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Build Paris 2018 : Epic Games veut séduire les entreprises hors du jeu vidéo

Build Paris

Hier se tenait à Paris la première édition française de Build, conférence organisée par Epic Games dans le but de séduire studios et entreprises. Par rapport à d’autres évènements de l’éditeur du moteur de jeu Unreal Engine, Build se distingue par son périmètre : architecture/design, médias, manufacturing et évènementiel sont abordés mais le jeu vidéo est volontairement mis de côté.

Si Build:Paris’18 n’a pas été le lieu de grandes annonces, l’évènement reste intéressant : il donne en particulier une bonne idée de la stratégie commerciale d’Epic Games.

L’éditeur avait choisi d’envoyer des invitations très ciblées à des clients, clients potentiels et partenaires. Environ 300 personnes étaient attendues (personnel d’Epic Games inclus) : A-VR, Airbus, Allegorithmic, Alstom, Backlight, BUF, Dassault Aviation, Cube Creative, Dynamixyz, Fitch London, Gone, Vuitton, Mathematic, Mikros, Renault, The Mill…
Une bonne partie de l’audience n’était pas francophone : les invités sont venus de toute l’Europe.

Simon Jones, Directeur de la division Unreal Engine Enterprise (dédiée aux secteurs non liés au jeu vidéo), a tout d’abord rappelé les succès du moteur Unreal Engine, avec officiellement plus de 5 millions d’utilisateurs. Il a souligné la volonté de l’éditeur de vouloir augmenter la fréquence de ses évènements, y compris hors du jeu vidéo. Build:Paris s’inscrit directement dans cette optique. De même, Epic Games songe à étendre ses programmes de formation, avec peut-être un évènement européen calqué sur l’Unreal Academy prévue en juin en Caroline du Nord.

Marc Petit

Marc Petit (General Manager d’Unreal Engine Enterprise) a insisté sur le fait qu’Epic Games est « une entreprise de technologie » : une manière de souligner une fois de plus que la société ne se voit pas comme centrée sur le jeu vidéo.
Il a par cependant souligné le succès du jeu Fortnite, dont la popularité a explosé depuis sa sortie. Une partie du chiffre d’affaires dégagé est bien entendu réinjectée dans la R&D et le développement.
Enfin, il a dressé quelques objectifs actuels :
– réduire le temps nécessaire à préparer les données en amont du moteur : c’est tout l’enjeu de Datasmith, un ensemble d’outils de workflow intégré à la solution Unreal Studio (encore en beta) ;
– travailler sur l’essor du raytracing temps réel : des annonces avaient été faites en ce sens à la GDC ;
– enfin, les humains virtuels, élément clé pour certains usages mais aussi pour les interactions. Là encore, la GDC avait été l’occasion de faire des démonstrations concrètes.

La suite de la demi-journée s’est articulée autour de présentations thématiques courtes et assez peu techniques : cas clients et partenaires rassemblés par secteur.

Le studio de visualisation architecturale Artefactorylab nous a ainsi expliqué comment l’entité adopte Unreal Engine, à partir d’un pipeline historiquement constitué de 3ds Max et Corona Render. Problématique similaire chez A VR, pour qui Unreal a permis de créer une simulation de conduite sur une route anglaise dans le cadre d’une consultation auprès du grand public : un point très utile pour permettre aux habitants de se prononcer, mais qui n’aurait pas été envisagé avec du rendu classique, trop coûteux.

Allegorithmic

Place ensuite aux partenaires avec Allegorithmic : Pierre Maheut (Market Strategy Director/Architecture & Design) a indiqué avec fierté que les outils Substance sont désormais présents dans la quasi totalité des studios de jeux vidéo AAA. Après une brève présentation des produits de son entreprise, il a précisé que la librairie de matériaux Substance Source s’étofferai bientôt de plus de 300 matériaux associés au domaine de l’automobile.

