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Comment les femmes victimes de Chris Savino ont réussi à le faire tomber

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L’émission américaine Full Frontal with Samantha Bee a diffusé cette semaine un segment spécial sur l’affaire Chris Savino. Créateur de la série animée The Loud House, il a été renvoyé de Nickelodeon suite à de multiples accusations de harcèlement sexuel, puis renvoyé de la guilde qui représente les artistes de l’industrie à Los Angeles.
Vous pouvez regardez ce reportage en intégralité plus bas ; il est en anglais, avec possibilité d’activer des sous-titres eux aussi en anglais.

En voici un résumé. Plusieurs artistes témoignent directement des faits : Megan Nicole Dong (storyboard artist), Ashlyn Anstee (storyboard artist), Katie Rice (storyboard director), Paula Spence (art director), Cheyenne Curtis (storyboard artist).

Après une brève présentation de leur parcours, ces femmes reviennent sur la manière dont les témoignages ont eu lieu. Suite à l’affaire Weinstein, des femmes de l’industrie ont lancé un groupe Facebook privé qui a permis aux victimes de parler sans crainte.
Dès le premier témoignage, et sans que l’agresseur ne soit explicitement nommé au départ, les soutiens ont afflué et plusieurs autres femmes ont indiqué en commentaire qu’elles pensaient savoir de qui il s’agissait, mais aussi qu’elles avaient vécu la même chose.

L’affaire a ensuite éclaté publiquement, des faits de harcèlement étalés sur de nombreuses années aux menaces de blacklistage destinées à faire taire les victimes. L’écho médiatique força Nickelodeon à prendre des mesures et le licencier Savino.

Problème : à ce stade, le risque était qu’il soit tout simplement embauché ailleurs. Comme l’a par exemple montré l’affaire John Lasseter et l’embauche de ce dernier par Skydance, les harceleurs et agresseurs sexuels peuvent facilement disposer d’une « seconde chance », même lorsqu’il s’agit en fait d’une x-ième chance après des années de faits répétés et sans réelle volonté du responsable d’accepter les conséquences des actes passés ou de présenter des excuses sincères.
Les artistes qui témoignent dans le segment soulignent aussi qu’un autre problème était la loi californienne, qui prévoit des délais d’action judiciaire très courts pour des faits de harcèlement sexuel. Légalement, il n’y avait donc rien à faire.

Considérant le fait que Chris Savino avait sévi dans trois studios différents, les victimes ont alors choisi de se tourner vers la guilde. Ce syndicat professionnel ne prévoyait à l’époque rien de spécifique concernant le harcèlement sexuel, mais une section pouvait néanmoins être utilisée : celle portant sur la notion de « déloyauté ». En bref, les actes de Chris Savino ayant créé un climat professionnel hostile pour un certain nombre de membres de la guilde, il pouvait être accusé d’avoir trahi la guilde elle-même.
Résultat : les victimles ont lancé une demande officielle auprès de la guilde, appuyée par 93 signatures. Un procès interne a la guilde a ensuite été organisé. Ce dernier a permis de souligner le caractère répété et méthodique des agissements de Savino. Les femmes qui témoignent dans le segment de l’émission soulignent par ailleurs que Savino, de son côté, n’a su que prononcer des excuses peu convaincantes, dans lesquelles il affirmait que ce qui s’était passé « n’était pas son intention » ; or, comme le souligne Ashlyn Anstee, les intentions importent peu au vu du résultat : une quinzaine de femmes victimes de harcèlement.

La guilde a reconnu Chris Savino coupable de déloyauté. Il a été exclu pour un an, et une lettre a été envoyée aux studios. De quoi, sans doute, faire en sorte que le cycle de harcèlement qui s’était étalé sur des années prenne fin.

Ces témoignages montrent évidemment la manière dont les regroupements peuvent aider les victimes, qu’il s’agisse de groupes Facebook ou de syndicats professionnels (qui, pourtant, ne disposent pas toujours de règlement spécifique concernant les faits de harcèlement sexuel). Les associations (comme Les Femmes s’Animent ou Les Intervalles côté français) peuvent aussi avoir leur rôle à jouer, notamment en ce qui concerne la prévention.

Le reportage souligne par ailleurs comment certains mécanismes (menaces de blacklistage, sentiment d’impuissance et peur) peuvent invisibiliser le problème et faire croire qu’il n’existe pas. En pratique, malheureusement, l’animation, pas plus que les effets visuels ou le jeu vidéo, ne sont miraculeusement épargnés par un phénomène présent dans l’ensemble de la société.
Rappelons que selon une étude IFOP de mars 2014, une femme sur 5 est confrontée à une situation de harcèlement sexuel dans sa vie professionnelle.

Notez enfin qu’outre les associations citées plus haut, il existe en France des associations spécialisées dans le harcèlement sexuel et les violences au travail qui peuvent aider les victimes, comme l’AVFT. Ces mêmes associations acceptent les dons, sachant que ces derniers donnent droit à des réductions fiscals.

Crédits :
Le segment animé a été produit et réalisé par une équipe de femmes dirigée par Kaitlin Fontana avec Julie Levitsky. Le montage est de Daphne Gómez-Mena.

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