La Ronde des Saisons et son Animal Totem

50 000 photos et des années de travail pour une ronde monumentale

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Denis Pontonnier : Les principaux problèmes en photogrammétrie sont le plus souvent résolus par des prises de vues complémentaires, j’ai été positivement surpris par la bonne qualité d’extraction des textures de Photoscan, excepté pour le pavement, qui constituent aussi une gageure pour obtenir la 3D, mais tout cela devait de toutes façon être remodelé, pour réduire la géométrie.

Denis Pontonnier – tous droits réservés

Il y a une vingtaine d’années je travaillais avec un des premiers petits appareils photo numériques, très limité, pour assembler des textures de rue et de maisons sur des géométries 3D assez simples, mais qui me permettaient déjà de construire des décors complets. J’ai donc mis tout cela à profit pour redresser les perspectives et rectifier manuellement.
Je n’ai pas été trop séduit par les techniques de remaillage ou “retopo” automatique, Lightwave laisse quelquefois les modeleurs un peu « sur leur faim », surtout pour des gros modèles, mais il ne m’a jamais posé de souci pour ce travail, à l’arrivée la cathédrale “pesait” 2 fois moins (2.6 millions de polygones) qu’un portail seul scanné en haute résolution.

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3DVF : Quelles leçons tirez-vous de ces deux étapes de capture puis nettoyage/optimisation ? Y a-t-il des étapes que vous referiez différemment ?

Aucun regret, les premiers blocs ont servi de test pour élaborer la méthode, jusqu’à une simulation en éclairage jour, pour entrevoir l’étendue possible du projet.
Le simple fait d’avoir pu mettre en scène le modèle dans toute les atmosphères souhaitées et d’être parvenu au bout du calcul de rendu, avec des moyens limités et dans la durée que j’avais estimé, m’a pleinement satisfait.
Il est certain qu’avec l’expérience acquise, je pourrais encore économiser du temps, mais difficile d’améliorer encore la qualité dans ces conditions, à moins d’augmenter les moyens.

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3DVF : Pour le tournage des images réelles, vous avez choisi un tournage discret et étalé dans le temps. Pourquoi ?

J’ai défini une approche contemplative de mon sujet, plus anecdotique que linéaire ou narrative, une mosaïque composée de scénettes naturelles, pour décliner un schéma saisonnier assez classique,
cela excluait toute mise en scène en réel. A travers mes repérages et ma documentation, les espaces cibles en conformité avec le model 3D, il a fini par s’établir une sorte de grille de probabilité, comme on peut le faire dans un film animalier, deviner sans trop tricher et se faire oublier, une pratique déjà acquise avec mon expérience d’opérateur de prise de vue.

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3DVF : D’où est venue l’idée d’un « animal-totem » ?

Face à un monument religieux issu du Moyen-Age, confronté à la société d’aujourd’hui, multiculturelle et l’intérêt actuel pour de multiples pratiques spirituelles, Il m’a paru pertinent d’évoquer le chamanisme parce que c’est l’origine du sacré.
C’est évidemment un raccourci pour situer le point de vue du film, qui n’évoque que superficiellement l’histoire ou l’architecture.
Avec le clin d’œil du faucon crécerelle, on observe simplement la vie tout autour, on regarde la cité comme la nature, je n’ai pas eu à chercher bien loin la présence de divers animaux, tous “totem” potentiels, de même qu’il apparait à tous les visiteurs la présence d’un bestiaire important dans toute l’imagerie gothique de la cathédrale.

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3DVF : Comment s’est déroulée la phase de rendu ?

J’ai espéré obtenir une autre machine, mais il a fallu que je me résolve à n’utiliser que ma station (gaming) i7, 16Go de RAM, 24 heures sur 24, environ 1 an et demi, exceptions faites, des dernières mises au point des scènes, de l’intégration des animations, que je travaillais sur un vieux portable et les effets spéciaux par petites session de travail.
J’avais trois résolutions de textures pour chaque bloc, suivant la distance, pour optimiser la mémoire, rechercher à diminuer les temps de chargement des scènes et la durée du calcul.
L’illumination globale était pré-calculée pour la scène avec un cache de radiosité séparé pour les animations de personnage.
J’effectuais les transferts de vidéo sur la même machine, les prises de vues s’étant déroulées sur un an, j’ai à peu près respecté un parallèle entre réel et virtuel et le réel a “peuplé” le virtuel au fur et à mesure.

