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Making of Tuurngait

Tuurngait

Sélectionné dans une cinquantaine de festivals et couronné de plusieurs prix, le court Tuurngait a récemment été mis en ligne.
Nous vous proposons de revenir sur ce projet de fin d’études à Supinfocom en compagnie des réalisateurs : Paul-Emile Boucher, Remy Dupont, Benjamin Flouw, Mickaël Riciotti et Alexandre Toufaili. 

Avec nous, ils reviennent sur la genèse du court, les influences artistiques mais aussi les difficultés techniques du projet, comme la gestion de la neige ou du relief.
Ils évoquent également leur parcours depuis leur sortie de l’école.

 

 

Comment vous est venu le concept de Tuurngait ?

La culture inuit n’a pas été explorée très souvent au cinéma, encore moins en animation, et la confrontation du chamanisme et des paysages gelés nous séduisait beaucoup. Notre point de départ, c’était l’envie de raconter un conte immersif, de faire découvrir un univers magique et graphique. On a donc commencé une phase de recherches visuelles et documentaires, pendant laquelle le concept du film s’est affiné.

Les sculptures inuit ont été un premier élément déclencheur. Il y est souvent question de possession, d’esprits animaux, de métamorphose… Des thèmes parfois abstraits, mais représentés toujours simplement, d’une manière qui semblait bien se prêter à l’animation. On avait envie de voir la serpentine se tordre, les figurines se métamorphoser, et toutes les légendes qu’elles évoquaient étaient de fascinantes sources d’inspiration. C’est en fouillant dans cette mythologie que nous avons découvert l’existence des Tuurngait, des esprits errants prenant forme animale pour jouer des tours aux humains…

En élargissant nos recherches à la civilisation inuit contemporaine, on s’est aussi aperçu qu’on était bien loin de la vision « carte postale » des esquimaux du début du siècle, emmitouflés dans leurs capuches en poil d’ours. Les inuits sont aujourd’hui sédentarisés, les motoneiges ont évidemment remplacé les traîneaux, et les maisons préfabriquées sont bien plus confortables que les igloos.

Ci-dessous, l’animatique du court.




Une bonne partie des artistes produisent leur œuvres à la chaîne, à des fins commerciales, et la mythologie inuit est reléguée au rang de folklore pour touristes. Certains disent que le progrès est en train de tuer la culture inuit… cette opposition violente entre tradition et modernité est devenue l’un des thèmes du film. Elle a beaucoup inspiré nos deux personnages principaux.

Ci-dessous : références utilisées pour la glace et banquise.

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Quelle a été la répartition des tâches sur le projet ?

Qui dit film de fin d’étude dit hiérarchie atypique! Nous avons tous joué un rôle à chaque étape de la production, mais nous avions des domaines de prédilection.

Paul-Emile : Réalisation (écriture, storyboard, animatique), Matte Painting, VFX, compositing, stéréoscopie.

Remy : Modélisation & rendu des scènes « d’intérieur » (l’atelier, le labyrinthe de glace, l’affrontement sous-marin) et du personnage du père.

Benjamin : Character design, animation, modélisation du harfang.

Mickaël : Direction artistique, éclairage, modélisation & rendu des scènes d’extérieur, rigging.

Alexandre : Animation, rigging des oiseaux, animatique, story-board.

De gauche à droite et de haut en bas :
Paul-Emile Boucher, Remy Dupont, Benjamin Flouw, Mickaël Riciotti et Alexandre Toufaili

Equipe

 

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Quelles recherches visuelles et culturelles avez-vous effectuées pour ce film ?

Les recherches documentaires ont occupé une bonne partie de la pré-production, et peuvent être divisées en trois grandes catégories

– La mythologie inuit : les sculptures, dessins et tatouages de l’art inuit nous ont permis de découvrir les légendes associées. Nous ne voulions pas adapter un conte existant, mais nous en avons lu beaucoup pour en saisir les thèmes et les enjeux. Certaines histoires faisaient par exemple état du monde des mort, un lieu sous-marin, caché par la glace… une idée qui a servi de point de départ à l’affrontement final du film, sous la banquise.

– La civilisation inuit : les références au mode de vie traditionnel des inuit ne manquent pas : photos d’archives, reconstitutions contemporaines… Certains films s’y intéressent même de près : Nanouk l’Esquimau de Flaherty (1922), évidemment, mais aussi des long métrages plus récents, comme Atanarjuat (2001). Le mode de vie contemporain a, lui, été beaucoup moins évident à documenter. Nous avons eu la chance de collaborer avec Florence Duchemin-Pelletier, spécialiste d’art inuit ayant déjà séjourné au Nunavut, qui a pu nous fournir des photos et répondre à nos questions.

– Les paysages du Pôle Nord : aussi étonnant que cela puisse paraître, les décors du film ne sont pas très stylisés! Il existe bien des icebergs striés, des pans de banquise verts, des « palais des glaces » naturels… Nous avons été émerveillés par la beauté irréelle de ces endroits, et avons voulu la retranscrire à l’image.

 

 

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Ci-dessus et ci-dessous : références concernant le mode de vie passé et actuel des Inuits.

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Comment avez-vous abordé le character design des deux personnages humains ? Pourquoi avoir choisi d’habiller l’enfant de façon traditionnelle, et le père de manière plus moderne ?

Il nous a  fallu définir très tôt le degré de réalisme du film en général et des personnages en particulier. L’un des mots d’ordre étant l’immersion, nous ne voulions pas nous tourner vers un style trop naïf, il fallait que les personnage gardent une certaine humanité, une crédibilité, tout en ayant un style attrayant et simple. Encore une fois, nous nous sommes tournés vers les sculptures inuits et l’alternance de grandes courbes et d’arêtes cassantes. Nous avons décidé de faire du père un figure de « papa ours » au sens propre comme au figuré.

Le buste devait être long, le bassin large, la silhouette imposante et le visage dur. Le fils devait lui être plus en rondeur et en douceur, avec des traits fin, de la fourrure…

Nous avions envie que l’affrontement entre la modernité et l’aspect plus typique, traditionnel Inuit dont nous avons parlé plus haut se ressente également dans les personnages. Le père est ancré dans le réel, il possède une motoneige, gagne sa vie grâce à ses sculptures. Le fils quant à lui a l’esprit complètement ouvert à l’imaginaire et au monde chamanique de ses ancêtres.

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