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Annecy 2018 : Comment lancer une association ?

LFA - associations

Dans le cadre des Petits Déjeuners-Débats organisés durant le Festival d’Annecy par l’association Les Femmes s’Animent, une table ronde était prévue le 12 juin dernier autour du thème « Comment démarrer une association ? ».

Si des initiatives telles que Women In Animation ou Les Femmes s’Animent étaient évidemment au coeur des échanges, les informations et retours d’expérience pourront s’appliquer à tout type d’association professionnelle.

Etaient présentes :

Jinko Gotoh, Productrice chez Warner Bros.; Vice-Presidente de l’association Women in Animation (WIA) ;
Corinne Kouper, Productrice chez TeamTo; Presidente de l’association Les Femmes s’Animent (LFA) ;
Lindsey Adams, Fondatrice de Daily Madness Productions ;  Présidente de WIA Ireland ;
Beth Parker, Senior Manager Production chez Disney Channels EMEA ; Co-Chair d’Animated Women UK ;
Nora Twomey, Réalisatrice (Parvana), Irlande.

Associations locales : importance du contexte et techniques pour réussir

Jinko Gotoh a entamé le débat. Elle a expliqué que si l’organisation WIA est assez ancienne, c’est en 2013 qu’une relance a abouti à sa forme actuelle. Une démarche qui a demandé des efforts importants : pour Jinko Gotoh, WIA est « comme un second travail » pour une bonne partie des personnes impliquées dans l’organisation. Pour elle, le lancement d’une association s’apparente à celui d’une entreprise, avec la mise en place d’un conseil d’administration avant même de « recruter » des membres.

La charge de travail a néanmoins porté ses fruits, avec des initiatives comme la campagne « 50/50 by 2025 », qui vise à atteindre la parité dans le secteur de l’animation d’ici l’année 2025. Un objectif qui nécessitera cependant, une croissance soutenue du taux de féminisation du secteur.
Autre initiative, le mentorat : de jeunes professionnelles mises en lien avec des personne disposant déjà d’une expérience plus solide. Une approche qui a eu un grand succès puisque ce sont actuellement 70 à 80 paires qui ont été mises en place. L’association n’arrive pas à satisfaire toutes les demandes du côté des jeunes professionnelles : les mentors manquent à l’appel.

Jinko Gotoh
La productrice Jinko Gotoh (Women In Animation)

La clé du succès d’une association, selon Jinko Gotoh ? trouver un noyau dur de personnes prêtes à s’investir et dotées de compétences utiles. Elle estime indispensable de disposer de 5 à 7 personnes expertes qui pourront gérer les différents axes : communication externe, organisation interne, et même les aspects légaux.

Dernier point : Jinko Gotoh a souligné que pour bénéficier d’aides financières (d’entreprises, organisations ou instances étatiques), il faut auparavant établir une comptabilité claire et publique. Montrer l’usage des fonds est indispensable pour convaincre les donateurs.

Beth Parker
A droite, Beth Parker de Disney (Animated Women UK)

Beth Parker de Disney a pris le relais. Elle a expliqué comment elle est arrivée dans la direction d’Animated Women UK. En 2016, l’association s’est formalisée avec la mise en place d’un bureau de personnes compétentes dans divers domaines : législation, finance, éducation, relations presse, etc. Son constat rejoint donc celui de Jinko Gotoh.
Elle a souligné qu’Animated Women UK a choisi de conserver son indépendance par rapport à l’organisation internationale WIA, sans devenir un vrai chapitre local. Un choix qui s’explique notamment par des contraintes financières : l’organisation n’a que des moyens limités, et a donc souhaité éviter l’affiliation pour ne pas diluer ses moyens.
Pour trouver les financements nécessaires à une association, Beth Parker conseille de faire appel aux entreprises, et d’utiliser les contacts des membres du bureau. De nombreux studios comme Disney sont ouverts au financement d’initiatives et associations, il ne faut pas hésiter à les solliciter.
Comme WIA, Animated Women UK a des difficultés à trouver suffisamment de mentors.
A noter enfin, l’association essaie actuellement de se décentraliser, avec la mise en place de groupes locaux et d’évènements sur l’ensemble du territoire. De quoi toucher davantage de femmes du secteur.

Place ensuite à Lindsey Adams, présidente de WIA Ireland. Le contexte irlandais est particulier, a-t-elle précisé : l’animation est une communauté très restreinte dans cette région, et toucher l’ensemble du secteur est du coup très simple.
Les écoles d’animation en Irlande sont petites, mais très féminisées : 70% d’étudiantes environ. Autre particularité : les évènements de WIA Ireland sont très mixtes et quasi paritaires. Une exception sur ce type de thématique.

Lindsey Adams
Au centre, Lindsey Adams, Fondatrice de Daily Madness Productions (WIA Ireland)

Enfin, du côté de la jeune association LFA lancée en France en 2015, l’organisation a dès le départ été assez proche de Women In Animation. Un des projets actuels serait comme pour Animated Women UK de créer des groupes locaux, par exemple sous forme de chapitres régionaux : une démarche qui, selon LFA, nécessitera de trouver des groupes de personnes motivées, étant donné la difficulté de porter en solitaire une telle démarche.
LFA aimerait aussi aider des association à se lancer à l’étranger : de l’intérêt existe par exemple en Espagne.
Enfin, l’association a admis avoir sous-estimé certains aspects au départ, avec par exemple des difficultés à gérer la communication et les réseaux sociaux.

LFA
Corinne Kouper, Productrice chez TeamTO et Presidente de l’association Les Femmes s’Animent (LFA)

Remises de prix : pourquoi, pour quoi ?

Les Femmes s’Animent a expliqué que l’association a été approchée pour sponsorisée un prix. Une question qui a fait débat en interne, notamment car savoir quels types de projets récompenser n’a rien d’évident.

