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Rencontre avec Stéphane Bertrand pour l’ouverture d’un DU Technical Artist à la fac du Puy-en-Velay

3DVF – Stéphane, les vieux lecteurs de 3DVF te connaissent sans doute déjà avec tes nombreux projets réalisés avec 3D Émotion depuis plus de 15 ans, mais pour ceux qui sont passés à côté et pour les plus jeunes, nous allons faire un petit retour en arrière. Si on te retrouve aujourd’hui, c’est aussi et surtout pour évoquer la création d’un tout nouveau « DU (Diplôme universitaire) Technical Artist » à la faculté du Puy-en-Velay, où tu as toi-même étudié il y a plus de 20 ans.

Pour commencer, parle-nous parle de ta rencontre avec l’image numérique, la création du studio, et là où vous en êtes après toutes ces années ?

 

Stéphane Bertrand – Salut à la communauté et l’équipe !

En fait, j’ai illuminé mes premiers pixels en IUT informatique. C’était en… 1997-99, le siècle dernier… C’était à travers une toute nouvelle formation informatique qui s’était ouverte au Puy-en-Velay (annexe de l’Université de Clermont-Ferrand), orientée imagerie numérique. Ces études concernaient principalement l’étude et l’implémentation d’algorithmes de traitements d’images. Nous avons découvert l’image de synthèse, sur Softimage. C’était un fameux Sébastien D., docteur en mathématique, qui nous a initiés, et il a réussi à me refiler le virus !

Puis avec un ami de ma promo, on s’est lancé avec la création de 3D Émotion en 2001. Nous avons depuis réalisé de nombreux projets : Motion Design, film promotionnel, film d’animation, hologramme et expériences interactives, réalité virtuelle, etc. Depuis toutes ces années, la liste est longue et variée, mais toutes ces expériences nous ont amenés au fil des années à des projets de plus en plus pédagogiques et scientifiques, et de plus grandes envergures, avec par exemple, la réalisation de plusieurs films fulldomes.

 3DVF – Justement tu évoques l’expérience glanée et la pédagogie qui en découle, et on te sait depuis longtemps très sensible sur ce sujet Nous avions d’ailleurs déjà eu l’occasion d’évoquer une licence Imagerie numérique il y a une dizaine d’année. Où en est cette formation 10 ans après ?

Stéphane Bertrand –   Quelques années après ma sortie de l’IUT, j’ai été recontacté par Vincent Sauvage, l’un de mes enseignants de l’époque, pour la mise en place du programme d’une Licence qui est la continuité du DUT informatique Imagerie numérique.
Cette licence devait répondre au besoin immédiat des entreprises, car elle se déroule en alternance. Elle a bien évolué depuis sa première ébauche, avec 3 parcours distincts : Développement en 3D temps réel, Infographie 3D pour l’Architecture et enfin 3D Généraliste, orientée communication.

Elle continue de s’adapter : les deux premiers parcours sont toujours d’actualités, mais nous avons clôturé le parcours 3D généraliste qui ne répondait plus aux exigences des entreprises : nous n’avions qu’une année pour la formation des étudiants, et de trop nombreuses formations existent désormais sur ce domaine. Mais c’était l’une des rares à l’époque à proposer cela, et à être gratuite !

3DVF – Au travers ton expérience et ton profil aussi bien technique que créatif,, quel est le constat qui te mène aujourd’hui à développer cette nouvelle spécialisation dédiée aux « Technical Artist » à l’université du Puy-en-Velay ?

Stéphane Bertrand – Comme je le disais, les formations généralistes en image de synthèse, pour le film ou le jeu vidéo, sont maintenant nombreuses en France, avec un enseignement de qualité. De même, les logiciels de production ont beaucoup évolué en rendant leurs outils de plus en plus accessibles pour une personne non-technicienne. ZBrush en est un exemple flagrant. Ces suites de logiciels permettent d’aborder un large éventail de production, de A à Z.

Mais justement, par leur généralisation, elles manquent logiquement de spécification pour certains types de réalisations ou de profil d’équipe. Or sur le marché, les clients sont de plus en plus exigeants quant à la qualité des réalisations et à la précision technique de leurs métiers. D’autant que les films qu’ils voient au cinéma ou à la télévision sont de plus en plus beaux, pour ne pas dire extraordinaires. Alors certes, on peut s’adapter à coup de plug-ins ou d’add-on pour répondre à certaines demandes, mais on peut vite atteindre certaines limites.