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3DVF : Le compositing a sans doute été un élément clé, puisqu’il s’agissait pour certains plans de marier des images réelles et du rendu 3D. Quels ont été les défis à ce niveau ?

Il y très peu de mélanges film-virtuel à proprement parlé, en tout 4 plans, avec rotoscopie et matchmoving, simulation du même éclairage et du même objectif, et aussi un plan avec matte painting animé en fond.
Pour les plans virtuels représentant des personnages vus dans les éléments filmés, il s’agissait surtout de fabriquer ou modifier des modèles de base et leur squelette pour y transférer une animation à partir une banque que j’ai constituée avec mes scripts et plugins.
La plupart des séquences 3D ont été traitées de façon assez simple, principalement une séquence « beauty pass » et alpha, pas mal de masques pour réassembler des passes séparées pour les grandes scènes, ou modifier des couleurs ici ou là, ajuster les personnages, beaucoup de réparations (rendus partiels), inévitables quand on économise les préviews, une gestion de la profondeur pour l’atmosphère ou le brouillard.
Un color-grading a été appliqué avant montage aux deux sources censées se suivre avec la même ambiance.

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3DVF : Sur un tel projet, qui a nécessité plusieurs années de travail, la tentation est grande d’abandonner, ou à l’inverse de vouloir repasser sur des séquences, de ne jamais finir le projet et de le poursuivre indéfiniment par perfectionnisme excessif. Comment avez-vous réussi à ne pas vous « perdre » ?

Le perfectionnisme est tout relatif, excepté 2 ou 3 plans très délicats ou l’on peut parler d’acharnement, mais c’est assez courant pour des plans d’effets spéciaux que l’on juge importants.
Pour ce qui est de l’endurance, je pense que tous les généralistes 3D savent et connaissent, une fois établie la qualité désirée, c’est l’homogénéité qu’il faut atteindre avec constance.
Assumer seul toutes les décisions et assurer toutes les tâches est éprouvant, difficile pour moi d’être objectif au sujet de l’efficacité.
Mise à part des questions d’étalonnage je ne suis pas revenu en arrière, grâce aux trois années de préparation.

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3DVF : Qu’espérez-vous laisser comme impression chez les spectateurs qui verront le film ?

D’abord, étant donnée la durée de ce moyen métrage et son fil conducteur ténu, je serai d’abord heureux que les spectateurs le visionnent en entier.
Je cherche à communiquer des émotions très simples en retrait de l’époque actuelle pour le moins tourmentée.
J’espère qu’il ne seront pas troublés par le mariage inhabituel d’images virtuelles 3D, avec le réel dans un documentaire, si je parviens à ce que soient ressentis agréablement, quelques moments de grâce suspendus, comme on dit, j’aurai atteint mon but.
Ce film n’est pas institutionnel, quoique bizarrement certains aient pu le penser, ni conditionné pour des besoins particuliers.
S’il donne envie de venir voir ou visiter ce monument, j’en serais également ravi.

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3DVF : « La ronde des saisons et son animal totem » a reçu un visa d’exploitation, et est disponible en 2K pour diffusion cinéma. Où en êtes-vous dans la recherche d’un distributeur ?

Oui il peut être projeté en salle pour tous publics et il est désormais accessible intégralement sur Viméo.
Toujours à la recherche d’un distributeur, je passe sur les difficultés à présenter ce film atypique, comme vous dites, mais je pense pour l’avoir vu moi-même, qu’il y a un intérêt à le découvrir sur grand écran.

Pour en savoir plus

  • Le site de Denis Pontonnier, sur lequel on trouvera plus de détails sur La Ronde des Saisons et son Animal Totem (et un lien vers le film complet en fin de page). On y trouvera aussi les autres projets de l’artiste, dont des plugins LightWave gratuits.
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3 commentaires

kin4n 21 septembre 2020 at 22 h 15 min

J ai pu percevoir, malgre tout ce qui a ete mis en oeuvre pour qu on ne le puisse, une photogametrie de grande qualite

Shadows 22 septembre 2020 at 9 h 17 min

[USER=58986]@kin4n[/USER] Le filigrane sur la bande-annonce n’est pas idéal pour se faire une idée du contenu, mais juste en-dessous tu as les infos pour voir le film complet. 🙂

Maxiriton 22 septembre 2020 at 13 h 11 min

Le travail fourni est impressionnant ! Par contre c’est vrai que la bande annonce ne fait pas justice au boulot de modélisation, c’est un peu dommage… Bravo en tout cas !

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