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Interview – Comment RISE a noyé Miami pour le film Reminiscence

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Récemment sorti en salles, le film Reminiscence est le premier long-métrage de Lisa Joy, connue pour son travail sur la série Westworld.
Le film met en scène Nick Bannister (Hugh Jackman), un homme qui aide ses clients à explorer leur passé. L’histoire se déroule dans un futur proche, au coeur de la ville de Miami en partie recouverte par les eaux suite à la montée du niveau des mers.

Le studio RISE était en charge de nombreux effets visuels, dont ceux d’une impressionnante séquence d’ouverture qui montre la ville et son environnement. Un travail très délicat en raison de la durée du plan et de la présence de simulations d’eau.

Florian Gellinger, cofondateur de RISE et producteur VFX, fut le superviseur VFX du projet. Il a bien voulu revenir en notre compagnie sur les principaux défis techniques et artistiques du film.

3DVF : Rise a fait un travail impressionnant pour le film Reminiscence de Lisa Joy. Le studio a truqué plus de 120 plans avec beaucoup d’eau (dont une ville de Miami à moitié engloutie), des anguilles, des trains, des doublures numériques…
Pour commencer, quelques mots sur votre collaboration avec Lisa Joy et le Production VFX Supervisor Bruce Jones ?

Florian Gellinger – RISE : Bruce est un collaborateur fantastique – toujours de bonne humeur, toujours plein de bonnes suggestions qu’il complète avec des références.
Il avait déjà établi la géographie de l’univers du film avec Lisa, la réalisatrice, et Howard Cummings, le production designer, avant que nous ne commencions à construire ce monde. Lisa Joy a un très bon goût en architecture, en art (contemporain) et elle était une très bonne source d’inspiration stylistique. Comme vous pouvez le voir à partir de son travail sur Westworld, elle est très précise et sait comment retranscrire chaque page de script en quelque chose de visuellement impressionnant, avec l’atmosphère adaptée.

Image extraite de la séquence d’ouverture – full CG
© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

3DVF : Quelle était la taille de l’équipe, et combien de temps le studio RISE a-t-il travaillé sur ce film ?

Nous avons débuté le travail sur Reminiscence quand le Covid a frappé en mars 2020. Le tournage a heureusement été bouclé quelques semaines plus tôt en février et nous étions très occupés à mettre en place le télétravail de quasiment toutes les 120 personnes de notre équipe, en quelques jours et avec l’aide de nos excellents départements IT, pipeline et RH.
Nous avons bouclé le projet en octobre 2020, après environ 8 mois de production.

Image extraite de la séquence d’ouverture – full CG
© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

3DVF : Florian, vous travaillez d’habitude en tant que producteur VFX, mais vous avez décidé d’intervenir en tant que Superviseur VFX pour ce film. Pourquoi ce choix ?

Il n’y avait personne d’autre disponible…. Je blague, évidemment.
La plupart des projets étaient reportés en raison du Covid et les tournages ne pouvaient pas reprendre avant août, après un examen approfondi des risques. Certains de nos superviseurs étaient occupés sur des projets qui étaient quasi suspendus mais continuaient à avancer. Je suis parti du principe que Reminiscence serait assez simple et direct par rapport à la manière dont nous approchons les environnements – mais j’avais tort.
Pour revenir à votre question, je pensais que ce serait plus facile pour moi de gérer les deux postes plutôt que de parler à un producteur. Au final, notre production manager superstar, Anne Barger, m’a aidé à vérifier la partie administrative et à m’en sortir avec les informations financières et de production.

Image extraite de la séquence d’ouverture – full CG
© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

3DVF : Le plan d’ouverture du film est sans doute le plus complexe de tout le film : 2 minutes 16 secondes, full 3D (jusqu’à ce que la caméra arrive devant Hugh Jackman), une ville complète, de la simulation d’océan et d’eau. Sans compter que la lumière change, puisque le soleil est animé en timelapse.
Comment avez-vous approché une tâche aussi massive, d’un point de vue artistique ?

