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SIGGRAPH 2017 : retour sur la publication Constrained Palette-Space Exploration

SIGGRAPH 2017
 
L’édition 2017 du SIGGRAPH a comme toujours été accompagnée de nombreuses publications scientifiques : nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’en relayer une sélection.

Nous vous proposons aujourd’hui de découvrir plus en détails une de ces publications : l’exploration de palettes de couleurs avec contraintes. Un domaine qui a de nombreuses applications possibles, notamment dans le domaine de l’infographie, mais pas seulement.

 

Deux des auteurs, Nicolas Mellado et David Vanderhaeghe, ont accepté de revenir pour nous sur ce travail. Nous en avons également profité pour leur demander de présenter leur groupe de recherche et leurs travaux en cours.

 

 

3DVF : Bonjour Nicolas, bonjour David, et merci d’avoir accepté cette interview. Pouvez-vous nous présenter en quelques mots votre parcours, ainsi que le groupe de recherche CG STORM dont vous faites partie ?

Nicolas Mellado (NM): Bonjour 3DVF.
Pour ma part je suis Chargé de Recherche (CR) au CNRS, et je suis affecté à l’IRIT, l’Institut de Recherche en Informatique de Toulouse, sur le campus de Rangueil.
Dans ce laboratoire je fais partie de l’équipe de recherche STORM, pour « Structural Models and Tools in Computer Graphics ». Cette équipe se compose de 2 professeurs (Loïc Barthe et Mathias Paulin), d’un Maitre de Conférences (David Vanderhaeghe), de moi même, ainsi que d’étudiants en post-doc, thèse, voir stage.
Si nos thématiques de recherche sont variées (animation, synthèse, géométrie), nous nous intéressons aux modèles permettant de représenter, contrôler et traiter l’information dans le contexte de l’informatique graphique.

 

Avant mon affectation, j’ai effectué ma thèse à Inria Bordeaux sur des problématiques d’analyse de forme, suivi d’un post-doc à Londres avec Niloy J. Mitra sur des thématiques similaires, puis enfin mon arrivée à Toulouse, embauché par David dans le cadre d’un post-doc d’un an et demi. C’est dans le cadre de ce projet que nous avons développé l’approche sur l’exploration de palettes.

David Vanderhaeghe (DV): Comme l’a dit Nicolas, je suis maître de conférences à l’Université Paul Sabatier et j’effectue mes travaux de recherche au sein de l’équipe STORM. J’ai démarré l’informatique graphique en tant que demomaker il y a de nombreuses années. Après un Master 2 Image Vision Robotique, j’ai effectué ma thèse à l’Université Joseph Fourier de Grenoble, dans l’équipe INRIA ARTIS (a.k.a MAVERICK maintenant). Durant ma thèse, j’ai passé 6 mois à l’Université de Montréal, puis je suis parti en post-doc à l’INRIA Bordeaux-Sud Ouest.

 

SIGGRAPH 2017

 

 

3DVF : Quels sont vos principaux domaines de recherche ?

NM : Ma thématique de recherche principale est l’analyse de formes 3d, et je m’intéresse particulièrement aux données acquises (par des scanners lasers, caméras de profondeurs, …). Ces données ont généralement la particularité d’être bruitées, incomplètes, et de représenter des scènes variées et complexes, ce qui les rend difficiles à exploiter dans la pratique. Je cherche donc à développer des modèles permettant de faciliter leur utilisation (reconnaissance, reconstruction, récemment visualisation), et ce dans divers domaines d’application (industrie, archéologie, etc.).
Depuis 3 ans, suite à mon recrutement par David, je m’intéresse également à la couleur, qui est une information que l’on manipule couramment en informatique, mais qui reste parfois difficile à appréhender. J’apporte ici mes compétences en analyse et traitement de la géométrie. En effet, nous nous intéressons aux propriétés géométriques des couleurs (par exemple des coordonnées dans l’espace RGB), afin de proposer de nouveaux outils et traitements.

Nous essayons actuellement de renforcer cette thématique dans l’équipe, et plusieurs projets devraient démarrer dans les prochains mois.

DV : Très attiré par le côté artistique et création, j’ai développé durant ma thèse des approches de rendu stylisé, notamment pour le rendu en peinture animée à partir de scène 3D. Durant un post-doc à Bordeaux, j’ai travaillé sur le rendu aux traits temps réel de scène 3D. Depuis ma prise de poste à l’Université, j’ai travaillé sur divers sujets autour de l’informatique graphique, de la stylisation et du contrôle du rendu par l’utilisateur. Le travail sur les couleurs rentre dans cet axe de recherche en regardant quelles informations nous pouvons extraire des données pour construire des nouvelles structures de contrôle pour les utilisateurs. Un autre exemple récent est l’approche Ray Portals, qui permet de contrôler finement l’éclairement d’une scène 3D.

 

SIGGRAPH 2017

 

3DVF : Vous êtes deux des auteurs d’une des publications sélectionnées pour SIGGRAPH cette année : Constrained Palette-Space Exploration, co-écrite avec Charlotte Hoarau, Sidonie Christophe, Mathieu Brédif, Loïc Barthe.

