Rencontre avec Dofresh, concept artist et illustrateur

Dofresh
3DVF : Ta série de projets HPL Was Right explore des univers lovecraftiens. Quelques mots à ce sujet ?

Ronan Le Fur alias Dofresh : Quand j’ai quitté mon job de superviseur pour me lancer dans le concept art j’ai du me créer un portfolio  digne de ce nom. A l’époque, je n’avais pas vraiment de travaux correspondant à ce que je voulais faire et représentatifs de mon niveau  de compétence. Or, si vous voulez convaincre quelqu’un de vous confier un boulot de design ou d’illustration, il faut lui montrer des images. Peu importent les diplômes ou le CV, il faut montrer des images. J’ai donc décidé de prendre deux ou trois mois pour réaliser des travaux personnels avant de commencer à démarcher. Il me fallait juste trouver un sujet. J’ai toujours été un fan de Lovecraft ; c’est une référence dans la pop culture  ( même si beaucoup de gens en parlent sans l’avoir lu). Et pourtant il y a très peu d’adaptations cinématographiques de son travail. J’ai donc décidé de me mettre dans des conditions de production concrète et produire des recherches visuelles pour un hypothétique long métrage, adaptation contemporaine du mythe de Cthulhu.
Je me suis  lancé dans une série, à raison d’ environ un ou deux visuels par semaine. Cela m’a permis de me faire plaisir (auparavant, en production, on ne m’a jamais demandé de faire des images de ce genre) et aussi de valider ma méthode de travail. Une fois diffusées sur le net, les images ont connu une assez bonne réception et m’ont valu  de décrocher mes premiers contrats. Je dois dire que ça a été un déclic  et m’a fortement encouragé à continuer dans cette voie. Mais, là encore, j’ai parfois vu sur le net des critiques assez virulentes de « gardiens du temple » lovecraftiens qui s’offusquaient qu’on puisse transposer l’oeuvre de l’écrivain dans un contexte moderne. Certains aussi critiquaient le design des créatures (ils avaient des photos des bestioles en question chez eux, je suppose). Ce fut l’occasion de constater qu’en s’exposant à un large public on prend toujours le risque de se prendre une volée de bois vert. Et ça a été une bonne leçon, car un concept artist doit apprendre à encaisser, son travail est constamment remis en cause et il vaut mieux savoir écouter les critiques. Mais ,dans l’ensemble, les retours ont été très bons et encourageants.
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3DVF : Enfin, tu n’hésites parfois pas à utiliser des couleurs saturées, comme pour « Meet the Queen » (ci-dessous). Quelle a été ta démarche sur cette image, en termes de sujet, couleur et composition ?

Cette image a été créée pour un concours organisé par le site Artstation. Le thème en était les civilisations disparues et l’accent devait être mis  avant tout sur la narration. Dans cette scène des explorateurs rencontrent la petite fille qui règne sur un royaume souterrain oublié. J’ai mis en place une composition assez simple : dans un temple, la fillette fait face aux groupe d’explorateurs, entourée par ses sujets.

C’est assez classique. Par contre, j’ai voulu jouer sur un contraste de couleurs extrêmement marqué (rouge/vert) et presque agressif entre le décor et la reine. Pour le coup, les explorateurs, dans leurs uniformes kaki donnent vraiment l’impression de venir d’un autre monde, ce qui contribue à raconter l’histoire, de façon indirecte. D’une façon générale j’aime beaucoup les couleurs assez vives, beaucoup de mes images ont une dominante très marquée. Mais j’avoue humblement que j’utilise les couleurs de façon très instinctive, sans vraiment chercher à théoriser mes choix.

 

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3DVF : Comment vois-tu ton évolution dans les années à venir, tant sur le plan professionnel que pour tes projets personnels ?

Pour ce qui est projets professionnels j’espère continuer à élargir ma clientèle, tout en fidélisant ceux pour qui j’ai  déjà travaillé. Au niveau des travaux personnels, je me vois bien continuer toutes les séries entamées et, pourquoi pas, les concrétiser sous d’autres formes. J’espère aussi trouver le temps de tester d’autres méthodes de travail, d’autres types de rendu. Un des problèmes de travailler en pré-production est le fait que tous les visuels produits doivent rester confidentiels jusqu’à la sortie du film ou du jeu concerné. Et cela peut prendre des années. Mon portfolio, à l’heure actuelle, est donc surtout rempli de projets personnels. Gageons qu’il va s’étoffer dans les années à venir, au fur et à mesure de la sortie effective des projets.
3DVF : Quels artistes sont pour toi une source d’inspiration ou admiration ?

Je vois deux sources d’influence principales pour moi . D’une part la bande dessinée française avec des auteurs  plus ou moins  connus : on peut citer (entre autres) Moebius, Bilal, Mézières, Manchu, Olivier Vatine ou Fred Blanchard. D’autre part le cinéma, avec les films de Ridley Scott, Michael Mann, Mamoru Oshii, Paul Verhoeven, Stanley Kubrick ou encore John Carpenter. Rien de bien original, j’en ai peur,  mais tous ces artistes ont eu une profonde influence sur ma culture graphique. Je voudrais également ajouter que les romans, notamment de science-fiction,  sont une grosse source d’inspiration. La plupart d’entre-eux contiennent des scènes qui n’attendent que d’être mises en images (ça peut d’ailleurs être une excellente forme d’exercice).

 

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3DVF : Pour finir, aurais-tu des conseils pour les jeunes artistes diplômés qui souhaiteraient suivre la même spécialisation que toi ?

S’il veulent travailler dans le domaine du concept art je leur conseillerais  de ne pas se lancer immédiatement en solo, mais plutôt de faire leurs armes dans un studio. Apprendre concrètement comment se passe une production de film ou de jeu-vidéo et connaître les besoins  et les processus de création me paraît essentiel. Je pense qu’il m’a fallu pas mal de temps pour oser me lancer dans ce domaine, c’est un milieu extrêmement compétitif où vous devrez vous faire une place et en cas de problème vous devrez résoudre les problèmes seul, personne ne viendra vous filer un coup de main. Sans mes années d’expérience en production, je crois que j’aurais vite été débordé.
Et puis parlez anglais, aussi. 🙂

Pour en savoir plus

– Le portfolio de Dofresh sur 3DVF et Artstation ;
– sa page LinkedIn.

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