ParisFX 2013

ParisFX

Le mercredi après-midi, ParisFX organisait une conférence sur les stratégies internationales de sociétés françaises de VFX et animation. Un sujet orienté « business » et non making-of, donc, mais qui s’est avéré être passionnant en raison du contraste entre les solutions adoptées par Digital District et The Bridge.

Digital District, pour commencer, a mis en place une stratégie simple : conserver une taille humaine en France  (une cinquantaine de personnes) tout en créant des antennes à l’étranger, sur des territoires clés : Belgique, Montréal, Shanghaï.

Digital District y trouve plusieurs avantages, le premier étant de ne pas être trop gros en France, ce qui mettrait en danger la survie du studio. En parallèle, les antennes sont un atout majeur pour séduire les clients hors de l’hexagone, notamment en raison des crédits d’impôts en Belgique et au Canada, mais aussi par proximité géographique et culturelle (marché Chinois).

Pour Digital District, conquérir de nouveaux marchés est vital : entre la concurrence des autres studios/agences et la baisse des budgets, séduire l’étranger n’est pas qu’un simple luxe, c’est un véritable modèle économique. Jusqu’ici, le studio a su se développer en Europe, dans les pays arabes, mais aussi en Russie et aux USA. L’Asie représente un marché nouveau, en plein développement.


Historiquement, ces antennes se sont évidemment développées petit à petit : Belgique en 2010 avec le rachat de Victor 3D, Montréal en 2011 et enfin Shanghaï.
L’ordre de création des entités n’est pas anodin, puisqu’il correspond à un écart culturel et législatif de plus en plus important par rapport à la France, et donc des défis de plus en plus grands.


De gauche à droite et de haut en bas : Vincent Guttmann (compositing), Marine Tuloup (Directrice), David Danesi (CEO).
Digital District

 

Ci-dessous, quelques projets récents du studio.




Sur chaque site, les problématiques sont spécifiques. A Montréal, il faut faire face à une forte concurrence, l’offre étant supérieure à la demande. Pour bénéficier des crédits d’impôts, il faut également recruter un certain quota d’artistes locaux, ce qui peut s’avérer difficile (plus de postes à pourvoir dans les studios que de candidats ayant la nationalité canadienne).

A Shanghaï, les activités portent pour le moment sur le secteur publicitaire, mais Digital District entend bien mettre un pied dans le cinéma, à plus ou moins long terme.
Après avoir envoyé une équipe française sur place, il a fallu recruter et former des locaux. L’écart culturel est parfois très fort. Par exemple, les artistes chinois travaillent aussi durant le week-end… Plus étonnant, les demandes des clients : la 3D doit se « voir », hors de question de faire des effets totalement invisibles et réalistes. Le client souhaite que la dépense en VFX et animation soit clairement perçue par le spectateur, qu’il remarque bien qu’il s’agit de 3D et non de prises de vues 100% réelles. Autre point délicat, les agences ont tendance à vouloir venir à tout moment dans le studio. Il faut donc toujours être prêt à les recevoir.

Malgré ces contraintes, le jeu en vaut la chandelle ; les budgets publicité pour l’Asie, nous a indiqué Digital District, sont équivalents à ceux pratiqués en France.



 

Chez The Bridge, la problématique de la taille des studios a donné lieu à une réponse radicalement différente.
La Compagnie Générale des Effets Visuels, Chez Eddy et AutreChose sont trois studios talentueux, mais leurs tailles respectives ne leurs permettent pas forcément de répondre aux demandes de projets internationaux ambitieux. Alain Carsoux, Jean François Bourrel, Matthias Weber et Stéphane Bidault ont alors décidé d’associer les capacités des trois studios sous une même entité, ce qui amena la création de The Bridge en 2013. Un modèle inspiré de ce qui existe déjà à Londres.
Avec ce rapprochement, The Bridge dispose de 1300m² de surface en trois centres de production et d’équipes bilingues (jusqu’à 150 postes sur un projet, voire davantage).

Pour les clients, ce regroupement simplifie les choses : une seule entité, une seule équipe VFX et un seul superviseur par projet. Et l’aventure commence bien : plus de 4300 plans ont été gérés par The Bridge en 2013.