Nous avons commencé à regarder des cartes de Miami et Miami Beach, en essayant de catégoriser les bâtiments d’une part en assets que nous pourrions recréer de façon procédurale et d’autre part les assets qu’il nous faudrait créer à partir de rien. Pour les bâtiments procéduraux notre build lead Niklas Roth a choisi les éléments individuels que nous devions créer.
Une fois la carte peuplée de nos assets « hero » et de bâtiments procéduraux, nous avons fait du set dressing procédural en ajoutant climatisations, tentes, lits de jour [NDLR : dans le film, la vie est principalement nocturne], ponts suspendus entre les bâtiments, etc, afin de générer plus de diversité visuelle.
Notre superviseur 3D Matthias Winkler et notre superviseur FX Andreas Giesen ont demandé à leurs équipes d’une part de subdiviser la scène pour la rendre plus facile à gérer, d’autre part d’ajouter des simulations FLIP pour les vagues s’écrasant sur les immeubles. La scène gigantesque était maintenue et mise à jour par le fantastique Bernhard Esperester qui a aussi mis en place des maps HDR cubiques pour toutes les fenêtres des appartements, destinées à être recadrées pour coller la position de la caméra afin de donner un sentiment de profondeur derrière les fenêtres et rideaux.
Nos animateurs ont ajouté trains, bateaux, petites embarcations, mouettes afin de donner vie à la ville, des FX permettant de créer des traînées d’écume derrière chaque véhicule évoluant dans l’eau.
A l’aide de Cryptomatte, notre compositeur et couteau suisse Michael Lankes a allumé les sources lumineuses sur les bâtiments une fois le soleil couché et a assemblé la ville à l’aide de centaines de calques et IDs. Toujours sur le timelapse de la séquence et la journée qui s’écoule en accéléré, nous avons utilisé un sky dome HDR et l’avons retimé jusqu’à obtenir le résultat voulu.
Le soleil 3D a ensuite été animé pour coller à la position du soleil dans le ciel HDR. Dans la seconde moitié du plan, la caméra plonge vers la ville par-dessus un barrage qui retient l’océan Atlantique, puis arrive dans une rue de Miami Brickell [Un quartier de la ville, NDLR]. Nous avons recréé tout l’environnement de la rue à partir du shoot, en 3D, afin d’avoir plus de contrôle sur la manière dont la caméra allait ralentir avant de s’arrêter sur une carte à jouer flottant dans de l’eau dans la ruelle. Enfin, Bannister (Hugh Jackman) ramasse la carte, son reflet dans l’eau étant obscurci afin de garder la révélation de son identité pour le moment où la caméra s’oriente vers le haut.
Cette partie du plan a été assemblée au compositing par Jonathan Weber et Roy Hoes, en ré-intégrant les extras que nous avions dû rotoscoper et re-projeter afin de conserver un côté temps réel alors que la caméra se déplace encore à grande vitesse.
Je ne saurais dire combien d’artistes ont contribué à ce seul plan, mais au final tout le monde dans l’équipe a sans doute travaillé dessus à un moment donné.
Le plus délicat à gérer sur ce plan et sa durée était qu’il était impossible de tricher. On peut voir quasiment voir la toute fin du plan dès les premières frames. Rien de passait opportunément devant l’écran pour nous permettre de découper la scène et passer d’un rendu à l’autre. Les simulations FLIP devaient durer plus de 1000 frames car elles étaient dans le cadre durant toute cette durée.

Image extraite de la séquence d’ouverture – full CG
© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved
Image extraite de la séquence d’ouverture – full CG
© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

3DVF : A-t-il été difficile de créer l’effet de timelapse ? Non seulement il fallait ajuster le ciel, mais il était aussi impératif de gérer les lumières de la ville.

Comme le timelapse affectait uniquement l’heure du jour, le reste de la scène évoluant en temps réel, nous avons seulement eu besoin de gérer un éclairage TRES dynamique et l’éclairage artificiel qui entre en jeu quand le soleil disparaît.
Ca a aussi des conséquences sur les niveaux d’exposition au compositing, puisque 16h n’est pas enregistré de la même manière par une caméra physique que 19h.
Les personnes et véhicules en timelapse auraient enlevé une partie de l’élégance et de la majesté du plan, le rendant plus saccadé. Adopter un parti pris temps réel/de déroulement normal du temps avec tout ce mouvement était un choix artistique conscient.

Image extraite de la séquence d’ouverture – full CG
© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

3DVF : Pouvez-vous revenir sur les difficultés techniques liées à ce plan d’ouverture ? Les simulations et problèmes de cache ont sans doute été assez délicats à gérer ?

Oui, la longueur du plan et le fait que la caméra suive un axe unique nous ont clairement causé quelques migraines. Voir tout ce qui s’apprête à passer près de la caméra à partir de la frame 300, puis continuer pour encore un millier de frames, a rendu ce plan très difficile. D’habitude on aurait un nuage qui passe dans le cadre, un bâtiment, un oiseau, quelque chose pour masquer rapidement la vue. Mais ici nous devions ajouter des bâtiments, de l’eau dont le niveau de détail devait « passer » visuellement lorsque la caméra s’en rapprocherait, même lorsque ces éléments étaient encore lointains.

Les besoins en mémoire ont représenté, en gros, la moitié du travail et consistait à subdiviser les blocs d’immeubles pour rendre le tout plus gérable. En 3D, la géométrie n’est plus un problème.

Le Coconut Club – avant ajout des effets visuels
© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved
Le Coconut Club – après ajout des effets visuels
© 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

Comme tout le monde travaille avec des meshes fortement tessellés issus de ZBrush ou de scans LiDAR, ce n’est pas quelque chose de nouveau. Mais si vous rajoutez les reflets, les caches de simulation et quelques milliers de lights, ça devient un problème.

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