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Rencontre avec François Gardinal, co-fondateur de Toonkit Studio

 

Nous avions déjà eu l’occasion de rencontrer François Gardinal  il y a une dizaine d’années à Angoulême, alors qu’il travaillait encore chez Moonscoop en tant que modeleur, rigger et généraliste sur différentes séries telles que « Les 4 Fantastiques », « Code lyoko »… Depuis cette époque, il a eu l’occasion de créer Toonkit, au côté de Cyril Gibaud, Nicolas Lambert et plus récemment Boris Carquillat qui les a rejoints (entre temps, Nicolas est reparti vers de nouveaux horizons professionnels).

 

Toonkit se spécialise dans la création d’outils dédiés à l’animation et se concentre plus particulièrement sur la délicate étape du « Rigging » de personnages 3d. Lassé de constater la négligence de nombreux studios sur cette étape préliminaire (pourtant essentielle à toute animation de qualité), l’équipe de Toonkit a développé son propre outil d’autorig et de gestion d’asset : Oscar. Nous avons profité du dernier festival d’Annecy pour recroiser François et son équipe afin d’en savoir un peu plus sur le chemin parcouru depuis, et notamment sur Toonkit et leur étonnant logiciel Oscar…

3DVF – François, pour commencer, peux-tu te présenter aux lecteurs de 3DVF, et nous raconter ton parcours et ta rencontre avec la création numérique et l’animation ?  

François Gardinal :  L’occasion m’est donnée de rendre hommage à tous les artistes numériques de ma génération qui ont donné leur vie aux métiers passionnant de l’animation…et oui, c’est un sacerdoce ! J’ai toujours été fasciné par l’univers électronique au travers du prisme de la musique, de Pink Floyd, Giorgio Moroder, Vangelis, à Jean-Michel Jarre… Comme tous ceux de ma génération, je le suis fait embarquer par Blade Runner, Alien ou la Guerre des Étoiles au format 768*576… Je suis un enfant de la télé…eh oui !
En 1995, j’avais la chance d’habiter à seulement quelques kilomètres de Supinfocom à Valenciennes… Les Laptop, les mobiles, internet n’étaient accessibles qu’à des pionniers (musclés d’ailleurs !). C’était encore l’époque des premiers Imagina et de l’oeil du Cyclone sur Canal+… Krafwerk faisait alors ses premières intégrations d’animations filaires dans des clips vidéos, et Supinfocom s’offrait à moi : un OVNI où les étudiants se ruaient le soir dans les salles de cours pour réserver l’accès aux machines pas encore connectées… Une fourmilière indescriptible de fascination, de motivation et de rêves de futur… Un lien direct avec les mondes virtuels et le monde d’aujourd’hui… Mc Guff, Buff, Exmachina(RIP) et tant d’autres se pressaient pour nous voir, nous les jeunes infographistes. Comment ne pas devenir addict dans de telles conditions ? La passion du partage est née de cette époque, et aujourd’hui, bon nombre des étudiants de ma promo sont devenus les chefs d’entreprises de sociétés qui continuent d’innover. J’ai longuement travaillé à Angoulême, un autre berceau de talents formidables. Cette ville où 250 auteurs de BD alimentent la création et l’image. C’est vraiment un lieu hors norme qui voit affluer chaque année des milliers de visiteurs venus du monde entier à l’occasion du festival international de la BD. Et c’est en 2007 que l’envie m’a été donnée de sortir de la petite lucarne de la télévision, pour travailler pour le cinéma d’animation.

 

3DVF – Pour en venir à justement à ta rencontre avec l’animation et plus particulièrement à l’aventure ToonKit, qu’elle était l’idée du projet ? 

François Gardinal : La rencontre de Cyril Gibaud, le président de Toonkit à Paris chez Def2shoot en 2007 a été déterminante et a permis la naissance de Toonkit. Il bénéficie d’une formation de développeur et d’un cursus scientifique. Cyril est un concepteur, un créateur, passionné de technologie, de sciences et de développement informatique depuis son enfance. En 2007, Il travaillait depuis quelques années dans la pub et l’animation était déjà sa passion… L’embryon d’Oscar germait déjà dans sa tête. Après avoir fabriqué les personnages de “Un monstre à Paris” en 2009, nous avons décidé de nous lancer dans la création d’une structure. Ensemble, nous avons entrepris ce chemin fou : créer Oscar, et répondre au défi du rig pour les productions d’animation, et nous affranchir des logiciels 3D (Maya, max, XSI, Lightwave, Blender…) pour trouver une solution unique. Des centaines de milliers de lignes de commandes, des milliers d’heures de travail acharné et 5 années ont été nécessaires à la genèse de Toonkit pour enfin réussir à proposer une prestation externalisée. Aujourd’hui, c chose faite. Le pari de nous concentrer sur une spécialité et de capitaliser chaque production nous a amenés à rencontrer d’autres spécialistes et de travailler sur des projets très variés :  des VFX, de la motion capture, de la réalité virtuelle, du rendu et même du jeu vidéo. Aujourd’hui, plus qu’hier, tout est affaire de spécialistes. La mutualisation des efforts et la capitalisation des expériences sont vraiment au cœur de la philosophie de Toonkit.


