Pierre Lapin
Accueil » Rédactions » Pierre Lapin : rencontre avec Jordan Soler, spécialiste du grooming/surfacing/lookdev

Pierre Lapin : rencontre avec Jordan Soler, spécialiste du grooming/surfacing/lookdev

Le 4 avril 2018 sortait dans les salles françaises Pierre Lapin, adaptation sur grand écran de l’oeuvre à succès de Beatrix Potter.
Pour donner vie à cet univers, le film fait appel aux effets visuels. Certains éléments étaient tout particulièrement cruciaux en termes de réalisme, comme les fourrures des animaux ou les interactions avec le sol (gérées en partie grâce à de l’herbe numérique).

Nous vous proposons de revenir sur ces deux aspects en compagnie de Jordan Soler, qui a travaillé sur le film pour le studio Animal Logic. L’occasion d’évoquer les enjeux techniques et artistiques, ainsi que les outils employés durant la production.

Crédits des images :
– Images du film : Courtesy of Sony Pictures – © 2017 CTMG, Inc. All Rights Reserved.
– Photos de tournage : photos par Mark Rogers – © 2017 CTMG, Inc. All Rights Reserved.

3DVF : Bonjour Jordan, et merci d’avoir accepté cette interview. Pour commencer, peux-tu nous présenter ton parcours ?

Jordan Soler : Pour me présenter très brièvement, ainsi que mon parcours, je m’appelle Jordan, j’ai 23 ans. J’ai commencé la 3D en allant a l’ESMA, en 2011 (MANAA puis cursus 3D pendant 3 ans). En dernière année, mon équipe et moi avons réalisé notre court métrage Catch It avec lequel nous avons eu la chance d’être sélectionnés aux Nominated Oscar short movie. Après la fin de mes études, j’ai commencé à Illumination MacGuff en grooming sur Moi, Moche et Méchant 3, pendant environ 11 mois. En août, j’ai rejoint MPC, où j’ai pu travailler sur différents films (La Momie, Alpha, Justice League notamment). Après 8 mois à MPC je suis parti en Australie à Sydney, afin de rejoindre Animal Logic pour travailler sur Peter Rabbit alias Pierre Lapin en France.

3DVF : Pourquoi t’être orienté vers le grooming/surfacing/lookdev ?

Dès ma deuxième année d’étude, ce que l’on appelle grossièrement le « rendu » m’a toujours plus intéressé. En dernière année, pour notre court-métrage, j’ai pris la responsabilité de m’occuper principalement du poil (ce qui n’était pas une mince affaire je dois avouer, ah ah). Suite à ça, Illumination m’a recruté en grooming, MPC également. A Animal Logic j’ai aussi eu l’opportunité de toucher à toute la partie Look-dev et surfacing en plus du fur.

3DVF : Comment est-tu entré chez Animal Logic ?

J’ai vu une annonce sur LinkedIn. Ils recherchaient un senior groom artist, j’ai décidé de présenter ma candidature sur leur site. N’étant pas senior, je ne pensais pas avoir ma chance. Puis j’ai reçu un mail de leur part, un entretien, et trois semaines après je m’envolais pour Sydney ! C’est un mélange de chance, de timing et d’opportunité je dirais (et une démo pas trop mal et beaucoup de travail j’espère aussi, ha ha !)

3DVF : Au sein du studio, tu as donc travaillé sur le film Pierre Lapin (Peter Rabbit en VO). Quelles ont été tes principales responsabilités sur ce projet ?

En effet, je suis venu pour travailler sur ce film. Etant groomer, ils m’ont recrutés pour que je m’occupe principalement du poil des animaux. C’est donc par cela que j’ai commencé. j’ai principalement travaillé sur la triplette de lapin. C’est à dire les trois soeurs de Peter [image ci-dessous, NDLR]. Elles partagent en partie le même groom, puis chacune a des variations.
C’était je pense le groom le plus compliqué que j’ai eu à faire jusque là. En effet, vouloir quelque chose de très réaliste en terme de groom (qui reprend jusqu’aux principes de couches de fur qu’il existe sur des vrais lapins) sur un personnage cartoon et design ça rendait le tout assez compliqué. Beaucoup d’allers-retours sur le design, trouver quelque chose qui fonctionnait tant dans la couleur que dans la coiffure etc… C’est ce qui a pris environ 50% du temps de mon contrat là-bas je pense!