L’éditeur Abvent est revenu sur sa solution de visualisation architecturale Twinmotion, qui s’appuie sur l’Unreal Engine mais propose une interface allant droit au but : pas de paramètres obscurs ou de code, et des outils permettant en quelques clics de modifier la météo ou d’ajouter des passants. Abvent a insisté sur sa compatibilité avec la réalité virtuelle, et indiqué qu’il sera à terme possible d’ouvrir les projets Twinmotion dans Unreal Engine.

Du côté Media & Entertainment, la société Dreamwall a présenté son utilisation d’Unreal Engine pour la télévision : visualisation du bureau présidentiels pour France Télévision lors des présidentielles, mais aussi générique de l’émission Envoyé Spécial, qui met en scène un survol d’immeubles. La 3D temps réel prend ici tout son sens : il est possible de modifier le trajet du survol d’émission en émission, de changer les visuels affichés jusqu’au dernier moment. Parfait pour les contraintes de la télévision.

2017_DW_ShowReel_Q4_ZD_Unreal from DreamWall on Vimeo.

Nous évoquerons enfin le studio d’animation Digital Dimension. Son Chief Technology Officer Pierre Blaizeau est revenu sur la série animée Zafari, qui exploite l’Unreal Engine.
75% du pipeline a été transféré dans l’outil d’Epic Games (et des logiciels comme Substance/Photoshop) : shading, effets, lighting, compositing. Le reste -rigging, modélisation, layout, blocking,animation- fait appel à des produits plus classiques comme Maya, Shotgun, Deadline.

Les avantages pour le studio sont énormes :
– un épisode de 11 minutes fabriqué par semaine par les 50 personnes que compte l’équipe ;
– un temps de rendu inférieur à la seconde pour chaque frame, 3 à 4h au total par épisode ;
– une station classique est utilisée pour le rendu : Pierre Blaizeau a précisé avec malice que leur « ferme de rendu » a récemment doublé, avec l’achat d’un second PC ;
– des économies conséquentes en licences, matériel, énergie électrique, support ;
– moins de chaleur dégagée et donc moins de climatisation nécessaire ;
– la possibilité d’itérer en temps réel, avec jusqu’à 300% de productivité en plus à certains postes.

Les économies sont en parties réinvesties pour améliorer l’animation, mettre en place de meilleurs décors (pas de matte painting), améliorer le lighting.
L’approche temps réel n’a toutefois pas que des avantages : il faut s’imposer des limites pour résister à l’envie de tout changer jusqu’au dernier moment, et les volumes de données peuvent exploser au vu des nombreuses itérations.

A terme, Digital Dimension compte réduire encore l’écart entre pipeline classique et temps réel, utiliser les ponts interactifs entre outils pour mettre fin à certains problèmes en rig/animation, ou encore utiliser Shotgun pour suivre et centraliser les assets Unreal.

Build:Paris’18 nous a donné l’opportunité de plonger dans la façon dont Epic Games compte s’étendre sur ses nouveaux marchés.
La stratégie adoptée semble claire : casser l’image d’une entreprise centrée sur le jeu vidéo, identifier les freins majeurs (import d’assets, besoin de formation et d’outils dédiés) et les attaquer de manière frontale en leur allouant des ressources. Mais aussi mettre en place des évènements pour évangéliser et fidéliser les entreprises.
Les cas clients étaient eux aussi stratégiquement sélectionnés : diversité, volonté de souligner les gains liés au temps réel.

Au vu des moyens alloués et de la maîtrise du discours, il y a de fortes chances que cette stratégie soit efficace. Les concurrents, qu’il s’agisse de moteurs de rendu classiques ou d’autres moteurs 3D temps réel, ne croiseront évidemment pas les bras : une concurrence qui ne pourra qu’être bénéfique pour les clients, qui disposeront de meilleurs outils et d’alternatives nouvelles.

Build Paris
La salle dans laquelle avait lieu la demi-journée, durant une pause entre deux sessions

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