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Tests de moteurs de rendu, par Mac Guff

Mac Guff

 

Dans le cadre des effets visuels de Gaston Lagaffe, le studio Mac Guff a truqué environ 150 plans à l’aide d’éléments 3D, notamment pour les animaux du film et le chat de Gaston.

S’il est encore trop tôt pour évoquer les effets visuels proprement dits, les superviseurs Carine Gillet et Yann Blondel ont pu nous donner quelques informations sur une démarche de test mise en place l’an passé.

Les équipes ont fait des comparatifs entre plusieurs moteurs de rendu du marché afin de déterminer celui qui serait le plus adapté.

Cerise sur le gâteau : Mac Guff a pu nous transmettre un aperçu vidéo de ces essais, sous forme de blind test (vidéo visible plus bas). Vous pourrez donc vous faire votre propre avis sur les résultats obtenus.

 

3DVF : Carine, Yann, tout d’abord merci d’avoir accepté cette interview. Nos lecteurs connaissent évidemment Mac Guff, mais pas forcément vos rôles au sein du studio : pouvez-vous revenir en quelques mots sur vos responsabilités ?

Carine Gillet : Bonjour 3DVF, merci de nous avoir invités. Pour ma part, je  suis superviseur chez Macguff. Je suis spécialisée en rendu et éclairage numérique, mais j’ai une expérience relativement généraliste qui fait que je peux être amenée a travailler sur des projets VFX purement 2D autant que des productions full 3D. Sur le projet Gaston Lagaffe, je suis en charge de la partie 3D.

Yann Blondel : 3DVF, c’est avec plaisir que nous répondons à ce questionnaire. Je suis Superviseur VFX. J’accompagne généralement un film du scénario au DCP (élément prêt à la diffusion) en passant par le tournage et la post production. Ma responsabilité varie selon les étapes du film (scénario, tournage, post-prod), mais avec une constance : c’est un rôle d’interface.

3DVF : Historiquement, vous utilisez V-Ray : quelles sont les raisons derrière ce choix ?

Carine Gillet : Vray est un moteur facile à appréhender qui se veut « clés en main ». Pour une structure comme Macguff qui gère à la fois des projets de publicités, documentaires et du long métrage, il est donc relativement adapté. Il y a des solutions d’optimisation, de bake etc qui en font une solution prête à l’emploi.

Yann Blondel : L’adoption de Vray est une transition entre un moteur de rendu propriétaire et un moteur du commerce. Nous avons testé Vray sur quelques projets (des publicités) et le résultat nous avait vraiment plu. On a donc décidé de basculer l’ensemble de nos productions sur Vray.

ShowReel 2017#1 from Mac Guff on Vimeo.

 

3DVF : Il y a quelques mois, vous avez lancé une série de tests en interne autour des moteurs de rendu, en mettant face à face V-Ray, Arnold et RenderMan (en lien avec Pixar et Progiss, partenaire de 3DVF).
Quels étaient les objectifs derrière ces essais ? S’agissait-il de comparer les fonctionnalités, les performances ? Quels éléments vous semblaient perfectibles chez V-Ray ?
Carine Gillet : Nous avons également testé Clarisse. Macguff a commencé à travailler en début d’année 2017 sur ce projet beaucoup plus complexe qui nous a amenés à nous questionner sur nos outils et notre pipe. Le film implique des créatures réalistes, des « doubles 3D » en quelque sorte » avec des millions de poils et de plumes. Très tôt avant même que je n’arrive sur le projet Yann s’est donc posé la question de comment on allait rendre ces bêtes. Il y a plusieurs moteurs de rendu sur le marché, et même si ils tendent a s’uniformiser, tous non pas les mêmes forces de frappe. Des que je suis arrivée sur le projet tout début janvier 2017, cela a donc été la première partie de mon travail. Yann a acheté un modèle 3D sur le net pour pouvoir commencer des tests, on a fait un groom rapide dessus, puis on a recréé le même environnement dans les 4 moteurs de rendu et commencer a comparer en fonction du cahier des charges de notre projet. Nous avions besoin d’un moteur capable de pouvoir gérer sans trop de souffrances des scènes avec une lourdeur qui s’annonçait conséquente.
Yann Blondel : Je suis persuadé que l’on peut sortir d’excellente chose avec n’importe quel moteur de rendu moderne. Mais il faut y consacrer beaucoup de temps. Mac Guff n’avait que peu d’expériences en termes de créatures numériques « poilues » et nous voulions réduire le plus possible le « challenge ». En gros je flippais (et j’avais raison!).
J’ai pas mal sillonné le net à la recherche d’exemples correspondant à notre cahier des charges et j’ai dû reconnaitre qu’il y avait peu d’exemples convaincants sur Vray.
Un de nos animaux ayant un pelage « doux » cela rendait notre problématique plus épineuse (sans parler du poil blanc). J’ai joué (je ne pratique plus vraiment la 3D, donc c’est plus du test de surface) de mon côté avec plusieurs moteurs de rendu. Carine, qui est infiniment plus compétente que moi, a pris le relais sur les tests de rendu.
Ci-dessous : les différents tests de rendu, sur un asset de chat.
Un blind test est d’abord proposé, les noms des moteurs étant indiqués à partir de 1 minute 22 environ. Un aperçu de rendu avec le moteur sélectionné termine la vidéo.
Nous vous invitons évidemment à visionner la vidéo en plein écran et pleine résolution.

