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Lettre ouverte : des femmes du secteur de l’animation réclament la fin du harcèlement sexuel

Signataires
Ci-dessus : quelques signataires (Lauren Faust, Elizabeth Ito Shadi Petosky, Jill Sanford, Rebecca Sugar, Aliki Theofilopoulos)

L’affaire Harvey Weinstein, producteur de cinéma accusé d’avoir harcelé, agressé sexuellement et violé des dizaines de femmes sur plusieurs décennies, a désormais des conséquences dans le milieu de l’animation.
Dans la foulée du scandale, les femmes de plusieurs industries ont choisi d’évoquer tout haut le sujet du harcèlement et du sexisme ; l’animation ne fait pas exception.

Une lettre ouverte en Californie

Une lettre ouverte a été publiée (initialement chez BuzzFeed) par plus de 200 femmes et personnes en non-conformité de genre du secteur de l’animation en Californie. Elle réclame la fin du sexisme et du harcèlement sexuel dans l’animation.
La lettre a été adressée à de nombreuses entreprises majeures tels que Disney, Cartoon Network, Nickelodeon, , Bento Box, OddBot, Paramount, Shadowmachine, Sony Pictures Animation, Stoopid Buddy, Titmouse ou encore Warner Bros.

Dans la liste des soutiens, on retrouve notamment Rebecca Sugar (qui est derrière la série Steven Universe) Lauren Faust (créatrice de My Little Pony: Friendship Is Magic), Shadi Petosky (co-créatrice de Danger & Eggs), Elizabeth Ito (réalisatrice sur la série Adventure Time), Audrey Diehl (Vice-President of Series, Warner Bros Animation), Jenna Boyd (réalisatrice chez Netflix), Jill Sanford (kids and family creative development, Netflix), Clio Chiang (story artist sur La Reine des Neiges, Kung-Fu Panda 3), Mingjue Chen (art director sur Les Mondes de Ralph 2), etc.

Les signataires indiquent que suite à l’affaire Weinstein, elles ont échangé sur la question du sexisme, du harcèlement sexuel et même des agressions sexuelles dans le secteur de l’animation, et ont été « frappées par l’omniprésence du problème ». Rares sont celles qui n’avaient pas fait l’objet de « blagues » d’un goût douteux, ou été harcelées par des collègues masculins.

La lettre avance que cette prévalence n’est pas surprenante, étant donné que l’industrie est très masculinisée. Les signataires soulignent que les femmes sont donc touchées dans leur ensemble, avec une fréquence plus élevée chez les minorités telles que les afro-américaines ou personnes LGBT+.
Autres points mis en avant : le fait que certains agresseurs visent les jeunes recrues, et l’impunité des prédateurs. Même lorsqu’ils sont dénoncés, ils retrouvent facilement du travail dans d’autres studios.

Des actions demandées

Les signataires réclament par conséquent la mise en place de mesures concrètes. Voici leurs revendications :

– la mise en place dans tous les studios d’un code clair concernant le harcèlement sexuel, avec prise en compte de toutes les victimes, peu importe l’identité de l’agresseur (y compris, donc, les producteurs et autres dirigeants) ;

– que l’Animation Guild amende son règlement pour pouvoir punir tout membre coupable d’un acte préjudiciable au bien-être des membres, y compris via une exclusion définitive si nécessaire. La création d’un comité dédié à la lutte contre le harcèlement et les discriminations est demandée pour mettre en place et appliquer ces nouvelles règles ;

– que les hommes du secteur de l’animation parlent et fassent front pour défendre les victimes, en refusant de laisser passer sans réagir les remarques sexistes et cas de harcèlement sexuel. Qu’ils ne trouvent plus d’excuses aux mauvais comportements de leurs collègues et amis, qu’ils disent tout haut que ces comportements doivent cesser.

Les signataires soulignent que les échanges sur ces sujets ont été complexes : beaucoup d’entre elles avaient des craintes car les harceleurs et agresseurs sont souvent très appréciés ou haut placés. D’autres avaient peur pour leur carrière. D’autres encore avaient déjà parlé par le passé, mais leurs demandes ou accusations avaient été balayées du revers de la main.

