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Vincent Ménier, character artist

Vincent Ménier

Artiste basé en Allemagne, Vincent Ménier a eu l’occasion d’exercer ses talents de character artist dans des domaines variés, du jeu vidéo à la conception de figurines de collection.
Nous vous invitons à découvrir son univers et ses méthodes de travail dans une interview ; l’occasion également d’évoquer ses inspirations et les différences entre la France et l’Allemagne.

 

 

3DVF : Quel est ton parcours, et pourquoi avoir choisi une spécialisation en tant que character artist ?

Vincent Ménier : Comme beaucoup, j’ai un parcours très chaotique et il m’a fallu un certain temps avant de trouver ce que j’aimais. Convaincu que j’allais suivre les traces de mon père, je suis d’abord allé en prépa HEC ou j’ai tenu 7 semaines avant de partir. Ce n’était vraiment pas pour moi ! Par chance j’ai réussi à rentrer dans une école de VFX. J’y ai étudié 3 ans puis j’ai enchaîné sur 2 ans d’école d’animation traditionnelle.
Après 5 années d’études, j’ai décidé de tenter l’aventure canadienne et je suis parti m’installer à Montréal où j’ai très vite reçu un grand choc. Je me souviendrais toujours de ce soir où un directeur artistique m’a dit nonchalamment « Ton travail est nul et je ne peux pas t’embaucher. » C’est probablement la plus grande aide que j’ai reçue à ce jour ! J’ai tellement été blessé dans mon égo que je me suis mis à travailler comme un furieux jusqu’à décrocher mon premier emploi dans une compagnie d’outsourcing pour le jeu vidéo quelques mois plus tard.

 

Ensuite j’ai sauté de boulot en boulot en gardant une philosophie en tête: « Si je stagne et que je n’ai plus de défis, il est temps de changer de job. » Ça m’a permis de ne jamais m’ennuyer et m’a donné l’occasion de travailler dans des milieux très variés allant de la figurine de collection Disney à la cinématique de jeu-vidéo AAA chez Unit Image.
Concernant mon orientation vers le character art, je n’ai pas vraiment de réponse intelligente à donner. Je pense simplement que j’ai toujours été fasciné par la beauté des humains sous toutes leurs formes. J’adore les personnages qui racontent des histoires, aussi simples soient-elles parfois. Quand je travaille sur un personnage, j’ai envie que le joueur/spectateur puisse établir une connexion avec celui-ci. Moi-même, j’essaie de m’immerger dans son monde en espérant que ça transparaisse dans le produit fini.

 

3DVF : Quels sont tes outils favoris ?

J’ai tendance à utiliser des logiciels différents en fonction de ce que le projet requiert mais ZBrush reste la clé de voûte de tout ce que je fais. C’est le logiciel qui m’a fait aimer mon métier. Je pense que sans ZBrush, je n’aurais jamais persévéré jusqu’à percer et je me serais probablement orienté vers l’écriture ou le game design.

3DVF : Revenons sur certains de tes projets récents. Tu as travaillé sur le jeu mobile Blood Runs Cold, développé et édité par le studio Bigpoint : quelles étaient tes responsabilités ?

Sur BRC, j’étais Character Artist et Character Designer. En général ces deux postes ne sont pas réunis mais l’équipe était réduite (20 personnes) et nos deux Concept Artists étaient très pris côté environnement.

Vincent Ménier

 

3DVF : Tu n’étais pas le seul artiste à travailler sur le character design : le character artist Lee Davies faisait lui aussi partie du projet, en tant que lead. Comment s’est déroulée votre collaboration, notamment pour faire en sorte de conserver des personnages cohérents entre eux ?