Mac Guff – tests de rendu from 3DVF on Vimeo.

 

 

3DVF : Le marché compte de (très) nombreux moteurs. Pourquoi avoir choisi de tester spécifiquement Arnold et RenderMan ?

Carine Gillet : Ce sont ceux sur le marché qui ont la réputation de gérer le mieux les problématiques de fur, et ça se voit également à l’écran.

Yann Blondel : Le choix d’un logiciel est autant dicté par ses spécificités que par le nombre d’utilisateurs. Quand on doit aligner une dizaine ou une cinquantaine de postes de rendu il faut que le moteur soit assez répandu et/ou assez accessible. Nous avons donc évalué Arnold parce que c’est devenu un standard et Renderman car concernant les problématiques à poil c’est un peu le papa des moteurs de rendu.

3DVF : Comment avez-vous mis en place les tests, et quels types de scènes avez-vous utilisés ?

Carine Gillet : Nous avons créé 4 scènes basiques identiques en termes de bdd. Même modèle, même groom. Puis on a recréé le même environnement dans chaque moteur, shaders et lights propriétaires du moteur. On a ensuite envoyé ces scènes en rendu sur les mêmes machines. Et on a tout comparé : prise en main, shaders, lights, rapidité de travail, optimisations, temps de calcul, gestion du grain, possibilité de workflow des uns et des autres, le développement que chacun allait demander pour arriver à ce que l’on souhaitait, et bien sûr la qualité visuelle et la richesse de l’image finale.

Yann Blondel : On a également fait un blind test au niveau de la boîte avec toutes ces versions pour déterminer ce qui semblait la plus naturelle. C’était interessant de collecter les sensations d’un groupe de personnes.

 

Mac Guff

 

 

3DVF : Maîtrisiez-vous déjà Arnold/RenderMan ? A-t-il été difficile de les prendre en main ?

Carine Gillet : En fait, j’avais déjà utilisé ces moteurs de rendu en production plusieurs fois auparavant dans d’autres studios français ou internationaux. Mais pas sur des problématiques de Fur.

Yann Blondel : Comme je ne fais plus vraiment de la 3D, j’ai une vision superficielle des logiciels. J’avais essayé Renderman il y a quelques années et j’avais trouvé ça extraordinairement compliqué. Aujourd’hui Renderman est devenu beaucoup plus accessible (même si il y a encore deux trois trucs à améliorer).

3DVF : Quels seraient les points à améliorer sur RenderMan, justement ?

Carine Gillet : La passerelle avec Houdini, notamment avec les formats abc et vdb. Et l’intégration de Renderman dans Maya.

 

Yann Blondel : En fait, c’est surtout Carine qui a expérimenté certaines limitations (vu qu’il est extrêmement rare que je fasse de la 3D en production).

