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Iconem : la photogrammétrie au service du patrimoine

Iconem
Le secteur du patrimoine fait régulièrement appel à la 3D, outil pratique lorsqu’il s’agit de visualiser, présenter, communiquer des données.
La start-up française Iconem se place dans la lignée de cette approche, mais avec un modèle atypique : ici, la 3D n’est plus simplement un outil de mise en scène, mais de sauvetage.

En effet, l’entreprise a pour objectif de numériser (à l’aide de drones et photogrammétrie) le patrimoine menacé pour en conserver une trace.
L’architecte Yves Ubelmann, cofondateur d’Iconem avec le pilote Philippe Barthelemy, a bien voulu répondre à nos questions. L’occasion de revenir sur la démarche d’Iconem, mais aussi son projet Syrian Heritage. Bien évidemment, la technique n’est pas oubliée, de même que l’aspect économique.

A noter enfin, Iconem a mis à disposition des lecteurs de 3DVF un exemple d’objet numérisé, que vous pourrez télécharger en fin d’article.

Iconem – Présentation et historique

3DVF :  Quelle est la philosophie du projet Iconem ?

Yves Ubelmann, cofondateur : Notre objectif est, sur des sites en danger ou amenés à disparaître, de prendre un maximum d’informations et de pouvoir ensuite les rediffuser. D’une part auprès de la communauté scientifique, qui ne peut pas toujours aller sur place, et d’autre part auprès d’un public plus large qui ne connaît pas forcément ces sites et pourra les découvrir via la 3D.

3DVF :  Quelle est l’origine de l’entreprise ?

Yves Ubelmann : Iconem a un peu plus de 3 ans, la société a été créée sur une idée précise.
Pendant plusieurs années, j’ai travaillé dans des pays comme la Syrie, l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan en tant qu’architecte ; j’y étudiais des sites historiques.

Sur le terrain, j’ai été frappé par la disparition de certains sites, pour différentes raisons : érosion, extension urbaine, mais aussi des destructions violentes dans un contexte de conflit. Ce qui était assez préoccupant, c’est que ces sites qui disparaissaient étaient souvent très peu connus, sans réel inventaire archéologique.
J’étais face à des témoignages de civilisations anciennes, toute une masse d’information qui allait être perdue. Et il n’y avait personne sur le terrain pour les documenter.

Avec Philippe Barthelemy, dont la spécialité est le pilotage, nous avons essayé de trouver des techniques d’acquisition de terrain, qui puissent facilement être déployées. Nous avons débuté avec les drones ; nous étions alors en 2010, au tout début de la démocratisation de cette technologie. Il s’agit d’un outil très utile, qui permet d’acquérir beaucoup d’informations rapidement, y compris sur des zones difficiles d’accès.

En parallèle, nous nous sommes intéressés aux algorithmes de traitement des images et de vision artificielle. Là encore, on se situait au tout début de la photogrammétrie telle qu’on la voit aujourd’hui.

 

 

3DVF : Pour les lecteurs qui ne se seraient pas encore penchés sur la photogrammétrie, pouvez-vous en rappeler le principe ?

Yves Ubelmann : L’idée est de prendre de nombreuses photos d’un même sujet. Un algorithme va détecter des points d’intérêt sur les images de cet objet vu sous différents angles, et la présence d’un même point d’intérêt sur plusieurs clichés permet de le trianguler, donc de le situer dans l’espace.

En faisant cela sur 1000 ou 10 000 images et donc sur un grand nombre de points, on obtiendra un nuage de points très dense (jusqu’à plusieurs milliards de points sur certains projets) ce qui permet d’obtenir la géométrie de l’objet. Et, évidemment, en projetant les images, on peut obtenir un modèle texturé.

 

3DVF : Comme la photogrammétrie était encore naissante lors du lancement du projet, vous avez beaucoup travaillé sur l’aspect R&D…

Yves Ubelmann : Tout à fait. Nous avons contacté Jean Ponce, chercheur français et pionnier de ces algorithmes de reconstruction dense. Il est aujourd’hui directeur du département d’informatique de l’ENS. Nous avons échangé avec lui pour déterminer comment les images que nous prenions pouvaient être traitées pour reconstruire des environnements 3D.

Depuis, nous avons poursuivi le travail avec Jean Ponce (laboratoire Willow, Inria et ENS). Les chercheurs de ce laboratoire travaillent sur des problématiques de vision artificielle, et donc sur le traitement et l’interprétation des images par l’informatique. Le principe de la photogrammétrie en découle assez directement.

3DVF : Quels ont été les résultats de cette collaboration, à vos débuts ?

Yves Ubelmann : L’assemblage des deux technologies, drones et algorithmes de traitement d’image, nous a donné des résultats vraiment intéressants, avec la possibilité de « copier » en 3D n’importe quel environnement.

Evidemment, les techniques se sont fortement développées depuis, c’est désormais quelque chose qui est plus courant, mais à l’époque il s’agissait des premiers essais.

Mes Aynak
Ci-dessus : reste archéologique sur le site de Mes Aynak, en Afghanistan.
Une fois un site/objet reconstruit en 3D, il peut servir de référence documentaire pour les archéologues,
qui s’intéressent notamment aux plans, vues en projection, coupes, etc.

Iconem’s protocol from Iconem on Vimeo.

 

3DVF : Justement, quelles ont été les premières applications ?

Yves Ubelmann : Notre tout premier essai a été fait en Afghanistan, sur un site qui allait être détruit car localisé sur le site d’une future mine de cuivre. Grâce à notre approche, nous avons pu enregistrer l’intégralité du site, en conserver une copie.

Comme ces tests ont bien fonctionné, nous avons décidé de créer une société, que nous avons voulu développer sur les différents terrains sur lesquels il y avait un vrai besoin, à commencer par les pays voisins de l’Afghanistan : Irak, Syrie, etc. Des régions aux contextes difficiles.

3D reconstitution of Mes Aynak – Afghanistan from Iconem on Vimeo.

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