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Annecy 2017 : L’animation devient politique avec Un Homme est Mort

Un Homme est Mort
L’équipe du film à Annecy : Delphine Nicolini (Directrice du développement / Directrice artistique), Guillaume Villeneuve (Directeur de Production), Olivier Cossu (Réalisateur), Ivan Rouveure (Directeur général délégué – Producteur exécutif).
A gauche, Christophe Erbes de Kids Media Consulting, qui assurait la modération.

A l’occasion du Festival d’Annecy, Les Armateurs a présenté le Work In Progress d’un projet atypique : Un Homme est Mort.

Ce futur long-métrage est adapté de la bande dessinée de Kris et Etienne Davodeau, inspirée de faits réels. En voici le synopsis :

Brest, 1950. La ville est en pleine reconstruction. Les ouvriers sont en grève et revendiquent de meilleures conditions de travail. Ils réclament en vain des hausses de salaire. Comme toute la ville, P’tit Zef, Édouard, Désiré et Paulette, quatre amis ouvriers, participent à la grande manifestation organisée par la CGT quand de violents affrontements surviennent. Les policiers se mettent à tirer sur la foule et une balle atteint Édouard en plein front. La CGT fait alors venir le cinéaste engagé René Vautier pour qu’il fasse un film sur la lutte des grévistes. P’tit Zef et Désiré sont chargés de l’accompagner dans la ville dévastée. Face à cet homme de l’image dont l’arme est une caméra, P’tit Zef, lui, est rongé par la colère.

Un sujet dur, inspiré des luttes ouvrières : Un Homme est Mort vise un public adulte et se destine à une diffusion sur Arte.

Un Homme est Mort

Un Homme est Mort

Adapter sans trahir

La conférence a notamment porté sur la manière dont l’équipe a choisi d’adapter la bande dessinée d’origine.
Côté personnages, la volonté a été de donner plus de place aux femmes, quasi absentes de l’oeuvre sur papier alors qu’elles étaient historiquement très présentes dans les luttes ouvrières.
Pour la partie graphique, un test d’animation à partir de live action a été lancé, mais rejeté : trop réaliste, le résultat trahissait l’esprit de l’oeuvre d’origine, sans compter que cette approche aurait nécessité un casting plus complexe (trouver des acteurs en fonction de leur physique et pas simplement de leur voix).
Le choix s’est finalement porté sur une approche 2D/3D, avec un trait épuré et plus de couleurs que la bande dessinée d’origine.

Visuellement, le résultat nous a séduits. Certes, l’animation des séquences qui nous ont été présentées n’était pas totalement fluide, mais il s’agit d’un choix assumé et finalement très logique. Le public adulte visé pardonnera facilement cet aspect du projet, et sera bien plus sensible au travail graphique mené par l’équipe, à l’ambiance, à la cohérence de l’univers, au message ou au choix de faire appel à des acteurs bretons, accent inclus. De même, les repérages sur les lieux des évènements permettent au film de s’ancrer dans le réel.

Un Homme est Mort
Olivier Cossu (Réalisateur)

Un budget limité, mais une fabrication entièrement optimisée

S’agissant d’un projet destiné au petit écran, le budget est limité : 2 millions d’euros, soit environ 1,6 million pour la fabrication proprement dite. A ce budget limité s’ajoute une implication importante des Armateurs : l’entreprise a investi en fonds propres 30 à 40% de la somme.

Face à cette contrainte, l’équipe menée par le réalisateur Olivier Cossu a opté pour un démarrage long, avec un développement d’environ 6 mois : l’objectif était d’anticiper au maximum les problèmes potentiels lors de la fabrication, et d’optimiser les méthodes de travail. Autre but, qui découlait du premier : valider la faisabilité du projet sur le plan technique.

