ou admirer des créations.



Pourriez-vous nous décrire le plaisir du processus créatif et du sentiment d’accomplissement lorsque qu’un oeuvre est terminée?


Diane Özdamar : Le plaisir se situe en général beaucoup plus dans le processus créatif que dans la finalisation d’une œuvre. J’ai justement souvent un sentiment presque dépressif qui s’installe lorsque l’œuvre est terminée, comme si elle m’échappait et ne m’appartenait plus, et qui dure en général quelques jours, avant que je puisse travailler sur une nouvelle œuvre.


Le processus créatif me procure en revanche énormément de plaisir, parfois frustré par un obstacle technique qui se transforme en très grand plaisir une fois surmonté.


Cette phase de création est passionnante, car c’est le moment où je peux affirmer certaines choses, prendre des décisions, modifier totalement ce que j’avais prévu de faire… Elle est faite de surprises et rebondissements. Il m’arrive d’avoir du mal à trouver le sommeil pendant cette période, je pourrais passer des journées à peindre sans penser à me nourrir tellement le fait de voir une œuvre évoluer est prenant.


Lorsque je touche au but, j’ai tendance à beaucoup ralentir, à me sentir très stressée et frustrée car je sens qu’à ce moment-là je suis en train d’abandonner la période de recherches, essais et tatônnements. Il m’arrive d’ailleurs très souvent de poster une œuvre pas tout à fait finie sur les communautés en ligne que je fréquente, souvent inconsciemment, en désirant me faire critiquer et relancer par les internautes, afin de pouvoir reprendre ce processus.



Quelle est votre propre définition de l’art?


Diane Özdamar : Je risque de me faire très sérieusement taper sur les doigts en donnant ma définition, mais tant pis. Je considère que l’art est partout, que ce soit dans un dessin d’enfant, un monochrome, un chef d’œuvre baroque, une présentation culinaire, etc… à partir du moment où « l’œuvre » a été réalisée avec passion. L’art est à mon sens une affaire de passion, de ressenti, le fait de produire quelque chose qui vient du cœur, réalisé avec toute l’énergie et l’âme dont le créateur est capable.


Quelqu’un qui produit quelque chose censé être « artistique » sans passion n’est pas réellement artiste, simplement il se contente d’exécuter une tâche quelconque.


L’art procure plaisir, douleur, doute, joies, frustration… il est envahissant et fait partie intégrante de l’artiste.



Un dernier mot pour conclure ?

 

Diane Özdamar : Je conseille vivement à tous les artistes numériques (en herbe ou non) de s’inscrire sur diverses communautés artistiques et de ne pas avoir peur d’échanger et de tenter de s’entraider. C’est vraiment quelque chose d’exceptionnel pour apprendre et découvrir de nouveaux horizons.
Merci beaucoup de m’avoir donné la parole, j’espère avoir été relativement claire dans mes propos et ne pas avoir dit trop de bêtises. Merci encore, bonne journée.

 


Le site de Diane Özdamar : https://dianeozdamar.over-blog.com/
L’interview en anglais sur It’s Art : https://www.itsartmag.com/features/diane/index.php


Interview réalisé par Patrice Leymarie – It’sArt

 

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