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Interview 3DVF : Sylvain Sarrailh, concept-artist 2D/3D

Sylvain Sarrailh

Concept-artist 2D/3D, Sylvain Sarrailh travaille en freelance à Toulouse dans l’atelier Spark. Nous vous proposons aujourd’hui de revenir sur son travail au travers d’une interview ; l’occasion également de vous présenter certains de ses projets.

– 3DVF : Peux-tu nous présenter ton parcours ? Quelle est ta formation et pourquoi t’être tourné vers le concept-art ?

Sylvain Sarrailh : J’ai fait une formation de cinéma d’animation 3D à Toulouse dans une école désormais rachetée par l’ESMA. À la sortie de mes études, j’ai travaillé pendant deux ans dans une société d’architecture pour réaliser des films et des images 3D de différents projets immobiliers. Je me suis ensuite lancé en indépendant pour travailler sur mes projets de bandes dessinées et sur des commandes variées liées à l’illustration. Sans doute sensibilisé pendant mon passage dans l’architecture, je me suis découvert un intérêt particulier pour la lumière, la mise en scène et les ambiances, ce qui s’est probablement ressenti dans mon portfolio et qui m’a permis d’avoir de plus en plus de propositions liées à la recherche artistique d’environnements.

Sylvain Sarrailh
Concept pour Dark Days, un jeu en réalité virtuelle de Parallel Studio (White Night)

– Quelles sont tes spécialités, à la fois du côté artistique et sur le plan technique ?

Comme j’ai essayé de pratiquer un maximum d’outils et de techniques différentes, je me suis plus diversifié que spécialisé. J’essaye d’avoir un minimum de notions sur les différents pipelines de production, autant par curiosité que pour pouvoir m’adapter sur différents projets. Mais comme il faut bien un moment trouver sa zone de confort, j’ai commencé depuis quelques années à dédier une grosse partie de mon temps de travail à la peinture numérique. Concernant le côté artistique, mes clients s’adressent à moi avant tout pour tout ce qui concerne la mise en scène, la lumière et les couleurs.

– Quels outils utilises-tu ?

Je travaille essentiellement sur une cintiq 22 pouces et Photoshop, l’ensemble installé sur une tour de bureau car je n’ai jamais été trop fan des outils mobiles.

Sylvain Sarrailh
Concept pour Dark Days, un jeu en réalité virtuelle de Parallel Studio (White Night)

– Tu travailles beaucoup pour le secteur du jeu vidéo : quelle est ta vision de ce marché ?

Depuis une petite dizaine d’années, l’ensemble du jeu vidéo ne cherche plus à pousser le réalisme au maximum, mais à ouvrir de nouvelles portes artistiques avec bien plus d’audace que le cinéma. C’est une industrie en pleine croissance et malgré le terrain très concurrentiel, il y a désormais une véritable place pour la réflexion artistique.

Sylvain Sarrailh
Concept-art pour le jeu Song of the Deep, par Insomniac Games.

– Quels atouts mets-tu en avant lorsque tu démarches des clients ?

J’ai rarement l’occasion de démarcher des clients car je suis constamment débordé depuis quelques années, mais je pense que la meilleure solution pour ne pas manquer de projets dans l’industrie de l’image est d’avoir un portfolio qui expose des qualités par ses images et non par de nombreux textes ou CV interminables. Quelques images séduisantes issues de différents projets persos auront plus d’impact qu’une liste de clients ou de travaux de commandes pas forcément représentatifs de notre maitrise globale. Je suis peu bavard sur mes différents portfolios car j’essaye de faire en sorte que mes illustrations dévoilent mes compétences au premier coup d’œil. Beaucoup d’indépendants exposent plus leur personnalité que leur maitrise, je ne dis pas que c’est une mauvaise méthode, mais il ne faut pas confondre une carrière d’auteur avec une carrière de freelance et les métiers des arts appliqués.

Sylvain Sarrailh
Concepts pour un jeu vidéo typé science-fiction

– Peux-tu revenir sur la façon dont tu abordes un projet/concept, et la manière dont tu travailles ? Par exemple, sur tes concepts pour le jeu Streamline, de Proletariat Inc ?

