Interview avec Hugo Cierzniak , réalisateur du court-métrage Dip N Dance

3DVF – Le parti pris graphique est celui d’une 3D finalement très 2D, ce qui n’est pas sans rappeler des courts comme Meet Buck, Salesman pete ou Reflexion. Dans quelle mesure t’ont-ils inspiré et qu’est-ce qui t’as attiré dans cette approche ?

 

Hugo Cierzniak : Effectivement, ces films ont été une révélation pour moi parce qu’ils ont prouvé qu’il était possible de proposer un univers graphique différent de ce que les films 3D ont l’habitude de proposer. Je trouve ça un peu dommage d’essayer de toujours reproduire avec des budgets incomparables une esthétique imposée par les grosses majors Américaines et d’un autre côté, j’ai toujours été fasciné par les premières recherches graphiques couleur qu’on peut voir sur certaines pré-productions de film. Je regrette d’ailleurs que souvent, l’esthétique finale du film soit moins séduisante que les recherches faites en préproduction.

 

Avec un film comme celui-là, qui proposait plusieurs d’ambiances différentes, avec des palettes de couleurs très riches, j’ai pensé que partir sur un univers 2D serait plus pertinent pour obtenir un rendu final qui se rapproche de ce côté un peu « rough » des premières recherches couleur. En tant qu’animateur, il fallait de toute évidence mettre un point d’honneur sur l’animation et je voulais absolument éviter une animation trop fluide qui, à mon goût, trahit l’utilisation de la 3D et brise un peu le charme d’un parti pris 2D.

 

Hugo Cierzniak :  Je voulais aussi éviter des aplats de couleur en cell shading parce que je trouve que  cette technique ne donne pas toujours des résultats très séduisants. Visuellement, pour éviter ces deux problèmes majeurs, j’ai décidé d’animer le film à 12 images secondes en moyenne, plutôt qu’à 25 comme on le fait d’habitude en 3D. C’était quelque chose que je voulais essayer depuis longtemps, d’autant plus qu’il faut savoir que la persistance rétinienne ne réagit pas de la même façon au nombre d’images par seconde (framerate), donc 12 ou 24/25, en fonction de l’information que possède l’image.

 

C’est-à-dire que les films en 2D avec des aplats de couleur animés à 12 images secondes n’ont jamais choqué personne, car l’information dans l’image est épurée, alors qu’une image en 3D ou en volume animée à 12 images secondes se voit tout de suite. On sent le côté saccadé, tout simplement parce qu’il y a beaucoup d’informations de volumes dans ces images et qu’on les assimile beaucoup plus facilement à quelque chose de réel que l’on connaît et on sait que dans le réel, on ne bouge pas à 12 images par seconde.

Sur ce film, le pari était un peu risqué parce qu’en repeignant les images, on s’est rendu compte qu’on avait aussi pas mal d’informations entre la teinte de l’objet, son ombre et sa lumière, mais dans l’ensemble, ça fonctionne plutôt bien, et je suis assez content du résultat.

 

D’autant plus que ce choix d’animer à 12 images par secondes, avec un rendu beaucoup plus plat, nous a permis d’intégrer plus facilement les différents éléments en obtenant un univers graphique cohérent. De cette manière, nous avons pu éviter d’avoir un nombre faramineux d’images à calculer, nous avons économisé énormément de temps, en animant finalement deux fois plus vite, et le fait de repeindre les images nous a aussi fait contourner de nombreux problèmes techniques inhérents à la 3D.

3DVF – Concrètement, comment avez-vous mis en place cette approche ?

Hugo Cierzniak : Quand j’ai parlé de cette technique de « rotopaint » autour de moi, tout le monde m’a pris pour un fou et m’a dit que j’allais mettre une éternité à sortir les images avec ce rendu-là. Je me suis dit que la 2D pure avait l’énorme désavantage de devoir être entièrement colorisée, et demande de dessiner aussi les ombres et les lumières, de les intervaller correctement par rapport au volume, etc. Grâce à la 3D, on pouvait sortir cette fameuse passe de cell shading brute, que je trouve particulièrement moche, mais qui présente l’énorme avantage de se calculer très vite et de nous les bonnes informations de lumière, d’ombre et de teinte réagissant avec les volumes, et surtout de précoloriser le tout sans qu’on ait à y réfléchir.

Concrètement, nous sommes partis des séquences d’images en cell shading et on s’est contenté de faire un effet « brush » sur les transitions de couleur, puis nous avons réinterprété à la main certains volumes qui ne réagissaient pas toujours comme on le voulait. C’est un travail plus manuel, qui peut paraître ingrat et fastidieux, mais qui présente l’avantage d’avoir la main mise sur la direction artistique sans trop se soucier des contraintes techniques inhérentes à la 3D.

Pour savoir si cette technique était viable sur la production, j’ai commencé par la tester sur 2 ou 3 plans différents (gros plan, plan large, etc.) afin d’évaluer le temps nécessaire, le ratio « image peinte/temps passé dessus » qui permettrait de donner une idée approximative des quotas qu’il faudrait essayer de respecter dans le planning de production. Après ces tests, je me suis rendu compte que la technique était parfaitement viable, et que j’étais loin d’être le plus efficace à ce poste !


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