Chris Delaporte – Réalisateur de KAENA

 

 

 


3DVF :
Il semblerait que l’on a affaire à une sorte de fable écologique mélangée à une quête initiatique; peux-tu nous en dire plus sur les thèmes abordés ?


Chris Delaporte : C’est vrai, Kaena est pour moi plus un conte fantastique qu’un film de science-fiction. Je ne voulais pas d’une histoire alourdie par des concepts scientifiques compliqués. C’est avant tout une histoire très humaine d’une jeune fille orpheline qui vit en marge de son peuple. Elle est très proche des enfants car ils n’ont pas encore été formatés par les idées réductrices des adultes. C’est un hymne à la liberté. Kaena veut choisir sa vie, ses croyances, ses dieux.

Le combat entre les Selenites qui sont des êtres de sève en osmose avec la nature et Vécanoï l’ordinateur surpuissant ouvre le débat : qui a raison ? La technologie ou la nature, l’instinct ou la réflexion, la science ou l’ésotérisme. Kaena est l’élément qui rassemble tout, l’équilibre de ces forces qui font d’elle un être intelligent.

 

 

3DVF : On retrouve dans Kaena une approche de la nature qui rappelle parfois la démarche du réalisateur Hayao Miyazaki; quelles oeuvres majeures t’ont influencé dans ton travail ?

 

Chris Delaporte : J’ai découvert Miyazaki assez tard puisque je travaillais déjà sur Kaena depuis plusieurs années. Je suis plutôt surpris d’être autant en phase avec son univers . J’ai été influencé par d’autres œuvres japonaises comme Akira, Gunm que j’ai d’ailleurs données en référence aux animateurs pour certaines scènes d’action. J’ai aussi été très marqué par les premiers films SF de Ridley Scott, Alien I et Blade Runner. Outre la maestria de sa mise en scène il a su donner à ces films une résonnance quasi-mystique. L’Alien reste pour moi la créature la plus fascinante de l’histoire du cinéma SF ; elle est aussi effrayante qu’attirante. Je voulais que les Selenites dégagent ce même charme terrifiant.

Dans un genre très différent et plus actuel j’ai adoré  » La Ligne Rouge  » de Terence Malik. C’est l’un des meilleurs films que j’ai vu de ma petite vie. Sous couvert d’un film de guerre, il traite de l’agitation stérile de l’homme sous l’œil serein de la nature. Il semble nous dire que c’est en nous rappelant que nous faisons partie de la nature que nous trouverons enfin la sérénité à laquelle nous aspirons tous. Je pense que cela m’a conforté dans l’idée que sous couvert d’un film de genre on peut faire passer des messages profonds. Il suffit d’en détourner un peu les codes. Plein d’autres choses ont dû m’influencer dont je n’ai pas conscience aujourd’hui.

 

 

3DVF : Où en était la production du film quand Xilam est arrivé ? Quels changements ont été apportés ?

 

Chris Delaporte : La 3D touchait à sa fin. Nous avions tout juste démarré la post-production. Il n’y a pas eu de gros changements mais plutôt une continuité intelligente.

 

 


3DVF : Parle-nous des difficultés majeures engendrées par la mise en place d’un long-métrage d’animation 3d ?

 

Chris Delaporte : Je pense qu’il faudrait écrire un bouquin sur le sujet.

Aucun modèle existant ne fonctionne. L’animation 2D et le la prise de vue réelle fournissent des pistes mais pas de méthodologie directement applicable à la 3D. D’ailleurs le résultat à l’écran est entre l’animation traditionnelle et le live. J’ai beaucoup travaillé avec Franck Malmin notre directeur technique et Virginie Guilleminot, mon assistante (mieux connue sous le nom de Wonder Woman) pour trouver des méthodes nouvelles répondant à nos besoins spécifiques.
Je pense néanmoins que le plus gros challenge est le temps. On ne peut difficilement réaliser un long métrage 3D digne de ce nom en moins de trois ans. C’est le temps qu’il nous faudrait aujourd’hui pour réaliser un long métrage du même type que Kaena avec l’expérience acquise par l’équipe. Trois ans, cela reste une longue période pour conserver la motivation intacte, l’unité du projet et une bonne entente entre les gens.

 

 

Je pense que le facteur humain sur des projets aussi longs est l’une des clefs du succès. Sur Kaena l’équipe est restée motivée jusqu’au bout, même parfois sans être payée. Après le dépôt de bilan de Chaman et le rachat par Xilam toute l’équipe est revenue finir le film. Il y a un moment où cela devient plus qu’un film. C’est une aventure humaine que l’on décide de vivre ensemble. Ce n’est plus un travail, il ne s’agit pas d’animer une boîte de lessive pour faire plaisir à un client. Il s’agit d’échanges entre artistes pour créer une œuvre la plus aboutie possible. Même si tout cela doit être très organisé pour aboutir au résultat que nous avons obtenu, la rigueur industrielle ne doit pas écraser la créativité de l’équipe.
Un long-métrage 3D doit être un projet commun. Mon rôle de réalisateur est d’être l’âme de ce projet. Mais le film final est l’addition de toutes ces énergies qui ont travaillé dans le même sens.

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