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PIDS 2017 : écologie et création numérique

Le Paris Images Digital Summit se tenait la semaine passée ; 3DVF était comme chaque année au rendez-vous, et nous vous proposerons donc une série de compte-rendus de l’évènement.

Une table ronde sur un sujet atypique a retenu notre attention : « Le développement durable dans la création numérique ». Elle était modérée par Baptiste Heynemann du CNC. Etaient aussi présents :
– Jean-Baptiste Spieser (directeur technique, TeamTO) ;
– Clément Pellegrini (ingénieur, Qarnot Computing) ;
– Christophe Perron (fondateur et directeur de Stimergy) ;
– Florence Brissard (directrice technique, Orfeo).

PIDS
Jean-Baptiste Spieser (directeur technique, TeamTO) lors du PIDS 2017

TeamTO : l’écologie au coeur d’un studio

Jean-Baptiste Spieser a entamé le tour de table avec une présentation des initiatives du studio TeamTO en matière d’écologie. La démarche qui est profondément enracinée dans la philosophie du studio : dès 2009, lors de la fabrication de la série animée Plankton Invasion (qui met en avant un message d’écologie), l’équipe a souhaité s’intéresser au bilan carbone du projet (400kgs d’équivalent carbone par épisode), et à mettre progressivement en place un ensemble de bonnes pratiques. En voici quelques exemples :

– La mesure de la puissance effectivement utilisée par les machines du studio (qui ne correspond évidemment pas à la puissance maximale des alimentations), avec des expérimentations puis une extrapolation à l’ensemble du parc du studio (en prenant en compte les différents types de configurations présentes).

– La prise en compte des transports des employés ; Jean-Baptiste Spieser a souligné que le choix du site du nouveau studio, dans le 18ème arrondissement, en découle directement. En choisissant un quartier populaire, l’équipe dirigeante a permis à une grande partie de ses employés d’avoir les moyens d’habiter près du studio. Résultat : beaucoup viennent à pied ou à vélo. Un garage à vélos a d’ailleurs été mis en place.

– Le choix de l’éclairage LED a des avantages certains en termes de consommation et d’efficacité, donc d’écologie. Cependant, leur recyclage pose question. Comme l’a souligné Jean-Baptiste Spieser, les améliorations peuvent conduire à déplacer les problèmes ou en créer de nouveaux…

– Au sein du studio, un système permet d’éteindre automatiquement les écrans quand la dernière personne sort du studio le soir, via son badge. Une solution peu chère à mettre en place, qui crée des économies sensibles, et s’avère bien plus efficace que de demander aux artistes d’éteindre eux-mêmes leurs écrans.

– Le studio a banni la climatisation, au profit d’un système d’aération plus efficace. Avantage, l’air est de meilleure qualité ; inconvénient, il faut supporter quelques degrés de plus durant l’été. L’écologie implique des compromis…

– Quasi suppression du papier, par exemple pour le storyboarding.

– La fibre a permis d’éliminer la livraison physique de données.

– Enfin, les déchets sont triés.

Le bilan tiré par Jean-Baptiste Spieser était clair : il est assez simple de mettre en place une démarche écologique, qui a en plus l’avantage de réaliser des économies financières. Les évolutions se font souvent progressivement, pas à pas, mais aussi parfois de façon plus radicale (comme ici lors du déménagement du studio).
Enfin, il faut se souvenir que la démarche peut avoir des coûts « cachés » : en France par exemple, l’électricité génère peu de carbone, mais crée des déchets nucléaires. De même, l’adoption des LEDs ou la suppression du papier peuvent avoir des effets pervers : gestion du recyclage, consommation liée à la lecture sur écran (imprimer restera parfois plus écologique).

Stimergy : vers des renderfarms écologiques

Seconde intervention : Stimergy, société spécialisée dans l’utilisation de la chaleur des serveurs de calcul. L’idée est double : d’une part, un service de calcul dans le cloud, d’autre part placer les serveurs là où de l’eau a besoin d’être chauffée. Il s’agira par exemple d’immeubles (eau sanitaire, chauffage collectif), piscines (ce sera bientôt le cas de celle de la Butte-aux-Cailles, à Paris), hôtels, etc. Ceux-ci y trouvent aussi leur compte : Stimergy évoque une facture d’énergie de chauffage de l’eau sanitaire jusqu’à 60% moins élevée.