Il faut donc mettre de nouveau les mains dans le cambouis, afin de maîtriser plus en profondeur ces logiciels et les contraindre liées aux besoins de production. Il nous faut les comprendre et non pas les subir. J’entends souvent parler des bugs — je ne dis pas qu’il n’y en a pas quelques-uns — mais souvent, les plantages interviennent quand on n’utilise pas l’outil correctement, qu’on en fait un usage différent de celui pour lequel il a été conçu.

Je pense qu’il faut savoir revenir aux fondamentaux, à l’info (rmatique) graphi(que).

 

 

3DVF – Comme tu l’évoques, les métiers de l’infographie se déclinent de plus en plus souvent en macrospécialités ; peux-tu justement nous donner ta définition de ce qu’est un « technical artist » ?

Stéphane Bertrand –   C‘est un exercice délicat, tant sa définition est différente d’un studio à un autre. Cela peut être très différent selon un studio de jeu vidéo ou une société de production par exemple, encore plus selon les territoires et les pays.

Les développeurs informatiques (s’il y en a) et les infographistes sont habituellement séparés par une couche de savoir-faire, et les studios s’épuisent souvent à créer un lien entre eux. Jusqu’à présent, ce savoir-faire était comblé par des développeurs sensibilisés à l’image et à la création artistique, ou bien par des créatifs qui connaissaient très bien les outils informatiques, leurs fonctionnements et la structure numérique des données. Ces profils constituent généralement des perles rares, et sont jusqu’à présent des autodidactes pour la partie qui ne concerne pas leurs formations originelles. Ce profil de « Technical Artist » est justement doté d’une double sensibilité, intégrant de plus en plus cette fine couche de savoir-faire, qui n’est d’ailleurs plus si fine que ça quand on y regarde de près… L’emploi de ce type de profil dans une équipe n’est plus anecdotique et devient souvent même une nécessité.

Le Technical Artist se retrouve présent à toutes les étapes d’une production, de la modélisation à la postproduction.  À tel point que dans les plus gros studios, de jeux comme en production cinématographique, il est segmenté en différents rôles qui se déclinent sous l’appellation « Technical » : pipeline, simulation, data visualization, shading, character, image processing, etc. Cela peut donc être un technical artist touche à tout, à l’image d’un infographiste 3D généraliste, ou alors il peut se spécialiser encore dans un domaine précis, comme la simulation de fluide ou le traitement de mocap. Cela dépend de la taille et des spécialités de la structure.

 

3DVF –  Pour toi, quelle sont les prédispositions, les connaissances majeures et les qualités pour faire un bon Technical Artist ?

 

Stéphane Bertrand –  Il faut déjà avoir cette double sensibilité évoquée précédemment. C’est le genre de personne qui s’ébahit devant une fractale et qui cherche en définir l’élément de répétition, ce pattern qui se répète à l’infini. De manière plus terre à terre, c’est la personne qui va chercher à comprendre l’opération entre deux pixels lorsqu’il change son mode de calque sous Photoshop et ne se contente pas du résultat. Car c’est justement ce que l’on va demander à un Technical Artist, découvrir, comprendre et intervenir si besoin sur l’opération qui permet d’obtenir ce résultat.

3DVF –  Avec la création de cette nouvelle année de spécialisation à l’université du Puy-en-Velay,  dis-nous-en un peu plus sur le contenu du programme.

Stéphane Bertrand – Une bonne partie sera consacrée à la découverte et à l’apprentissage d’Houdini. Car justement la philosophie d’Houdini est d’être un logiciel de programmation visuel, par l’enchaînement de nodes qui transforment et malaxent des données, étape par étape. On ne peut pas utiliser Houdini sans comprendre ce qu’est un vertex, et à quoi correspondent les nombreux attributs qu’il embarque avec lui. Nous y aborderons ainsi la création procédurale pour la simulation de particule ou de fluide. 

On étudie aussi le langage Python, qui s’est imposé comme le langage de scripting de référence pour la mise en place de pipeline dans un studio.

Pour les matériaux, en tant que technical artist, on ne peut pas passer à côté de l’apprentissage de Substance Designer. D’ailleurs, nous profitons des liens que nous avons depuis longtemps dans nos formations avec la société Allegorithmic. C’est même un membre de leur équipe de Clermont-Ferrand qui vient former les élèves.

Pour la compréhension d’un moteur de rendu raytracing, nous avons fait le choix de Arnold, qui s’est imposé comme un standard et que je considère comme le plus « brut de décoffrage », pour ne pas dire « brute force » des moteurs actuels. Il est présent dans de nombreux logiciels : sa maîtrise est un atout pour un étudiant.