Cette optimisation passe notamment par la centralisation du projet : la trentaine de personnes qui constituent l’équipe sont toutes dans les mêmes locaux, à Paris. De quoi simplifier la communication et le suivi du film, réduire certains intermédiaires et donc alléger les coûts.

Autre choix stratégique intéressant : l’approche hybride qui mêle 2D et 3D. Pas pour le style qui pourrait en découler, mais bien pour maîtriser les frais de fabrication. Ainsi, l’équipe a généré environ 300 bâtiments avec 9 modèles géométriques seulement et de nombreuses textures (dans un style « 2D ») différentes.
Le logiciel Nuke a servi de colonne vertébrale à l’ensemble du projet, qu’il s’agisse du layout 3D, de l’animation 3D ou encore du compositing. Des scripts ont permis d’automatiser au maximum le pipeline (notamment pour le rendu), avec toujours en tête un objectif précis : faire en sorte que les artistes passent un maximum de temps sur le coeur de leur travail.

Un Homme est Mort
Delphine Nicolini (Directrice du développement / Directrice artistique)

Cette optique d’optimisation s’est aussi traduite dans la conception des props et accessoires divers : ceux qui sont souvent manipulés par les personnages ont été modélisés en 3D pour faciliter la génération d’angles de vue, tandis que les autres ont été travaillés en 2D.
De même, les figurants ont été gérés via une banque dédiée facilitant la réutilisation des données.
Enfin, du côté des décors déjà brièvement évoqués plus haut, la 3D a été utilisée pour les lieux récurrents, la 2D dans d’autres cas. Les mouvements de caméras qui pourraient trahir l’utilisation de 3D ont été évités : encore une fois, c’est une esthétique 2D qui est visée.

L’équipe du film a évoqué plusieurs autres points du pipeline : absence de rendu intermédiaire avant le compositing, système de plaques 2D placées dans l’espace 3D sous Nuke, ombres et ambiances jour/nuit gérées lors du compositing et non dans les textures. Autant de points qui permettent d’obtenir un ensemble fluide et d’éviter les écueils.

Du côté de l’infrastructure, un système de synchronisation a été mis en place : tous les artistes travaillent le local mais les modifications sont répercutées sur l’ensemble des machines. Une approche qui a plusieurs avantages : aucun travail sur le serveur (donc pas besoin de faire appel à un matériel puissant et onéreux), possibilité de vérifier à tout moment l’état des plans.
Pour le rendu des images finales, le logiciel Smedge répartit le calcul des frames sur les stations de travail : là encore le serveur est épargné.

A noter également, l’utilisation d’un fichier Premiere avec mise à jour automatique, qui permet de disposer d’un montage déjà en place. Une approche dans la lignée de ce que proposent des outils de suivi de production comme Shotgun.

Un Homme est Mort
Ivan Rouveure (Directeur général délégué – Producteur exécutif)

Une équipe aux compétences multiples

Un des gros défis a évidemment été de trouver les bonnes personnes pour mener à bien le projet. Le maître mot : multitâche. Un assistant réalisateur qui travaille également sur la modélisation, le texturing et le layout devient ainsi un atout précieux dans ce contexte d’équipe réduite et efficace.

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L’anticipation, clé du succès

Cette conférence prouve qu’un réalisateur proche des difficultés techniques est un atout : avec son solide CV en VFX et compositing, Olivier Cossu a permis d’anticiper de nombreux problèmes, et donc de les éviter. Ce Work In Progress rappelle également que les contraintes (ici, financières) sont souvent un excellent moteur créatif qui pousse les équipes à trouver des solutions originales.

Si pour le moment seule une diffusion TV est certaine, une sortie cinéma n’est pas exclue : l’équipe a évoqué une éventuelle sortie limitée, en Bretagne et en breton.
Quoiqu’il en soit, le projet nous a semblé très prometteur, et nous avons hâte de pouvoir découvrir le résultat final d’ici quelques mois.

Un Homme est Mort
Guillaume Villeneuve (Directeur de Production)

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