Juste de l’Eau

Juste de l'Eau

Tout au long du court, on sent un travail poussé sur les choix de couleurs et oppositions entre teintes. Quelle a été votre approche sur cet aspect du projet ?

Carlos De Carvalho : Je voulais que ma teinte générale s’inscrive dans la continuité de mes autres projets. Do I Have Power avait une dominante de couleur bleu, Premier Automne une dominante verte. Pour Juste de l’eau, la teinte générale repose sur une palette jaune-rouge, couleurs très chaudes en lien avec le sujet.

Sur mes deux projets précédents, mes couleurs sont éclatantes parfois électriques avec des forts contrastes. Dans Juste de l’eau, les couleurs sont plus nuancées, je reste dans des camaïeux de couleurs non mélangées et j’ajoute à petite dose des fragments de couleurs vives. Je voulais retranscrire une multitude de paillettes solaires et un effet kaléidoscopique coloré.

Certains plans sont en opposition de teinte comme le puissant rouge vermillon sur le chaleureux ocre jaune. D’autres sont plus pastels avec l’ajout de touche de blanc pour venir briser les couleurs denses et adoucir l’ensemble. Je pense que ma principale influence trouve son origine dans le mouvement fauviste et ses couleurs libérées.

Color sketch

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Revenons sur le rigging et l’animation : comment avez-vous abordé les cochons, mais aussi leurs visages et les yeux/sourcils ?

Pierric Danjou (directeur technique) : Pour les cochons nous sommes partis sur une base de 5 morphologies différentes qui ont ensuite été déclinées avec différentes tenues pour obtenir un total de 20 cochons de  » foule  » et le personnage principal. Ayant réalisé ce projet sur Softimage, les setups ont été réalisés entièrement avec ICE. En effet, ce système nodal permet une meilleure ergonomie de travail qu’un système avec des contraintes  » classiques  » et une grande flexibilité pour pouvoir améliorer ou déboguer les éléments par la suite en créant ses propres algorithmes mathématiques. De plus, ces setups ainsi créés étaient très légers en terme de frame rate, ce qui été idéal en prévision de plans très chargés que nous allions animer.

Pour la génération des setups, j’ai utilisé un plugin que j’ai développé auparant en Python qui vient automatiquement créer les différents Ice Trees sur les personnages afin de générer toute la structure de bones ainsi que les compensateurs musculaires (à base de bones stretchables) nécessaires aux morphologies de ces personnages. Ceci a permis d’obtenir rapidement la base des setups des cochons et de transférer les enveloppes des skins très facilement.

Juste de l'Eau


Juste de l'Eau

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Pierric Danjou (directeur technique) : S’est ensuite posée à nous la question des différents vêtements. Afin d’alléger et d’optimiser notre pipeline de production, l’option de la simulation a été évitée (sauf pour les voiles des mariées) au profit d’un autre système. En effet, l’idée de ne passer que par du skin aurait pu donner aux vêtements un aspect trop rigide, il fallait donc trouver une alternative.

Pour cela, J’ai développé un système avec ICE venant détecter les collisions de géométries pour venir déformer ou écraser les vêtements à des endroits prédéfinis. Ceci a permis d’avoir un résultat plus naturel qu’avec un simple skin tout en évitant la phase de simulation pouvant être très longue sur ce type de projet.

 

 

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Pierric Danjou (directeur technique) : Concernant les visages, l’intégralité des expressions a été sculptée en shapes afin de respecter au mieux le style graphique du film. Un système de contrôleurs et de blend avec ICE a ensuite été mis en place afin de laisser un contrôle total aux animateurs. L’une des particularités de ce setup facial réside dans la mobilité des yeux et des sourcils sur la surface du visage.

En effet, le design des personnages, avec des grosses têtes et de petits yeux, nous a obligés à devoir bouger ces éléments afin d’accentuer les différentes expressions faciales. La manipulation de ceux-ci pouvant parfois être longue et fastidieuse pour les replacer sur le visage à la main, j’ai donc développé un système ICE venant les coller automatiquement à la surface afin de pouvoir les animer rapidement.

 

 

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Comment avez-vous travaillé sur les caravelles ?

Pierric Danjou : Pour les caravelles, l’étape de setup a été envisagée d’une manière différente que pour les cochons. En effet les trois bateaux étant différents, il était impossible d’automatiser ces générations de setup. Le point important était de pouvoir animer les voiles ainsi que les cordages afin de donner une impression de vent.

Pour les cordages, un système de déformation de géométries par des curves a été mis en place permettant à la fois d’animer en fonction du vent mais aussi en fonction des contacts des personnages interagissant avec eux. Pour les voiles, une première couche de setup a été faite en utilisant des lattices. Mais l’utilisation de ces lattices pouvant prendre du temps aux animateurs, j’ai développé un système de vent automatique paramétrable avec ICE, permettant de faire onduler les voiles sans simulation afin d’enrichir l’animation keyframe ou même de la remplacer pour les plans larges.

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L’eau est un autre élément important. La mer est présente sous forme de vagues, certains plans font interagir l’eau avec les chaînes des ancres des navires et les navires eux-mêmes (vers 2 minutes 30 par exemple). Le personnage principal va même jusqu’à  » soulever  » tel un drap la mer qui oscille à ses pieds (3 minutes 36).
Quelles méthodes ont été utilisées pour ces différents effets ?

Pierric Danjou : Une des étapes de développement la plus importante de ce projet était l’eau présente dans beaucoup de plans du film. Au début, nous avions d’abord envisagé de traiter les vagues en animation 2D. Mais finalement le choix de le faire en 3D est rapidement apparu comme le plus judicieux. En effet ceci nous a permis de récupérer des informations de lumière, d’occlusion et de ZDepth impossible à obtenir avec de la 2D. Pour cet effet, j’ai développé un algorithme ICE à base de particules et de strands permettant de venir sculpter des lignes et de les animer de manière cyclique.

Par-dessus ce système, un autre système de génération de géométrie de manière procédurale a été mis en place afin de suivre parfaitement l’animation et former un support nécessaire pour sortir toutes les passes de rendu. Chaque vague a ainsi été animée et agencée et manière indépendante afin de donner au film ce style graphique si particulier.

Pour les contacts des chaines avec l’eau, la mer a été travaillée comme une surface avec des ondulations générées en ICE afin de récupérer des informations d’occlusion et de masque pour le compositing. La zone de contact avec l’écume a été faite dans un second temps, avec une couche d’animation 2D par dessus les images.

Concernant le plan avec le personnage principal qui soulève l’eau, c’est un plan entièrement réalisé en animation keyframe. Un setup a été conçu spécialement pour ce plan avec des lattices et des contrôleurs permettant de faciliter l’animation.

 

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La musique occupe également une place capitale. Comment s’est passée la collaboration avec Jean-Philippe Goude sur cet aspect du projet ?

Carlos De Carvalho : Travailler sur la musique de Jean-Philippe Goude était comme un rêve pour moi.

Etant un grand admirateur de son travail, je lui ai proposé une collaboration artistique.
Je lui ai envoyé un premier montage du film sur une musique qu’il avait composée en 1994 et, à ma surprise, il a accepté le jour même !
Je m’estime honoré et chanceux d’avoir eu cette opportunité.

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