À chaque projet qui m’est proposé, les méthodes et échanges avec l’équipe de production sont différents. Certains clients me laissent énormément de libertés alors que d’autres ont des projets très cadrés pour lesquels mon travail se rapproche plus de l’exécution que de la recherche créative. Le jeu vidéo Streamline est un bon exemple de compromis entre ces deux façon de collaborer. Le directeur artistique du jeu m’envoie un fichier 3D représentant grossièrement une arène du jeu à base de blocs et de forme primitives. Je me charge alors de mettre en scène et en couleur l’environnement en tenant compte de la direction artistique globale du projet. La scène 3D me sert surtout à faire des points de vue utiles pour la production du jeu et le gros du travail se passe sur Photoshop sur lequel je fais un gros travail de paint-over pour créer un environnement avec un maximum de force artistique sans bouleverser le travail de level-design. Mais ce type de méthodes n’aura pas lieu pour une couverture de roman ou pour des concepts-arts plus narratifs que fonctionnels. Chaque nouveau projet est une nouvelle façon de travailler, c’est parfois un peu éprouvant, mais ça permet d’avoir une remise en question perpétuelle sur les méthodes de travail.

Ci-dessous : concepts-arts pour Streamline, du studio Proletariat Inc.
Sylvain Sarrailh

– Tes concepts présentent un soin particulier concernant la lumière. Comment travailles-tu cet aspect d’un concept ?

C’est un peu comme les réponses précédentes, ça va dépendre complètement de l’orientation et du but de l’image. Pour une illustration comprenant des formes très angulaires dans une ambiance lumineuse très contrastée, la 3D me sera utile pour faire un rapide brouillon afin de réfléchir la façon dont doivent tomber mes ombres et ma lumière. Pour des ambiances plus tamisées à l’éclairage diffus, je travaille directement mes lumières sur Photoshop (le mode de fusion Overlay m’est particulièrement utile pour peindre la diffusion de la lumière). Mon rapport à la lumière vient surtout d’une observation constante de mon environnement et dans les films à la photographie très travaillée, le bagage culturel est souvent plus important que celui technique pour une profession de concept-artist.

Sylvain Sarrailh

– Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Globalement j’essaye de m’éloigner des inspirations classiques de l’industrie du jeu vidéo et du
cinéma pour essayer d’apporter des influences extérieures (même si je suis un gros consommateur de la culture visuelle). Les sites de photos et reportages répertoriant des paysages les plus variés me sont d’une grande utilité pour trouver des amorces d’ambiances de couleurs et de formes. Même le monde animal peut être d’une grande inspiration pour des designs de véhicules. Je pense qu’il est important de faire attention à ne pas se laisser sur-influencer par les œuvres que l’on affectionne, donc j’essaye de stimuler un maximum ma curiosité vers des sujets qui ne sont pas forcément les plus stimulants au premier abord.

– Tu fais partie de l’atelier Spark, à Toulouse. Quelques mots à ce sujet ?

C’est un atelier mutualisé entre graphistes, vidéastes et créatifs indépendants, le but étant avant tout de partager les bureaux tout en partageant nos retours d’expérience. C’est ce que je recommanderais en priorité aux professions freelances. Partager un environnement de travail permet de bénéficier de nombreux retours d’expérience différents et d’avoir une vision élargie des différentes méthodes de travail de chacun.

Sylvain Sarrailh

– Quels sont tes projets actuels, si tu peux en parler ?

Je travaille actuellement avec de nombreux studios de plus ou moins grande envergure, mais je vais bientôt décoller pour Londres le temps d’une mission de quelques chez un très gros studio de jeu vidéo. Je signe tous les jours des closes de non-divulgation ce qui m’empêche de donner le moindre indice et la plupart des projets que je peux révéler le sont avec un décalage une ou deux années de production. Mais on verra peut-être un peu de mon travail récent sur Netflix dans les mois qui viennent, si tout se passe bien.

Sylvain Sarrailh

– Pour finir, aurais-tu un conseil pour les étudiants qui nous suivent et voudraient suivre la même voie ?

Quand on sort des études supérieures, je pense que le plus important est de trouver son équilibre face un carriérisme parfois dévorant chez certains élèves fantasmant leur avenir professionnel via le prestige de studios ou de grosses licences. Certaines personnes foncent dans l’industrie visuelle pour le statut que ça leur apportera sans réfléchir à ce qu’il souhaitent exactement faire au quotidien. Il n’y a pas de parcours idéal, mais se conformer au moule d’une industrie ou d’un studio pour pouvoir passer les premières portes n’est pas toujours la meilleure solution à long terme pour un travail aussi créatif que le nôtre. Les deux pièges à éviter sont celui de l’esclave consentant prêt à accepter n’importe quelle condition pour travailler sur un projet prestigieux et le créatif égocentrique incapable de s’assouplir pour coller aux demandes de l’industrie. L’essence de notre travail est de savoir apporter des idées neuves tout en travaillant en commun chaque jour. L’essentiel est de trouver son équilibre sur ce qui nous fait vraiment vibrer tout comprenant ce que notre travail implique pour le reste de la chaine de production.

Pour en savoir plus :
– Le portfolio de Sylvain Sarrailh ;
– Son compte Twitter.

Sylvain Sarrailh

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