Voici la lettre complète :

An Open Letter to the Animation Community

We, the women and gender non-conforming people of the animation community, would like to address and highlight the pervasive problem of sexism and sexual harassment in our business. We write this letter with the hope that change is possible, and ask that you listen to our stories and then make every effort to bring a real and lasting change to the culture of animation studios.

In the wake of the Harvey Weinstein scandal, many of the women who work in animation have begun discussing more openly issues that we have dealt with quietly throughout our careers. As we came together to share our stories of sexism, sexual harassment and, in some cases, sexual assault, we were struck by the pervasiveness of the problem. Every one of us has a story to share, from tossed-off comments about our body parts that were framed as “jokes” to women being cornered in dark rooms by male colleagues to criminal assault.

Our business has always been male-dominated. Women make up only 23% of union employees, so it’s no surprise that problems with sexism and sexual harassment exist. Sexual harassment and assault are widespread issues that primarily affect women, with women of color, members of the LGBTQ+ community and other marginalized groups affected at an even greater rate.

As more women have entered the animation workforce, it seems that some men have not embraced this change. They still frequently make crass sexual remarks that make it clear women are not welcome on their crews. Some have pressed colleagues for romantic or sexual relationships, despite our clear disinterest. And some have seen the entrance of more women into the industry as an opportunity to exploit and victimize younger workers on their crews who are looking for mentorship. In addition, when sexual predators are caught at one workplace, they seem to easily find a job at another studio, sometimes even following their victims from job to job. We are tired of relying on whisper networks to know who isn’t safe to meet with alone. We want our supervisors to protect us from harassment and assault.

This abuse has got to stop.

The signatories of this letter demand that you take sexual harassment seriously. We ask that:

1. Every studio puts in place clear and enforceable sexual harassment policies and takes every report seriously. It must be clear to studio leadership, including producers, that, no matter who the abuser is, they must investigate every report or face consequences themselves.

2. The Animation Guild add language in our constitution that states that it can “censure, fine, suspend or expel any member of the guild who shall, in the opinion of the Executive Board, be found guilty of any act, omission, or conduct which is prejudicial to the welfare of the guild.” To craft and support the new language, we ask that an Anti-Harassment and Discrimination Committee be created to help educate and prevent future occurrences.

3. Our male colleagues start speaking up and standing up for us. When their co-workers make sexist remarks, or when they see sexual harassment happening, we expect them to say something. Stop making excuses for bad behavior in your friends and co-workers, and tell them what they are doing is wrong.

It has not been easy for us to share our stories with each other. Many of us were afraid because our victimizers are powerful or well-liked. Others were worried that if they came forward it would affect their careers. Some of us have come forward in the past, only to have our concerns brushed aside, or for our supervisors to tell us “he’s just from a different era.” All of us are saddened and disheartened to hear how widespread the problem of sexual harassment still is in the animation industry, and how many of our friends had been suffering in secret.

It is with this in mind that we resolve to do everything we can to prevent anyone else from being victimized. We are united in our mission to wipe out sexual harassment in the animation industry, and we will no longer be silent.

Signed,

 

Ainsi que la liste des signataires :

Signataires

Et en France ?

La France n’est évidemment pas épargnée par les faits de sexisme et harcèlement. Dans le secteur de l’animation, l’association Les Femmes s’Animent (LFA) a lancé récemment un appel à témoignages, et prépare une table ronde le 23 novembre à Paris sur le thème « Le Sexisme dans les Studios ». Nous vous invitons à lire notre article sur le sujet pour plus de détails.

Rappelons par ailleurs que des numéros de téléphone existent pour aider les victimes :
– le 39 19 : Violences Femmes Info, anonyme et gratuit, accessible du lundi au vendredi, de 9h à 22h, samedi, dimanche et jours fériés de 9h à 18h. Il se destine aux femmes victimes de toutes formes de violences et à leur entourage, avec écoute, information, orientation et prise en charge ;
– 0 800 05 95 95 : SOS Viols-Femmes-Informations, destiné aux victimes de viols et agressions sexuelles ainsi qu’à leur entourage. L’appel est anonyme, gratuit et actif du lundi au vendredi de 10h à 19h. Là encore, écoute, soutien et aide sont proposés. La ligne est tenue par le Collectif Féministe Contre le Viol, qui accepte les dons.

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