Les avantages sont multiples :
– le chauffage de l’eau rend inutile l’utilisation d’un système de climatisation du serveur, ce qui crée d’emblée une économie d’énergie importante ;
– jusqu’à 90% de la chaleur dégagée par le serveur est valorisée.

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Christophe Perron (fondateur et directeur de Stimergy)

Résultat : Stimergy avance que son système permet de diviser par 8 l’empreinte carbone. Le PUE (Power Usage Effectiveness), indice de mesure classique pour les serveurs, est de l’ordre de 1,05 en pleine charge.

L’offre de Stimergy compte pour le moment une centaine de noeuds de calcul, mais sera étoffée d’ici la fin de l’année. Bien évidemment, les systèmes sont équipés en fibre et pensés pour assurer une sécurité satisfaisante.

Le site de Stimergy donne plus de détails sur les offres, à la fois pour les studios qui souhaiteraient des informations et pour les gestionnaires d’immeubles et infrastructures qui voudraient mettre en place un système de chauffe.

Orfeo : stocker dans la durée

Orfeo, de son côté, s’intéresse au stockage numérique de longue durée. La problématique de cette entreprise : conserver les masters de ses clients du secteur audiovisuel. Il s’agit donc de données qui ne sont pas destinées à l’exploitation mais pour lesquelles il est primordial d’assurer une durée de vie importante.

Le coût est évidemment un point crucial pour les choix technologiques retenus. Un système de serveur classique n’a pas de sens ici : trop cher, il est également très gourmand en énergie.
La pérennité des supports pose également question : Florence Brissard a évoqué le cas des cartouches LTO (Linear Tape-Open), qui deviennent trop rapidement obsolètes et illisibles sur les derniers lecteurs.

Orfeo a donc voulu souhaiter créer sa propre solution : les chassis SALT. Ils permettent de gérer des disques durs qui restent éteints tant qu’on ne les utilise pas, avec un système de redondance et de tests réguliers. Résultat : une consommation d’énergie réduite au minimum, sans pour autant sacrifier la sécurité indispensable aux clients.

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Florence Brissard (directrice technique, Orfeo)

Qarnot : du calcul qui réchauffe

La société française Qarnot a un positionnement proche de Stimergy, puisqu’il s’agit ici de valoriser la chaleur des serveurs de calcul. L’approche retenue est différente : Qarnot chauffe de l’air.

Concrètement, le principe est d’installer des radiateurs spécifiques chez des particuliers. Chacun de ces « Q.rad » est un serveur de calcul connecté à internet, d’une puissance de 500W. Pas de ventilateur, donc pas de bruit : l’air circule naturellement, comme sur un radiateur classique. Il est possible de régler les radiateurs directement, ou de passer par une application.
Le fonctionnement repose sur un système de remboursement : le coût énergétique est évalué puis reversé aux utilisateurs, qui se chauffent ainsi gratuitement. Le tout est évidemment sécurisé : encryption des données, calcul distribué entre différents radiateurs, absence de disque dur. Le matériel est mis à jour tous les 3 à 5 ans.
Ce point est d’autant plus important que Qarnot ne vise pas que le secteur graphique, mais aussi les banques.
Côté studios, l’offre de Qarnot est déjà utilisée chez Supamonks.

Bien évidemment, la question de l’été se pose. Qarnot admet que son système de radiateur est impacté par les saisons, puisqu’il serait absurde de chauffer en pleine canicule. L’entreprise précise toutefois qu’un mode basse consommation permet de maintenir une puissance de calcul minimale. En outre, Qarnot avance que certains sites ont besoin de chaleur toute l’année, notamment dans l’industrie ou l’agriculture. Des produits spécifiques sont en cours de développement.

Dernier point : inutile d’espérer installer un Q.rad chez vous de façon individuelle, Qarnot s’intéresse pour le moment aux systèmes plus conséquents : immeubles avec 20 unités au minimum, commerces, écoles, etc.

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Clément Pellegrini (ingénieur, Qarnot Computing)

Pour aller plus loin : Ecoprod, une mine de conseils

Enfin, Baptiste Heynemann du CNC a rapidement évoqué le site Ecoprod, qui propose des conseils et informations pratiques pour les acteurs de la production individuelles intéressés par la question de l’environnement. On y trouvera notamment un petit guide pratique de conseils, présenté à l’occasion du PIDS. Nous ne pouvons donc que vous encourager à le consulter.

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