Bien entendu, le travail n’arrive pas spontanément, et il a fallu développer une stratégie dédiée :
– mise en place d’une démoreel spécifique, composée de projets cinéma – TV des studios fondateurs, en écartant les projets publicitaires ;
– importance de la rencontre physique avec le client. Carla Diamond, International Representation /Executive Producer au sein de Chez Eddy, joue ici un rôle capital. Disposer d’une personne compétente et maîtrisant parfaitement la culture anglo-saxonne ainsi que la langue est une nécessité pour éviter les incompréhensions, mais aussi pour avoir une vraie crédibilité.
– pour les devis, The Bridge prépare un dossier explicatif détaillant ce que l’entité propose pour le projet.

La fin de la présentation a porté sur les aides, et plus précisément sur le système de crédit d’impôt TRIP (Tax Rebate for International Production). Parfait pour l’animation, adapté au live-action, le système pose problème pour les VFX car les conditions pour en bénéficier ne sont pas adaptées à ce marché : contraintes sur le nombre de plans, contraintes culturelles.
Si l’équipe est favorable à un assouplissement des règles, elle souligne tout de même que l’association des trois entités peut permettre de passer au-dessus de l’assiette minimale.

Ces deux conférences, riches en informations, ont été un des points forts de l’édition 2013. On appréciera en particulier la franchise des intervenants, que ce soit lors des présentations ou des questions.

Ci-dessous, de gauche à droite et de haut en bas :
Alain Carsoux (Compagnie Générale des Effets Visuels), Carla Diamond (Chez Eddy), Matthias Weber (AutreChose), Jean-François Bourrel (Chez Eddy).

The Bridge



 

 

Pawl Fulker, directeur créatif et associé de Proof London, est revenu sur la spécialité du studio : la prévis.
Fondé en 2002, Proof n’est pas lié à un studio VFX, contrairement à d’autres entités de prévisualisation.

Fulker a présenté des images des derniers projets du studio : Fast & Furious 6, Pirates !, Green Hornet, Captain America, The Amazing Spider-Man… Malheureusement, la société n’a pas pu obtenir les droits pour nous dévoiler quelques plans de prévis du nouveau Hunger Games, comme cela était annoncé.

Ces images ont permis à Pawl Fulker de montrer la diversité des rendus proposés par Proof London, qui dépendent des besoins de chaque projet.

Ainsi, un toon shader a été employé pour Green Hornet, le but étant de proposer un rendu symbolique, laissant une place importante à l’imagination. Le rendu « basique », très en deçà des possibilités actuelles en 3D (y compris en 3D temps réel), est volontaire : il ne faut surtout pas trop détailler, car un rendu trop précis fait croire que certains points (décor, textures) sont figés, validés. Ce qui peut évidemment poser problème pour le réalisateur, qui ne comprendra pas que le décor très détaillé qu’il a vu en prévis ne soit plus le même dans la version finale.

Proof London - Spider-Man

Prévisualisation pour The Amazing Spider-Man
Réalisateur : Marc Webb
Previsualization Supervisor : Louise Baker
Crédit : Columbia Pictures

Proof London - Green Hornet
Prévisualisation pour Green Hornet
Réalisateur : Michel Gondry
Previsualization Supervisor : Louise Baker
Crédit : Columbia Pictures


Pour le film d’animation Pirates !, des studios Aardman, Proof a également cherché à épurer le rendu, en utilisant une autre astuce : les textures des décors étaient directement issues des esquisses et dessins de l’art department. Là encore, donc, pas de prise de décision sur les détails. Le lighting n’étant pas encore finalisé, un éclairage quasiment plat a été utilisé.

Evidemment, a concédé Pawl Fulker, la prévis très détaillée et réaliste peut être une nécessité sur certains projets. Ce fut le cas pour The Amazing Spider-Man, qui a bénéficié d’un éclairage et de shaders plus réalistes : il s’agissait de tester le relief de certains plans.

Mais dans la plupart des cas, une version stylisée est plus adaptée et va droit au coeur du rôle de la prévis : anticiper et résoudre les problèmes.
L’utilisation du rendu stylisé et du toon shader permet aussi un gain de temps précieux, puisque le shader développé par Proof tourne sur GPU en temps réel.

A noter, le site de Proof Inc propose de nombreux plans animés de prévisualisation, qui donnent une bonne idée du travail que propose la société.

Ci-dessous : prévisualisation pour Fast & Furious 6
Réalisateur : Justin Lin
Previsualization Supervisor : Alex Vegh
Crédit : Universal Pictures

 

Proof London - Fast & Furious 6

 

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