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Annecy 2015 : Young Perez, évoquer l'inimaginable

Young Perez

Toujours dans le cadre de la conférence « Long métrage et création graphique » du Festival d’Annecy, nous avons découvert Young Perez (à poings fermés), un projet de long-métrage inspiré de faits réels, écrit et réalisé par Jean-Jacques Kahn et Franck Van Leeuwen.

Les faits, les voici : né en Tunisie en 1911, le jeune Victor Younki se passionne rapidement pour la boxe et part pour la France. Sous le nom de Young Perez, il devient à 20 ans le plus jeune champion du monde de la discipline. Mais la gloire sera suivie par sa chute : la belle vie sera de courte durée. Après une relation amoureuse avec l’actrice Mireille Balin, celle-ci refuse sa demande en mariage. Perez se met à perdre.
Alors que la guerre éclate, Perez reste en Europe. Malgré son statut de juif tunisien, il refuse de se conformer aux règles imposées par Vichy. Arrêté en 1943, il sera déporté à Auschwitz. En 45, lors de l’évacuation partielle du camp et des marches de la mort, il sera abattu par un SS.

Le film suivra cette trame, avec une narration située du point de vue d’une amie d’enfance de Perez, restée amoureuse de lui malgré son départ et sa relation avec Mireille Balin.

Young Perez  Young Perez
Jean-Jacques Jauffret (producteur, Explicit Films) et Franck Van Leeuwen (réalisateur)

Young Perez évoque un sujet pour le moins difficile, et c’est précisément cette raison qui a poussé l’équipe à opter pour l’animation, qui permet de représenter l’inimaginable.

Toute la démarche graphique du projet découle d’ailleurs des faits et de l’époque. Franck Van Leeuwen nous a expliqué que la démarche graphique s’inscrit en rejet frontal du mouvement néo-classique et de son accent mis sur la perfection des lignes, tout simplement parce qu’il débouchera sur les mouvements artistiques appréciés des fascismes européens.

Au contraire, le film proposera une image « ouverte », avec des formes déconstruites, un univers visuel dans lequel personnages et décors se fondent. Les influences visuelles vont de Rembrandt à Carpeaux, en passant par l’artiste brut Soutter. C’est en fait un véritable cours d’Histoire de l’Art que nous a proposé Franck Van Leeuwen, manifestement passionné et profondément investi dans le projet.

D’autres choix techniques et artistiques atypiques ont été faits : refus de passer par le storyboarding classique, par exemple. A la place, l’équipe est passée par des prises de vue dans MotionBuilder et de la motion capture. Cette dernière a été préférée à l’animation en keyframe de façon à privilégier les « accidents », les mouvements incontrôlés des acteurs, la sortie des stéréotypes.

Le projet devrait se concrétiser avec un budget de 6 à 6,5 millions d’euros. L’approche graphique est encore en cours de recherche : Franck Van Leeuwen travaille notamment sur la représentation des camps, qui n’est pas figée pour le moment. Il nous a indiqué qu’il envisageait d’exploiter volontairement l’uncanny valley : fortement liée au rejet de la mort, le sentiment de malaise et rejet qu’elle provoque pourrait être utilisé pour représenter l’horreur absolue.

Un sujet fort, une démarche atypique et motivée, une réflexion poussée sur le plan graphique : Young Perez, à poings fermés a de quoi retenir l’attention. De quoi espérer que l’équipe pourra rapidement boucler son budget et se lancer pleinement dans la fabrication.

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