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Critique – Abominable : le nouveau DreamWorks tient-il son pari ?

Lorsque la réalisatrice Jill Culton et son équipe nous avaient présenté le film d’animation Abominable au Festival d’Annecy 2019, nous étions très curieux : si le concept mêlant road movie et aide d’une créature fantastique n’était pas nouveau en soi, la localisation en Chine, la participation de Pearl Studio (ex Oriental DreamWorks) et l’enthousiasme manifeste de toute l’équipe nous semblaient prometteurs. De quoi, espérions-nous, déboucher sur un film d’animation dynamique qui apporterait de la fraîcheur tout en évitant les clichés sur l’Asie.

Nous voici désormais en octobre, et Abominable sort aujourd’hui dans les salles françaises. Et comme nous allons le voir, notre avis est dans l’ensemble plutôt positif.

Un scénario classique mais efficace

Que ce soit à Annecy ou dans le pitch officiel du film, les studios DreamWorks nous promettaient une sorte de croisement entre un road movie, E.T. et Sauvez Willy :

Les studios d’animation DreamWorks et les studios Pearl présentent Abominable, une incroyable aventure qui va entrainer le public dans une course folle de plus de 3000 kilomètres, des rues de Shanghai aux sommets enneigés de l’Himalaya. Tout commence sur le toit d’un immeuble à Shanghai, avec l’improbable rencontre d’une jeune adolescente, l’intrépide Yi (Chloe Bennet vue dans la série télévisée Marvel: Les Agents Du S.H.I.E.L.D) avec un jeune Yeti. La jeune fille et ses amis Jin (Tenzing Norgay Trainor) et Peng (Albert Tsai) vont tenter de ramener chez lui celui qu’ils appellent désormais Everest, leur nouvel et étrange ami, afin qu’il puisse retrouver sa famille sur le toit du monde. Mais pour accomplir cette mission, notre trio de choc va devoir mener une course effrénée contre Burnish (Eddie Izzard) un homme puissant qui a bien l’intention de capturer le Yeti avec la collaboration du Docteur Zara (Sarah Paulson) une éminente zoologiste.

Nous espérions que Jill Culton saurait transcender ce pitch pour dépoussiérer la formule. Au final, ce n’est pas tout à fait le cas, et certains éléments du film en deviennent assez prévisibles. Cela n’empêche pas le long-métrage de fonctionner sans ennuyer, notamment grâce à l’alchimie entre personnages (l’amour commun de l’héroïne et de la créature pour la musique), mais aussi grâce aux visuels soignés.

Personnages : une dose d’originalité

Abominable, c’est avant tout la jeune Yi, une adolescente vivant à Shanghai. Un caractère bien trempé, les cheveux souvent en bataille : notre héroïne a une personnalité solide, et un character design plutôt réussi. Sa volonté de fer lui permet en outre de multiplier les petits boulots pas toujours très gratifiants afin d’économiser l’argent dont elle a besoin pour le tour de Chine dont elle rêve.
Notre héroïne évite les clichés, est dynamique, moderne, volontaire et n’a rien d’une princesse Disney. Elle comporte en parallèle des éléments de vulnérabilité, au travers de son père disparu et de relations compliquées avec sa famille. Enfin, l’avoir située dans un environnement urbain est à la fois utile pour le scénario (contraste entre ville et campagne) et pour éviter les clichés, la métropole de Shanghai, ses buildings et ses blocs de climatisation ne correspondant pas forcément à l’imaginaire occidental quand on parle de Chine. Un contrepied bienvenu, donc.

Aux côtés de Yi, deux garçons : Jin, adolescent obsédé par son apparence et les réseaux sociaux, et Peng, cousin de Jin fan de basket. Si ce dernier est un poil oubliable, Jin est plus intéressant avec son rejet de tout ce qui pourrait ressembler à un lieu sans Wi-Fi -un point qu’il devra évidemment dépasser dans les campagnes chinoises-.

Everest, le yéti, est de son côté frappant à plus d’un titre. Son design assez cartoon tranche avec l’image populaire de l’abominable homme des neiges. On pourrait du coup penser que l’animal détonne au milieu de personnages plus réalistes, mais il n’en est rien : Everest et sa carrure s’intègrent finalement très bien au reste du film, qu’il soit à quatre ou deux pattes, silencieux ou plus bruyant : la réalisatrice Jill Culton voulait éviter de le rendre trop humain et il est donc muet, mais il nous gratifie parfois de son chant inintelligible et caverneux.

Pour le reste, nous avons apprécié la famille de Yi. Le personnage de la grand-mère, en particulier, est attachant tout en apportant une dose d’humour.

Un grand spectacle

Qui dit road movie dit évidemment paysages vastes et variés. La promesse est tenue au niveau visuel, avec des décors parfois somptueux et bien évidemment dépaysants : la campagne chinoise change des éternels paysages américains (ou canadiens) de ce type de film ! Jill Culton et son équipe en partie chinoise ont eu l’excellente idée de ne pas se contenter d’aligner les clichés touristiques, préférant par exemple montrer le Grand Bouddha de Leshan que d’autres monuments plus connus en occident.
Les pouvoirs magiques de notre Yéti viennent compléter le tout avec quelques séquences d’action spectaculaires, dont une scène sur une vague géante de fleurs parfaitement maîtrisée. Qu’on se le dise : les artistes de Pearl Studio sont talentueux, et cela se voit.

Au-delà de la géopolitique, un bon divertissement

On pourra regretter le comportement des studios impliqués concernant la polémique entourant la présence d’une carte pro-chinoise dans le film.
Il faut évidemment avouer qu’en pratique, cet élément posera sans doute surtout question pour les adultes déjà au fait de la question : d’autres, le jeune public occidental en particulier, risquent fort de ne pas remarquer ni comprendre les fameux pointillés.
Reste qu’il est dommage que les impératifs économiques se fassent au prix d’une validation de volontés impérialistes qui génèrent actuellement une augmentation des tensions militaires dans la région.
Abominable pourra donc être vu avec un certain recul, comme un exemple (au même titre de la récente polémique Blizzard) de ce qui pourrait devenir la norme dans l’industrie culturelle au cours des années à venir.

Cet aspect économico-géopolitique mis à part, DreamWorks et Pearl Studio nous proposent ici un long-métrage fort sympathique et des personnages attachants, dynamique et visuellement maîtrisé, à défaut d’avoir su créer le grand film qui semblait correspondre aux intentions de départ.

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