Guillaume Ruegg : Gatsby le Magnifique, Animal Logic et 3D Matchmovers

Que penses-tu du niveau des artistes locaux en Tunisie, par rapport à ceux que tu as pu croiser en Europe ou Australie ? Les formations locales sont-elles adaptées ? Y a-t-il des progrès possibles dans certains domaines ?

Comme je le disais plus haut, la plupart des artistes que nous avons recrutés ou approchés ont soit été formés en France dans des écoles ou les studios français, ou bien ont été formés par des français dans des écoles tunisiennes. Il existe des liens solides et anciens entre la France et la Tunisie qui apportent beaucoup de similitudes entre les deux systèmes.

Les artistes locaux ont une base de formation solide, ce qui en fait de très bons généralistes.
En termes tracking néanmoins, il n’existe pas de formation adaptée. De toute façon, le tracking est souvent plutôt une question d’expérience. Nous avons ainsi mis en œuvre un cursus de formation pilotée par nos trackers seniors. La clef de la formation d’un bon tracker, c’est le temps, l’envie et l’accompagnement. Nous avons donc investi dans cela ; le cycle de formation dure plusieurs mois avec plusieurs séances de formation évolutive.

Afin de pérenniser cet effort, nous avons lié plusieurs partenariats avec des écoles d’infographie en Tunisie afin de mettre en place quand nous aurons le volume d’activités pour le faire un module de formation au tracking.

En Asie et notamment en Inde, on assiste à une hausse des salaires et compétences.
Qu’en est-il en Tunisie ?

C’est effectivement le constat que nous avons également fait dans la plupart des pays asiatiques. Cette augmentation est durable et ne concerne pas uniquement les studios, mais l’ensemble de l’économie de ces pays : tant mieux pour eux !

Quant à la montée en compétences, elle ne concerne que ces grands studios offshores qui, au travers de l’expérience acquise et l’embauche de hauts potentiels, montent effectivement en compétences, et en prix ! Car ces studios, qui souvent d’ailleurs ouvrent des agences en Europe ou en Amérique du Nord, s’alignent à quelques pour cent près sur la tarification des studios occidentaux.

En Tunisie, le contexte est notablement différent. L’économie tunisienne vit sensiblement au même rythme que l’économie européenne, au ralenti donc ! Le niveau des salaires y est stable.
Le choix de 3D Matchmovers a été d’offrir à ses artistes des niveaux de rémunérations au-dessus de la moyenne afin d’attirer – et garder ! – les plus hauts potentiels.

3D Matchmovers est étroitement liée au développement du logiciel UV Unfold3D. Tu es d’ailleurs membre de l’équipe de développement… D’où vient ce partenariat ?

Ce partenariat est très simple. Le concepteur d’Unfold 3D, Rémi Arquier fait partie du groupe d’infographistes dont je parlais au tout début (AArts). Rémi participe ainsi régulièrement au développement du pipeline de production et des différents scripts qui ont été implémentés pour l’interfacer aux différents soft du marché. Et réciproquement, j’ai toujours alimenté Unfold avec les retours d’expérience des productions dans lesquelles je travaillais, que ce soit pour le débug ou pour les nouvelles features à développer.

Ci-dessous : fonctionnalités principales d’Unfold3D.
A droite, les nouveautés de la version 8.

Quelles sont pour toi les forces actuelles du logiciel par rapport aux autres produits du marché ? Inversement, dans quels domaines doit-il progresser ?

Sa plus grande force a toujours été et reste son algorithme. Il faut savoir que Rémi est diplômé de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé, Docteur en mécanique non linéaire et par-dessus tout, passionné depuis toujours par l’infographie ! La conception de l’algorithme d’Unfold repose sur les publications scientifiques les plus récentes.

Cet algorithme permet simplement d’avoir les meilleurs résultats le plus rapidement. Ensuite tous les outils que nous avons développés au cours des années pour nous adapter à l’évolution du marché. Par exemple avec l’arrivée de Mari il fallait s’adapter au multi UV space. Le produit est très complet et simple d’utilisation, cela ne prendra qu’une heure pour faire le tour du logiciel et être performant avec. Il faut aujourd’hui qu’il progresse dans la communication et le portage multiplateforme. À l’heure actuelle des logiciels comme UV layout se font la part belle car ils ont été portés sous Linux qui est l’environnement de prédilection des grands studios (comme Weta).

Où te vois-tu dans quelques années, dans tes différentes activités ?

Ce qui est certain c’est que je resterai dans ce domaine qui a toujours été ma grande passion.
C’est un métier en constante évolution où personne ne sait de quoi demain sera fait.
Aujourd’hui comme il y a 20 ans, je suis toujours ébloui par l’évolution du savoir et des techniques. La seule chose qui ai changé, c’est qu’aujourd’hui plus qu’hier, je vis ce changement au jour le jour. Et c’est d’ailleurs ce qui me pousse aujourd’hui à passer le cap et à monter un studio : devenir acteur et moteur d’un domaine qui est à la fois technique, économique, universel et surtout… magique !

Pour finir, tu as également travaillé sur un autre projet d’Animal Logic : Lego, La grande aventure.
Peux-tu nous donner quelques informations sur ton rôle sur ce film ?
[NDRL : le film n’était pas sorti à l’époque de l’interview.  Guillaume Ruegg étant encore sous NDA, il n’a pas pu nous parler en détail du projet]

Ce film est visuellement exceptionnel. J’ai eu la chance d’être en lighting et d’apporter la dernière touche à ce travail extraordinaire. Ce projet était un challenge aussi bien du point de vue technique que de la gestion des ressources humaines. Malgré un budget très serré, l’équipe constituée seulement de 30 lighters est parvenue à livrer plus de 1500 plans full CG d’une qualité très élevée en moins d’un an. L’équipe de développement a permis de baisser considérablement les temps de rendu, nous permettant ainsi, malgré un travail titanesque, de respecter la deadline.

Pour en savoir plus

– Guillaume Ruegg sur LinkedIn ;
– Le site d’Animal Logic ;
– Le site de 3D Matchmovers ;
– Le site d’Unfold3D.