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Annecy 2020 : le SPFA devient AnimFrance et fait le bilan de la crise

A l’occasion du Festival d’Annecy, le Syndicat des Producteurs de Films d’Animation organisait sa traditionnelle conférence de presse. L’occasion de faire une annonce principale sur l’organisation elle-même, puis d’apporter une analyse sur l’état du secteur.

Un nouveau nom et une nouvelle ère

La première information à retenir de cette conférence est celle d’un nouveau nom : AnimFrance. L’ex SPFA opère ce virement pour différentes raisons : son sigle restait peu compréhensible pour l’international, était trop long. Une volonté de souligner la diversité de l’organisation (composée aussi de productrices et plus seulement de producteurs) a aussi fait partie des échanges internes. Finalement, c’est donc le nom AnimFrance qui s’impose : un choix qui permet de disposer d’un nom rapide à prononcer et écrire, et dont le sens est limpide.

Images : captures issues de la conférence de presse d’AnimFrance

Les missions d’AnimFrance, elles, restent celles construites au fil des ans en plus de 30 ans d’existence. L’équipe d’AnimFrance n’a pas manqué de les rappeler : négociations et signatures d’accords avec les diffuseurs, lobbying en faveur du secteur (avec à la clé crédits d’impôts, plans de soutien), négociation de la convention collective en 2004, soutien aux RADI/RAF qui se tiennent à Angoulême chaque année, etc.

Le changement d’identité s’accompagne évidemment d’un nouveau logo, visible en début d’article, ainsi que d’une version plus compacte qui fera office de pictogramme/signature.

Après la crise, l’heure du bilan

En un peu plus d’une heure, AnimFrance nous a proposé sa vision de la crise du COVID-19, son impact sur l’industrie mais aussi et surtout les points clés à suivre dans les mois à venir. Un constat mêlant confiance et prudence, dont nous avons retenu quelques points majeurs :

  • Confinement et production : AnimFrance explique que la plupart des studios ont pu continuer la production d’animation, à l’exception du secteur du long-métrage.
    La publicité a fortement chuté, y compris à l’international, et des productions ont été reportées. Conséquence de ces éléments : des recettes en forte baisse qui pourraient avoir un impact durable, puisque l’année n impacte directement l’année n+1, via le système de reversement d’une partie des recettes qui viennent alimenter le système d’aides (notamment au travers du CNC). Sur ce point, AnimFrance espère la mise en place d’une solution spécifique ; l’équipe semblait confiante sur l’aboutissement de cette demande, et ne tire donc pas la sonnette d’alarme à ce stade.Il conviendra évidemment de suivre ce sujet dans les mois à venir.
  • Grande inconnue : la reprise des salles de cinéma la semaine qui vient. Le public et les familles se déplaceront-ils en nombre pour voir de l’animation ? Réponse d’ici quelques semaines.

Transposition SMA : un enjeu majeur pour l’industrie

  • Point capital de cette conférence, la transposition de la directive SMA : il s’agit pour rappel du quota de production d’oeuvres en fonction du chiffre d’affaires réalisé dans tel ou tel territoire. A la manière de ce qui existe par exemple en radio avec les oeuvres française, l’objectif assumé est de soutenir la production locale et d’éviter, par exemple, que les chaînes ne diffusent que des contenus produits et fabriqués à l’étranger.
    Avec l’arrivée sur le marché des services de streaming, tout l’enjeu est donc de transposer la directive à ces nouvelles plateformes. AnimFrance y voit un enjeu de croissance, d’exportation et diversité mais aussi de souveraineté culturelle.
    Un des problèmes de la transposition vient du fait que les plateformes n’ont pas forcément l’habitude de négocier avec des syndicats. L’Etat a donc un rôle à jouer pour faire aboutir des accords.
    En pratique, explique AnimFrance, les négociations à venir devront définir précisément droits et obligations, avec plusieurs sujets délicats à préciser. Des détails en apparence, mais qui auront évidemment un impact important sur toute l’industrie.
    AnimFrance a ici souligné une volonté politique du gouvernement actuel, avec notamment une déclaration présidentielle en mai dernier qui confirme la volonté française de transposer SMA rapidement, pour une mise en oeuvre effective dès le 1er janvier prochain. Un projet de loi destiné à adapter « diverses dispositions d’adaptation au droit de l’UE en matière économique et financière », poursuit AnimFrance, sera à l’ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement prévue en juillet. Enfin, le Parlement pourrait confier au gouvernement le soin de transposer différentes autres mesures par simples ordonnances, via un projet de loi dont l’examen se fera en septembre.