Jinko Gotoh a rappelé que du côté de WIA, un prix de la diversité a été mis en place l’an passé, avec une approche mixte. L’idée est de récompenser à la fois les personnes, organisations et contenus.
Concrètement, des récompenses ont été attribuées à :
– Disney, pour son implication concrète au sein de WIA, sa volonté de faire évoluer la diversité au sein des oeuvres (WIA évoque notamment Zootopie, Vaiana) ;
– Nora Twomey, cofondatrice du studio irlandais Cartoon Saloon et réalisatrice du film d’animation Parvana, sur le quotidien d’une jeune fille afghane sous le régime Taliban. WIA explique avoir voulu récompenser la représentation dans le film des différences culturelles et de genre au sein du monde actuel ;
– Enfin, John Kahrs a été primé pour son court-métrage June: Life Is Better When You Share the Ride, là encore pour l’évocation de questions de diversité.

L’approche de WIA est donc de récompenser à la fois les moteurs du changement derrière la caméra, et les oeuvres qui apportent une vision plus diversifiée sur les écrans.

Les studios peuvent agir

La réalisatrice Nora Twomey est ensuite intervenue pour évoquer son expérience au sein de Cartoon Saloon. Elle a souligné que bien souvent en Irlande, c’est le studio qui doit aller vers les jeunes femmes, ces dernières sous-estimant leurs compétences. Une démarche active des entreprises aide donc à aller vers plus de parité.

Nora Twomey
A gauche : Nora Twomey, réalisatrice et cofondatrice de Cartoon Saloon

Elle a aussi évoqué la question de la vie de famille et des contraintes des studios. On sait par exemple que bien souvent, le premier enfant s’accompagne d’un départ professionnelles, en raison d’horaires très contraignants.
Nora Twomey elle-même avait songé à ne plus réaliser pour pouvoir passer plus de temps avec sa famille, mais a finalement choisi une voie très différente : en tant que cofondatrice du studio, elle pouvait opter pour changer les règles du jeu, faire en sorte de transformer le studio pour qu’il s’adapte aux contraintes des personnes qui s’y trouvent.
Entre les outils numériques et des horaires plus souples, a insisté Nora Twomey, il est parfaitement possible pour un studio de respecter la vie personnelle de l’ensemble des employées et employés. Suite aux évolutions mises en place, femmes et hommes du studio semblent avoir apprécié de pouvoir respirer davantage.

Questions-réponses

Les personnes présentes au petit déjeuner ont pu poser quelques questions ou faire des remarques.

Une intervenante d’Afrique du Sud a demandé pourquoi créer une association plutôt que de mettre en place une section dans une association plus générale (par exemple, centrée sur la télévision ou le cinéma). Pour WIA et LFA, c’est effectivement une possibilité mais il y a des spécificités à prendre en compte. Un lien avec les femmes du secteur des effets visuels peut par exemple avoir du sens, mais l’animation et les effets visuels ont des contraintes très différences qui peuvent faire diverger les actions à mener.
Jinko Gotoh a évoqué une autre possibilité d’entraide, plus informelle que l’affiliation directe : une grosse association peut aider financièrement une structure plus petite. En échange, la jeune structure ouvre ses évènements aux membres de l’association plus établie.

LFA

Une professionnelle autrichienne a exprimé un souhait d’entraide internationale : de quoi étayer la volonté de LFA qui, comme nous le disions plus haut, veut développer les liens entre pays.

Un spectateur (employé chez Sony) a rappelé qu’au lieu de viser la tête des grands groupes pour obtenir des aides financières, il peut être plus efficace de contacter les branches locales.

Une spectatrice a souligné l’importance de mettre en avant les femmes des grands studios : beaucoup de jeunes professionnelles ont le sentiment de ne pas pouvoir accéder aux grandes entreprises. Jinko Gotoh a répondu que justement, WIA travaille sur la mise en place d’une archive qui contiendrait notamment des enregistrements de tables rondes. Il faudra toutefois surmonter des obstacles techniques liés entre autres à l’infrastructure du site de l’organisation.

Globalement, cette table ronde était très intéressante, notamment en raison du public : manifestement, les volontés ne manquent pas dans de nombreuses régions du monde. Les conseils donnés pourront sans doute aider de jeunes structures à se mettre en place.
Bien entendu, le temps limité n’a pas permis d’évoquer tous les sujets : il aurait pu être intéressant d’aborder la question d’organisations et collectifs plus informels, ou l’intérêt ou non d’avoir plusieurs associations dans un même pays centrées sur la même thématique, mais avec des partis pris  et mode d’action différents. Des sujets à évoquer, peut-être, lors d’un futur petit-déjeuner.
Quoiqu’il en soit, ces retours d’expérience sont très utiles : ils permettront d’éviter aux futures associations de reproduire certaines erreurs, et d’être plus efficaces dès le départ.

Notons enfin que 3DVF relaie régulièrement les actions d’associations dans les domaines de l’animation, des VFX ou encore des jeux vidéo, en France et à l’étranger (nous n’oublions évidemment pas les personnes francophones qui nous lisent hors de France).
Si vous lancez une association, ou que vous souhaitez mettre en avant les évènements/initiatives d’organisations existantes, n’hésitez pas à nous contacter en message privé, commentaire ou par mail (info@3dvf.fr).

LFA

Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter les sites des associations Les Femmes s’Animent, Women in Animation, WIA Ireland, Animated Women UK.
Ils vous indiqueront notamment les conditions d’accès ; la plupart des organisations sont ouvertes à toutes et tous, y compris si vous n’avez pas fini vos études. A noter : Animated Women UK s’intéresse aussi au secteur des effets visuels.

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