En gros, un studio de taille moyenne comme Mac Guff va utiliser Maya comme HUB pour rassembler tous les éléments générés par différents steps et/ou logiciels. Le moteur de rendu doit donc être le plus versatile possible. Les limitations, évoquées par Carine, font que Renderman peut rester rebutant pour de petits studios/boutiques. Et c’est assez dommage parce que c’est un vrai moteur de rendu de production. Ça encaisse de la grosse quantité de datas et c’est extrêmement stable.

3DVF : Avant d’entamer les essais, à quels résultats vous attendiez-vous ?

Carine Gillet : On pensait que ça se jouerait surtout entre Arnold et Renderman. Au final on a plutôt été agréablement surpris par Vray qui ne s’en sortait pas si mal visuellement sur ce test.

Yann Blondel : Effectivement, beaucoup de gens ont trouvé le rendu VRAY plus naturel, plus fluide que celui d’Arnold. C’était vraiment une grosse surprise.

Mac Guff 
3DVF : Quels ont été les autres informations retirées de ces résultats, notamment sur les temps de calcul ?

Yann Blondel : La différence fondamentale ne résidait pas dans les temps de calcul, mais dans l’interprétation de la lumière. Comparativement à Vray et Arnold, la lumière de Renderman illuminait vraiment les poils (avec des vraies zones d’impact de lumière, des vrais rim-lights). Dans le cas d’Arnold et Vray, la lumière était bien plus terne, plus diffuse.
Il y avait également une grosse différence de douceur et de lisibilité sur les zones blanches entre Renderman et les autres moteurs de calculs.

3DVF : Quel bilan tirez-vous de ce test, et quel est votre ressenti final sur les trois moteurs ?

Carine Gillet : Ces tests ont été effectués en janvier 2017 donc ça date déjà un peu. Vray, Arnold et Renderman ont tous des points forts et faibles. Pour notre projet, les enjeux étaient surtout sur la gestion du fur. Le moteur qui nous a le plus convaincus a été Renderman. Techniquement il offrait plus de possibilités, et visuellement on obtenait en sortie brute 3D plus proche de ce que l’on souhaitait. On savait également qu’on aurait a gérer beaucoup de poils blancs, et c’est un élément qu’on a également pris en compte très tôt dans nos tests.

 

Yann Blondel : On a utilisé Renderman pour l’ensemble les plans du film même ceux sans créatures (Extension de décor, Objets CGI). Tout compris ça doit faire 150 plans utilisant de la CGI. Il n’y a que les FX (Houdini) qui ont été rendus avec Vray pour une question de pipe et de facilité d’utilisation.

3DVF : Vous évoquiez plus haut des tests sous Clarisse ; quels ont été vos résultats/impressions sur cet outil?

Carine Gillet : L’approche est intéressante, essentiellement pour des scènes complexes de décor. Concernant le fur ce n’était pas compatible avec notre processus et nos outils de travail sur ce projet.

Yann Blondel : Nous étions impressionnés par la capacité de Clarisse à encaisser un nombre déraisonnable de polygones et d’instances. De là est partie l’idée qu’on pourrait peut-être se lâcher sur le nombre de poils. Malheureusement, nous avons rencontré trop de problèmes d’interfaçage avec Yeti, et ça nous aurait demandé de développer de nombreuses choses dans un court laps de temps.

 

Mac Guff

 

3DVF : Quelles seront les conséquences de ces essais pour Mac Guff ?
Allez-vous faire évoluer votre solution de rendu ?
Carine Gillet : Pour notre projet à créatures, nous avons donc porté notre choix sur Renderman. En parallèle, nous avons conservé VRay pour les autres projets en cours au sein du studio. Nous étudions  l’utilisation de Renderman pour certains de nos prochains projets.Yann Blondel : Je ne connais pas les stratégies de Mac Guff au long cours, mais personnellement je suis très convaincu par Renderman. En tant que Superviseur VFX je trouve que ce moteur apporte une richesse à l’image (notamment au niveau du réalisme de la lumière).
Pour en savoir plus

– Le site de Mac Guff ;

– Gaston Lagaffe sortira le 4 avril prochain dans les salles françaises ;

– Le site de Progiss, partenaire de 3DVF et revendeur exclusif des solutions Pixar/RenderMan en France.

Page suivante : version anglaise de l’interview.

 

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