Lee et moi nous sommes rencontrés sur un précédent projet qui n’a pas abouti. Quand BRC a démarré, l’équipe n’a pas changé et Lee et moi étions devenus très potes. Cependant, nous avons des styles très différents. C’est un expert en caricature alors que j’ai tendance à être plus proche du style Disney. On a eu toute une phase d’exploration ou on faisait chacun ce qu’il nous plaisait sans se préoccuper l’un de l’autre, quitte à aller chercher des extrêmes qui juraient totalement entre elles. Puis on a eu toute une phase de rapprochement ou je rendais mes personnages un peu plus matures de mon côté alors qu’il s’éloignait de la caricature du sien. Pour finir, on a chacun choisi les personnages qu’on voulait faire et il a pris les plus « goofy » tandis que je me suis occupé de ceux qui étaient un peu plus « lisses ».

3DVF : Tu as créé le personnage de Paige Harper : un défi de taille puisqu’elle est la protagoniste principale. Comment as-tu abordé son design ?

Paige a connu pas mal d’itérations, notamment parce qu’elle était très peu élaborée du point de vue narratif lorsque j’ai commencé à travailler sur elle. C’est là où j’ai eu la chance de travailler avec des Narrative Designer très ouverts qui m’ont permis de faire des suggestions quant à l’histoire de Paige, à travers son design.
Au début je suis parti d’un personnage de film qui me faisait penser à l’esprit que je souhaitais pour Paige, à savoir Maddy Bowen dans Blood Diamond, jouée par Jennifer Connelly. Puis j’ai exploré différentes variations de style, plutôt réalisme stylisé, plutôt cartoon et enfin je me suis dis « pourquoi pas ne pas essayer d’autres couleurs de peau également ? » Du coup il y a eu une version de Paige indienne pour finir sur un personnage noir américain. Il a fallu cinq ou six itérations pour arriver au design définitif mais Paige a toujours gardé la coiffure de Maddy Bowen. J’aime bien l’idée qu’un élément de l’intention initiale ait été conservé jusqu’à la fin.

Vincent Ménier

Vincent Ménier

 

3DVF : Tu étais également en charge des blendshapes : quelques mots à ce sujet ?

En soit créer une base d’expression faciale n’est pas très complexe si on a sculpté le visage de son personnage sur un basemesh avec une bonne topologie. Il suffit d’avoir quelques connaissances en anatomie et de bien étudier des références pour obtenir quelque chose de crédible.
Là où ça devient complexe mais surtout plus intéressant, c’est de se demander comment sourit un personnage par rapport à un autre ? C’est de l’acting en fait ! Par exemple, pour Paige je voulais un sourire très chaleureux alors que Robin a un sourire étrangement bienveillant. Emily quant à elle a un sourire très innocent alors qu’il y a quelque chose de dérangeant à propos du sourire de Kate (personnage à découvrir en jeu). Pour chercher ces nuances, j’essaie de me glisser dans la peau du personnage et je fais les expressions pendant que je sculpte. Ça fait beaucoup rire mes collègues au passage car je tire des têtes pas possibles !
3DVF : Emily Swift fut un personnage plus complexe à gérer, avec davantage d’itérations. Quelles pistes ont été explorées ? La jeunesse d’Emily a-t-elle été un obstacle pour lui donner une vraie personnalité au niveau visuel ?

Si on regarde les représentations d’enfants dans l’art, que ce soit dans des tableaux de la Renaissance ou beaucoup de jeux-vidéo, on se rend vite compte qu’ils sont souvent ratés. Je crois que les artistes passent tellement de temps à apprendre l’anatomie adulte que ça devient très dur de s’adapter aux proportions d’un enfant. Voilà déjà la première difficulté.
Ensuite, le background d’Emily ainsi que son importance dans l’histoire ont beaucoup changé au cours de la production. Par conséquent j’ai dû faire pas mal d’itérations. Pendant un temps elle était un peu plus âgée et habillée comme un garçon manqué. Finalement, il a été décidé qu’elle devait avoir 9 ans et évoquer une certaine innocence, d’où les couleurs très claires et pures de son costume.

Emily

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