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Annecy 2018 : Les Hirondelles de Kaboul, un long-métrage prometteur

Les Hirondelles de Kaboul

A l’occasion du Festival d’Annecy, nous avons pu découvrir un aperçu du long-métrage d’animation Les Hirondelles de Kaboul, encore en cours de production.
Le film adapte le roman de Yasmina Khadra (nom de plume de l’algérien Mohammed Moulessehoul, qui a pris les deux prénoms de sa femme) et narre le quotidien de plusieurs personnages en Afghanistan à la fin des années 90 :

Été 1998, Kaboul en ruines est occupée par les talibans.
Atiq et Mussarat sont mariés depuis de nombreuses années et ne se parlent presque plus. Lui supporte mal sa sinistre vie de gardien de prison pour les femmes. Elle, souffrant d’une maladie incurable, est à l’agonie. Mohsen et Zunaira sont jeunes, ils s’aiment profondément en dépit de la violence et de la misère quotidienne, ils veulent croire en l’avenir. Un geste insensé de Mohsen va faire basculer leur destin dans la tragédie.

Les réalisatrices Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec avaient fait le déplacement, accompagnées d’Ivan Rouveure (producteur chez Les Armateurs).
Le trio nous a rappelé la longue genèse du projet, d’abord prévu en live-action avant un tournant vers l’animation (ci-dessous, le pilote de 2015). Un choix qui s’appuie notamment sur une projection plus facile du public sur le dessin, mais aussi par une volonté de contourner un interdit : on se rappelle que les Talibans avaient mis un terme aux représentations humaines.

LES HIRONDELLES DE KABOUL – Pilote VF sous-titré anglais from Les Armateurs on Vimeo.

Les Hirondelles de Kaboul

Les Hirondelles de Kaboul

Les premières images du film d’animation ne trompent pas : le parti pris graphique qui évoque l’aquarelle, avec une disparition des lignes et la présence de blancs donnant un effet de surexposition. Si ce dernier choix est souvent fui en animation, il prend ici tout son sens et fait écho au soleil écrasant qui règne sur la ville. Dans ce contexte, la quasi disparition des traits a elle aussi une explication : les lignes sont supprimées presque partout où il n’y a pas d’ombre. « Le trait est l’ombre », indique Eléa Gobbé-Mévellec.
Les teintes vives peuvent surprendre, mais Eléa Gobbé-Mévellec explique qu’il s’agit là encore d’un choix volontaire. Le but était de ne pas écraser artificiellement l’ambiance mais aussi de rester fidèle aux teintes de la ville de Kaboul. Un décor terrible, « terriblement beau », comme le dit Zabou Breitman.

Elea Gobbé-Mévellec

Les Hirondelles de Kaboul

En ce qui concerne le jeu des acteurs, un parti pris original a été retenu. L’enregistrement des voix (en amont de l’animation) a été fait avec des interprètes en costumes et quelques éléments de décors, comme pour une scène de théâtre. Si cette décision peut sembler curieuse, Zabou Breitman la justifie par une volonté de justesse. Selon elle, trop souvent les personnages animés ne « jouent » pas assez bien. En utilisant cette approche, explique-t-elle, il a été possible de « reproduire les fragilités », de conserver des éléments anodins : toux, raclement de gorge, pause, tics, détails, bruits de mastication (les acteurs mangent réellement, durant les scènes de repas), etc. Autant de détails imprévus ou imprévisibles qui améliorent le résultat final. Filmer les séances a donc été utile pour l’animation.

Nous avons d’ailleurs pu voir plusieurs séquences en vidéo, dont des passages clairement émouvants pour Zabou Breitman : son père Jean-Claude Deret, décédé en 2016, interprète l’un des rôles. Il est d’ailleurs à noter que les physiques des personnages se rapprochent fortement de ceux des acteurs : le casting avait été fixé dès le pilote, ce qui a fortement dirigé le character design.

Zabou Breitman

Les deux réalisatrices n’ont pas réfléchi qu’au medium de l’animation et au processus de travail : le sujet même du film les a interrogées. Eléa Gobbé-Mévellec souligne que réaliser ce genre d’adaptation ne va pas de soi, puisqu’aucune d’elles n’a vécu cette situation.
Zabou Breitman ajoute qu’il y a eu un travail avec les comédiens (Simon Abkarian, Hiam Abbass, Swann Arlaud, Zita Hanrot…) afin qu’ils apportent une partie de leur vécu : Simon Abkarian a par exemple passé son enfance au Liban. Si ce pays est certes très éloigné de l’Afghanistan, il a tout de même pu offrir quelques touches et suggestions évitant au film de ne donner qu’une vision purement occidentale.
Dernier aspect dans lequel la question de la légitimité se retrouve : la musique, « que l’on entend mais n’écoute pas », selon Eléa Gobbé-Mévellec. Le but était d’éviter à tout prix d’avoir la prétention « d’imiter » de la musique locale, d’autant qu’elle était à l’époque interdite.
Le sujet de la légitimité et des influences ont donc déclenché des questionnements intéressants. Un sujet que l’on aurait aimé explorer davantage, mais le temps limité de la conférence ne l’a pas permis.

Les Hirondelles de Kaboul

Ivan Rouveure

Les Hirondelles de Kaboul dispose d’un budget de 5,7 millions d’euros. Ivan Rouveure, producteur chez Les Armateurs, a été franc : avec un film dont le sujet vise le public adulte, le budget ne pouvait évidemment pas grimper démesurément, et il a fallu s’adapter au potentiel commercial. Il souligne l’importance des partenaires : le long-métrage bénéficie notamment du soutien de Memento Films (distribution) et d’Arte.
Ivan Rouveure ajoute que les maîtres mots du projet sont souplesse et réactivité, et que le film devrait être bouclé d’ici la fin 2018.

Un parti pris esthétique soigné, des choix de réalisation justifiés et réfléchis, une histoire forte, quelques plans prometteurs dévoilés lors de la conférence : les ingrédients semblent réunis pour donner un projet prenant et réussi. Rendez-vous dans quelques mois pour en savoir plus.

Les Hirondelles de Kaboul

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