    Sans rentrer trop loin dans les détails techniques, il est clair que le secteur attend beaucoup de cette transposition. L’enjeu est en effet énorme : après 20 années de stagnation de la production TV française autour des 300 heures, la transposition SMA pourrait permettre de crever définitivement ce plafond.

    Notons cependant, comme l’a souligné AnimFrance, que si le nombre d’heures de production a stagné, les budgets ont augmenté (le coût horaire est de l’ordre de 805k€, proche de celui de la fiction), et que l’on a assisté à une relocalisation de la fabrication avec environ 2000 emplois créés en 3 ans, pour atteindre 7500 salariés. AnimFrance a aussi indiqué l’importance de l’exportation, qui génère 2€ de recettes pour chaque euro injecté par un diffuseur français.
    Autrement dit, malgré une stagnation des heures produites, le secteur a tout de même trouvé des leviers pour se développer.

AnimFrance et LFA : une alliance en faveur de la parité et de l’inclusivité

  • La question de la diversité n’a pas été oubliée. Corinne Kouper de TeamTO, qui fait à la fois partie du conseil d’administration d’AnimFrance et de la direction de l’association Les Femmes s’Animent, a souligné le partenariat entre AnimFrance et LFA.
    Concrètement, les actions ces derniers mois ont porté sur une sensibilisation au sein des studios, avec notamment un rappel de la responsabilité directe de la direction d’une entreprise en cas de harcèlement, mais aussi des conseils sur les réactions à avoir en interne, et l’indispensable communication à faire au sein des équipes.
    Autres points évoqués : la charte destinée à favoriser l’inclusion dans le secteur, et enfin la transposition du « bonus parité » dans les aides du CNC, déjà présent en fiction, au cinéma d’animation.

France 4 : la grande inconnue

  • Dernier point majeur que nous avons retenu de cette conférence : la question de l’avenir de France 4. Depuis l’annonce de la mise à mort de la chaîne, le secteur cherche à obtenir des réponses sur d’éventuelles mesures permettant de compenser la chute massive de diffusion d’animation par France TV qui en résultera.
    La situation est encore compliquée par les réformes au sein de France 3, qui opère une régionalisation de ses contenus.
    En pratique, deux scénarios ont déjà été évoqués à l’échelle de France 3, 4 et 5 : 55% d’heures d’animation en moins en cas d’une suppression pure et simple de France 4, et d’autre part un possible volume horaire minimal garanti sur France 3 et 5, mais qui ferait tout de même chuter de 35% le volume global.
    AnimFrance souligne aussi que la fragmentation de l’offre entre plusieurs chaînes pourrait générer une baisse d’audience : les enfants ne vont pas forcément zapper d’une case horaire à l’autre, laisser la même chaîne allumée étant bien plus confortable.
    Certes, la plateforme numérique Okoo a été lancée pour compenser la fin de France 4, mais AnimFrance insiste sur le fait que la télévision reste encore forte, et le restera pendant plusieurs années au moins : Okoo ne pourra donc aucunement contrebalancer la fin de France 4, du moins pas tant que la fracture numérique en France perdurera (qui dit plateforme numérique dit nécessité de disposer d’une tablette, d’un smartphone ou d’un ordinateur).
    Si AnimFrance ne réclame pas un maintien définitif de France 4 à ce stade, bien consciente des enjeux politiques, l’organisation propose tout de même a minima un maintien temporaire de la chaîne le temps que la fracture numérique se réduise.

Entre inquiétudes et espoirs, une situation à suivre de près

Voilà donc pour les grandes lignes de cette présentation.
AnimFrance a aussi évoqué d’autres points comme la demande d’une réforme de l’Académie des arts et techniques du cinéma qui distribue les fameux César, afin de laisser plus de place à l’animation (avec une décision attendue le 9 juillet), ou encore le soutien au CNC en ce qui concerne les courts et longs-métrages, mais nous avons choisi de retenir ici les points qui risquent d’avoir l’impact le plus fort sur l’industrie dans son ensemble.

Au final, AnimFrance nous dresse ici un bilan contrasté, entre l’espoir d’un appel d’air lié au streaming et à la directive SMA d’un côté, le risque d’une chute de la demande avec la fin de France 4 de l’autre. Les mois à venir décideront donc des tendances de fond de l’industrie pour plusieurs années au moins : nous suivrons la situation avec attention.

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