Pour la postproduction, nous proposons de travailler avec Nuke, qui s’est imposé pour sa souplesse et sa puissance dans de nombreux studios, et son cousin Natron, pour rester dans l’approche nodal.  

Enfin pour la partie temps réel, nous abordons aussi l’Unreal Engine.

3DVF – Concernant l’apprentissage du Python, on imagine que les graphistes purs risquent d’avoir des soucis ?
Idéalement, quel bagage faut-il pour  suivre correctement cette formation ?

 

Stéphane Bertrand –   Python reste un langage relativement simple dans sa syntaxe et permet toutes les formes de programmation. C’est pour cela qu’il est devenu le langage de référence pour l’étude de l’algorithme et de la programmation informatique dans les universités. On peut y faire des choses très simples, comme de la manipulation de fichiers, jusqu’à des choses beaucoup plus complexes : de la simulation ou même du Deep Learning.

Pour nous, l’objectif de ces cours consiste à comprendre les principes de programmation qui sont quelques parts comparables à la construction d’un réseau de nodes. Nous l’envisageons surtout dans un axe de création d’UI (user interface) ou de la manipulation et du renseignement de format comme le FBX, l’OpenEXR ou Alambic.

Globalement, pour Python ou pour le reste de la formation, une bonne base de trigonométrie est recommandée. C’est le pan des mathématiques indispensable à notre métier, qui couvre à lui seul 99 % des besoins. Une fois que l’on a en tête le cercle trigonométrique…


Nous abordons aussi OSL, un autre langage dédié au le développement de shader.

3DVF – Le programme semble particulièrement riche pour une seule année. Qu’en est-il de ton point de vue ?

Stéphane Bertrand –  Tu as raison, et c’est pour cette raison que nous avons fait des choix de ne pas traiter certains domaines.
Nous souhaitons que les étudiants se professionnalisent et soient opérationnels à la fin de la formation. Pour cette raison, nous ne voyons pas tout ce qui concerne la création de personnages comme le rigging, skinning, simulation de muscles, de vêtements, de cheveux, acquisition en motion capture et traitement. Mais il restera de la matière en perspective pour les élèves.

Cette formation se complète par un stage de fin d’année, d’une durée de 2 à 6 mois, à partir du mois d’avril, ce qui permet aux élèves d’acquérir une première expérience professionnelle, ou une nouvelle pour ceux qui ont déjà goûté au stage. De quoi faire un premier pas dans le monde professionnel de la production.

3DVF – Pour résumer, de quels profil et bagage scolaire faut-il disposer pour pouvoir rejoindre cette formation ?

Stéphane Bertrand –   Cette formation est un DU — Diplôme Universitaire. Le seul impératif de diplôme est le baccalauréat. Il n’y a aucune condition d’âge, ni d’autre diplôme, ni de statut. Les candidats peuvent être des étudiants en poursuite d’études ou en recherche de formation complémentaire, mais il peut aussi s’agir de professionnels (salariés, auto entrepreneurs, intermittents…) ou encore des personnes en recherche d’emploi.

La sélection des 10 étudiants se fait sur dossier, qui doit s’accompagner d’un book. Nous cherchons des élèves qui ont acquis les bases de l’infographie 3D, en école ou en autodidacte. Des bases généralistes. Cela peut être par une approche créative ou à travers une expérience en développement informatique. Bien sûr, comme toute formation, nous cherchons évidemment des passionnés, un peu comme nous ) notre époque, et qui ont envie de faire rêver leur futur public.

Selon les cas, le coût de la formation peut être pris en charge par les entreprises pour des salariés (CPF, CIF…), par le pôle emploi pour les demandeurs d’emploi et retour à la formation (AIF ou CIF & OPCA), ou par les étudiants eux-mêmes si poursuite d’études ou réorientation, ou encore d’autres possibilités de financement pour les chefs d’entreprises, indépendants, intermittents du spectacle ou auto entrepreneurs.

Je tiens à préciser que le site du Puy-en-Velay offre un coût de vie universitaire particulièrement intéressant (logements privés à bas coût, logements et université en centre-ville et pas de frais de transport, qualité de vie).

La formation ouvrira ses portes en septembre 2018 et pour plus d’informations, un site officiel a été créé : https://www.tech-art.fr/ . Vous pouvez nous retrouver également au MIFA, pendant le prochain Annecy, au 1er étrage sur le stand 3.000.

3DVF – Merci Stéphane pour toutes ces informations ! On te retrouve sur le forum pour plus d’informations, et même pourquoi pas très bientôt pour évoquer tes derniers projets avec 3D Émotion et notamment votre longue expérience en projet immersifs à 360°.

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