Un travail qui s’intéresse donc à l’exploration de palettes de couleurs, et plus précisément aux outils d’exploration avec contraintes.
Pour les lecteurs qui ne verraient pas forcément ce dont il s’agit, que permettent ces outils d’exploration, et quels sont leurs usages ?
NM : Dans notre contexte, ce que l’on appelle une palette de couleur est en ensemble de plusieurs couleurs (généralement moins d’une dizaine) qui servent à contrôler l’apparence d’un site web, d’une image, d’un logo. Les couleurs qui composent une palette sont généralement choisies par un(e) artiste, qui va chercher à respecter une charte graphique, transmettre une émotion (température des couleurs, harmonie), préserver la lisibilité du contenu, etc. Dans l’article, nous appelons ces critères des *contraintes*, qui doivent être respectées lors de la phase dite d’*exploration*, c’est à dire lorsque l’artiste choisit les couleurs qui vont former la palette finale.
Les outils d’exploration de palette de couleur fournissent à l’artiste un moyen de préserver ces contraintes, et lui permettent de se focaliser sur l’aspect artistique de la recherche. Dans la pratique, la majorité des outils existants (Adobe Color CC, Paletton), offrent la possibilité de manipuler un nombre restreint de couleurs (3 ou 4), en assurant leur harmonie: couleurs complémentaires, analogues, etc. Pour ce faire, l’utilisateur définit le type d’harmonie désirée, et peut ensuite manipuler les couleurs une à une, les autres couleurs étant mises à jour par le système de sorte à respecter les règles d’harmonie.
En complément de ces outils interactifs, on trouve également des systèmes dédiés à l’optimisation d’une palette existante afin de respecter des contraintes plus complexes, comme par exemple pour assurer la lisibilité pour des personnes atteintes de déficience visuelle, comme le daltonisme par exemple.
DV : Effectivement la mise au point d’une palette de couleur est une étape essentielle dans la création graphique. Avec nos travaux nous voulons faciliter la création de nouvelles palettes et permettre aux utilisateurs de tenir compte de multiples contraintes. L’utilisateur se focalise sur la description de ce qu’il veut et laisse le système faire les compromis pour respecter ces contraintes.

 

Interpolation

 

3DVF : Un des apports principaux de votre publication est l’utilisation de graphes. Que pouvez-vous nous dire sur cette approche et son intérêt ?

NM : Notre publication présente un formalisme permettant de généraliser les outils d’exploration interactive de palettes, de sorte à pouvoir considérer au sein d’un même système des contraintes variées et parfois antagonistes.
Pour donner un exemple simple, le cercle chromatique, qui est l’espace de base pour la définition des notions d’harmonie entre les couleurs, ne prend pas en compte les propriétés du système visuel humain. Ainsi, manipuler les couleurs uniquement dans cet espace (comme c’est le cas pour les systèmes existants) peut entraîner des modifications du contraste perçu entre les couleurs. Dans notre approche, il est possible de combiner des contraintes de contraste et d’harmonie par exemple, et trouver la ou les palettes offrant un *compromis* entre ces contraintes.
Pour cela, nous représentons les palettes de couleurs sous la forme d’un graphe où les contraintes connectent explicitement les couleurs entre elles. Plus précisément, nous construisons ce que l’on appelle un hypergraphe, c’est à dire que nous considérons des contraintes connectées à un nombre arbitraire de couleurs:
 – une contrainte unaire (qui concerne une seule couleur) va permettre de représenter les propriétés d’une couleur, propriété que l’on veut préserver pendant l’exploration: saturation, teinte, etc. On peut également contraindre la couleur à rester dans un espace de couleur prédéfini, par exemple l’espace des couleurs de peau.

– une contrainte binaire va contraindre 2 couleurs, l’une par rapport à l’autre. Cela permet de préserver des contrastes par exemple.
– une contrainte dite n-aire va contraindre un groupe de n couleurs, par exemple pour préserver la luminosité globale lorsque l’on applique la palette sur une image.
Cette représentation offre l’avantage de pouvoir exprimer la plupart des contraintes de l’état de l’art au sein d’un même modèle. Nous montrons par exemple comment représenter la potentielle déficience visuelle d’un observateur ou la consommation énergétique requise pour afficher la palette, tout en contrôlant l’harmonie entre les couleurs.
DV : En complément je dirai que la représentation des contraintes sous formes de graphe est un outil technique pour notre approche. Si on imagine un outil pour graphiste, ce graphe sera caché. L’utilisateur aura des outils de plus haut niveau pour décrire la configuration entre les couleurs et le graphe sera généré automatiquement. Il s’agit donc surtout d’un outil pour nous, pour comprendre les interactions entre les couleurs lors de l’exploration.

 

Interpolation
 
Interpolation

 

3DVF : A partir de la formulation mise en place, vous évoquez deux stratégies pour explorer les palettes : quelles sont-elles ?

NM : Une première stratégie se calque sur les outils existants : l’exploration interactive. L’utilisateur édite une couleur de la palette, et le système recalcule les autres afin de respecter les contraintes. Si les contraintes sont contradictoires et/ou ne peuvent pas être totalement respectées, le système trouve le meilleur compromis.
La seconde stratégie — l’interpolation — est proposée pour la première fois dans notre publication. À partir de 2 palettes fournies par l’utilisateur, le système calcule un chemin d’interpolation, qui va permettre de passer d’une palette à l’autre de manière continue, tout en respectant les contraintes entre les couleurs. Sans notre approche, il est possible de « mélanger » des palettes en interpolant leurs couleurs une par une.

Avec cette interpolation couleur par couleur, les relations et les propriétés des couleurs sont ignorées. En comparaison, notre approche interpole toutes les couleurs en même temps, et les ajustes pour respecter les contraintes définies dans les palettes fournies par l’utilisateur. Chaque couleur suit donc un chemin pour passer d’une palette à l’autre en respectant les contraintes.
En résumé, notre méthode optimise les chemins d’interpolation des couleurs pour respecter au mieux les contraintes des palettes initiales.
DV : C’est vraiment deux applications de notre formulation avec des visés applicatives différentes. L’exploration correspond plus aux outils habituels pour la création de palette. L’interpolation prends son sens lorsque l’on veut fabriquer des palettes intermédiaire, par exemple pour passer continument d’un mode jour à un mode nuit pour un affichage (de GPS, de téléphone …)

 

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