Puis j’ai eu l’opportunité de m’occuper aussi de quelques textures de poils, ou d’assets en général : écureuils, abeille, etc.

Enfin, l’herbe a aussi pris un long moment et a été un véritable challenge : c’est quelque chose que je n’avais jamais fait auparavant ! Toutes les interactions des lapins avec le sol nous ont obligés à refaire l’herbe en CG, ce qui au final représente une énorme quantité de plans. Le plus compliqué dans tout ça c’était de conserver une cohérence entre tous les plans et que les transitions fonctionnent. Au final je pense que ça marche plutôt bien! Je n ai pas travaillé sur 50 assets différents, mais je suis content d’avoir pu m’attaquer aux personnages quasi principaux, qui apparaissent souvent à l’écran. Les attentes étaient hautes et j’espère que le résultat plaira au public!

Pierre Lapin

3DVF : As-tu eu quelques surprises en Australie, par exemple au niveau de l’organisation/des méthodes de travail par rapport à ce que tu avais connu chez Illumination ou MPC ?

Globalement, que ce soit Illumination MacGuff, MPC ou Animal Logic, toutes trois sont de très grosses structures qui fonctionnent très bien depuis des années (Illumination étant la plus récente). A Animal j’ai pas eu énormément de surprise quant à l’organisation, j’ai juste trouvé tout le monde incroyablement sympathique, chaleureux. C’est un peu une « grande famille ». Pour les méthodes de travail, c’est pareil, tout est assez « normalisé » et au final, c’est plutôt logique vu que beaucoup sont des personnes qui ont pu passer par MPC, ILM ou autre donc au final on retrouve dans toutes ces boites des similitudes. Apres comme toute entreprise ayant ces propres logiciels, il m’a fallu un temps d’adaptation, et aussi m’adapter a leur façon de travailler et d’utiliser les outils. Mais globalement, je n’ai pas été dépaysé (si se n’est par les 25 degrés en hiver ah ah!).

Pierre Lapin

3DVF : A partir de quels types de références visuelles as-tu travaillé ?

Concernant les références, il s’agit principalement d’animaux réels, photos en tout genre (google, flickr …) puis ensuite on s’accorde à suivre la direction artistique qu’on nous donne. Mais toujours avec une inspiration de la réalité, c’est pour moi très important. Si les poils vont dans telles ou telles direction sur toutes les photos référence, c’est qu’il y a une raison. Suivre cela crédibilisera forcement le personnage.

Pierre Lapin

3DVF : Le grooming est un élément crucial  sur un tel long-métrage, puisque de nombreux animaux sont visibles en plan serré et qu’ils sont bien connus du public. Quelle a été ton approche sur les différents personnages dont tu étais chargé ?

Pour ma part, les approches sont souvent similaires. Passer du temps à recueillir les images qui me serviront à faire mon grooming ou mes textures (des plans larges, des close-up de chaque parties de l’animal, des vues du haut, de cotés, en mouvements, fixes, etc.) C’est un travail chronophage, mais qui, au final, fait gagner beaucoup de temps sur le long terme. S’en suit un travail d’analyse puis un long travail de curves, direction et groom. Je termine en général par la color. En effet, pour moi le « flow » des poils est la chose la plus importante: avec ou sans couleur, l’animal doit fonctionner. Pour finir, on garde toujours un œil sur le design, et la direction artistique qu’on nous donne.

3DVF : Quelques mots sur le surfacing ?

Je dois avouer que c’était un travail auquel je n’étais pas habitué (en production). Au final, on réalise qu’un animal ça a énormément de variation de couleur, et qu’il faut être très précis dans la texture.
C’était vraiment très intéressant de travailler avec des gens plus habitués. Ils m’ont apportés énormément. Ma façon de travailler beaucoup évoluée à ce niveau et j’en suis ravi! L’avantage en film, c’est qu’on pousse toujours très loin le niveau de détail, et en terme de travail et de satisfaction ça fait sacrement plaisir!

Chargement....

A Lire également