3DVF – Avant d’en venir à Oscar, peux-tu nous nous en dire plus sur votre spécialité, la création de rig, et les différences de votre point de vue induites par le type de projet (série, film, Jv…)? 

François Gardinal : Le rig constitue le moteur de l’animation. L’animateur pilote sa marionnette grâce à cette machinerie (ou un acteur à partir duquel on capte les mouvements). Une production d’animation de série, un long métrage d’animation, un jeu vidéo, du keyframe ou de la motion capture n’ont pas les mêmes priorités de rig. Même si les déformations, les performances, l’ergonomie des outils seront toujours primordiales et sont au cœur des préoccupations des riggers, les principales priorités du producteur diffèrent quelque peu. Il faut donc avoir une idée très précise des aspects qu’il faudra prioriser en fonction du cahier des charges.

 

 


La production d’une série ressemble souvent à un marathon. Dans ce cadre, le rig est mis à rude épreuve et il n’est pas rare d’avoir 20 à 30 animateurs qui travaillent simultanément avec les mêmes personnages, dans des scènes différentes, pour fabriquer 676 minutes d’animation (52 * 13 minutes), avec la même priorité : respecter des quotas d’animation très élevés (sec / jour / animateur) grâce à un contrôle maîtrisé, une mise en pose efficace et une performance optimale. Il faut donc gagner la moindre seconde de performance pour chaque commande présente dans l’outil d’animation, car celle-ci est reproduite des milliers de fois par journée de production.

En faisant un petit calcul sympa et par l’absurde, un personnage principal qui est vu sur tous les plans, soit 600 minutes d’animation, et aura été manipulé plusieurs milliers d’heures en fin de la production : il est donc primordial que tous les critères liés à la performance soient pris en compte comme axe principal de contrainte pour le rigger. Il faut également des outils et des méthodes qui vont permettre de reconstruire un personnage à n’importe quel moment de la production, à coûts réduits : un bug non identifié (la perfection n’existe pas à ce niveau de complexité), plusieurs milliers de nodes à gérer, une fonctionnalité à réadapter, une modification artistique, etc… Sans un pipeline hyper-optimisé, la moindre petite erreur devient très vite dramatique.

 

 

 


Sur un long-métrage, il s’agit d’un travail d’orfèvre. Pour un rig de film, à travers notre expérience, la contrainte principale réside dans la qualité de la mise en pose : il faut un contrôle parfait et un maximum de contrôleurs pour “dessiner” chaque pose, chaque partie, avec un minimum d’automatisme. Le travail de skinning est beaucoup plus précis et d’autant plus long que le nombre de contrôleurs est important, et un grand nombre de shapes correctrices viennent participer à la déformation. D’ailleurs les outils internes des logiciels 3D vont dans ce sens (notamment Maya 2017). Les intentions artistiques, la quantité d’apparitions et sa taille à l’écran (​en France, elle varie de 4 à 27 mètres de base)​, font que les enjeux artistiques priment.

Le jeu vidéo représente quant à lui souvent une performance technique. Un rig de jeu vidéo doit avant tout être performant et les plug-ins ou les node customs sont proscrits à cause de l’intégration dans le moteur du jeu. Toonkit a désormais fait le lien avec ces contraintes techniques et artistiques, et notre solution, Oscar, permet de standardiser l’ensemble des procédures de transferts et permet de rendre compatibles les assets d’animation : entre les standards de rigs d’animation et les rigs de jeux vidéo, la compatibilité se fait aujourd’hui sans problèmes !


Que ce soit pour du jeu, du VFX, de la série ou du long-métrage, et quel que soit le logiciel choisit, Oscar est potentiellement capable d’assembler n’importe quelle mécanique et de créer les assets et les animations qui en découlent de manière uniforme. Il est tout à fait concevable de fabriquer simultanément l’animation du film qui sera injecté dans le jeu qui se fabrique en même temps… Transversalité, adaptabilité, Oscar est conçu pour aller dans ce sens.

 


François et Boris lancés dans une discussion passionnée durant le Mifa 2017 à l’occasion de la soirée organisée par nos amis de Progiss.

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